ACCUEIL À PROPOS CRÉDITSGALERIEMOTS-CLEFSLOISIRS

Chapitre I

L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER

NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS

DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT

BIBLIOTHÈQUE SONORE

Quels livres pour l’école ?

1.3.3.1. Quels livres pour l'école?

Nouveaux manuels

La nouvelle pédagogie et les nouveaux programmes d’enseignement exigent de nouveaux instruments, aussi bien pour l’apprentissage des rudiments, que pour les classes avancées dans les collèges. Qu’enseigner, dans quel ordre, de quelle manière ? Des efforts sont faits pour mieux organiser la transmission du savoir, rendre la matière à la portée de l’élève et faciliter la mémorisation. On ressent le besoin de réformer toutes les disciplines des arts libéraux pour refonder l’enseignement selon les principes de l’humanisme. Pour les classes inférieures, centrées sur le perfectionnement du latin, la lecture de textes classiques et les exercices de rhétorique, on propose de nouvelles méthodes censées accélérer l’apprentissage. Les nouvelles éditions scolaires portent non seulement sur des traités antiques correspondant aux différentes disciplines qui composaient le cursus, mais aussi sur des traités modernes. Les régents font un effort de vulgarisation considérable. À l’instar d’Oronce Finé, ils sont à la fois auteurs de traités scientifiques et d’ouvrages scolaires qui abrègent leurs enseignements et les rendent compréhensibles aux élèves et aux étudiants. Pour le deuxième cycle d’enseignement, des ouvrages d’arithmétique, d’astronomie ou de musique remplacent les anciens manuels.

Les auteurs classiques s’invitent en classe

Selon les humanistes, le latin doit s’apprendre directement des auteurs latins ; il faut boire l’eau à sa source ! Ce sont les orateurs, les historiens et les poètes classiques qui nous enseignent l’art de la rhétorique mieux que n’importe quel traité. Pour en tirer un vrai profit, le contact avec la prose ou la poésie latine et grecque doit être direct, sans intermédiaire de commentaires. Ainsi, dans les collèges d’humanités, la lecture des auteurs classiques devient le pilier de l’enseignement. Un esprit formé par de pareilles lectures devient capable de tout, s’exclame le fils de Racine en louant l’éducation humaniste qu’a reçue son père dans les Petites Écoles de Port-Royal.

Un nouveau canon scolaire rempli d’œuvres convenables pour le jeune public se constitue petit à petit. Cicéron est en tête de tous les auteurs latins. Il est considéré comme le maître de l’éloquence et comme un moraliste judicieux. L’historien Tite-live est reconnu pour ses harangues et les narrations simples qui conviennent aux jeunes élèves, Virgile pour sa poésie élégante et honnête. Les Odes d’Horace et son Art Poétique sont à apprendre par cœur. Parmi les auteurs grecs, les œuvres morales de Plutarque sont jugées les plus belles et les plus utiles pour l’éducation des enfants. Ce corpus reste relativement stable jusqu’au XVIIIe siècle. La littérature de jeunesse n’existe pas encore, c’est dans les œuvres de l’Antiquité que l’on cherche des histoires passionnantes, des personnages attachants et les vertus à transmettre.

Or les humanistes se heurtent vite à un paradoxe. Les auteurs classiques qu’ils admirent tant n’étaient-ils pas païens ? Cette incongruité donne lieu à des éditions sélectives ou expurgées. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la collection des ouvrages classiques, dite Ad usum Delphini, conçue à l’origine pour le fils de Louis XIV, trouve son chemin vers l’enseignement scolaire. Une autre façon de mettre les auteurs classiques à la portée des élèves sans heurter les mœurs, est de proposer des anthologies d’extraits (rédigés dans un latin plus familier) ou des recueils de sentences.

Usages du livre

Aujourd’hui, le respect pour le livre se traduit par le soin qu’on y apporte. Il n’est pas question de gribouiller dessus ! Pour les humanistes, respecter l’ouvrage, c’est se l’approprier, l’utiliser souvent, l’annoter. Lire c’est engager une conversation amicale avec les sages du passé comme nous l’ont dit Machiavel ou Montaigne.

Les textes classiques appartenant au corpus scolaire font l’objet d’éditions bon marché, appelées « feuilles classiques ». Ce sont des livrets de petit format avec des interlignes conséquents et des marges importantes, ainsi que des pages vierges que l’élève couvre avec ses notes. Ils constituent souvent des supports de cours. Les élèves ou les étudiants y notent les éclaircissements de leurs régents qui analysent les textes ligne à ligne, mot par mot, aussi bien du point de vue de la beauté de la langue que de l’enseignement moral ou philosophique contenu. Le maître prête parfois l’ouvrage pour que les élèves moins aisés puissent le copier. Les élèves retranscrivent souvent sous la dictée des professeurs certains textes canoniques comme les traités de rhétorique et de poétique, dans les cahiers qui sont spécialement conçus à cet effet.

Au-delà du monde livresque

De l’éducation antique, les pédagogues humanistes retiennent aussi l’idée de l’observation directe – non seulement l’observation des textes antiques pour retrouver leur pureté originelle, mais aussi l’observation de la nature. C’est, entre autres, l’avis de Barthélemy Latomus, lecteur de rhétorique, qui dit dans son discours prononcé le 25 octobre 1540 au Collège de France : La vraie science ne résulte pas seulement des livres. Elle résulte de l’usage et de l’expérience.

Ce principe pousse les humanistes à étudier le corps humain au lieu de se contenter de lire les livres d’anatomie, à observer le ciel, si l’on s’intéresse à l’astronomie. Certains enfants, comme les petits Ambroise Paré ou René Descartes sont portés vers l’exploration de l’homme et de la nature, considérant qu’il y a plus de choses à chercher encore qu’il n’y en a de trouvées.

La gloire des collèges d’humanités est au bout du compte relative. Montaigne, déçu des collèges de son temps, de vraies geôles pour une jeunesse captive, voit plus de profit à exercer le jugement des enfants en dehors de l’école :  J’ay ouy tenir à gens d’entendement que ces colleges où on les envoie, dequoy ils ont foison, les abrutissent ainsin. […] Au nostre [l’enfant de bonne maison à éduquer], un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compaignie, le matin et le vespre, toutes heures luy seront unes, toutes places luy seront estude : car la philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des meurs, sera sa principale leçon, a ce privilege de se mesler par tout.

Quels livres pour l’école ?

1.3.3.1. Quels livres pour l'école?

Nouveaux manuels

La nouvelle pédagogie et les nouveaux programmes d’enseignement exigent de nouveaux instruments, aussi bien pour l’apprentissage des rudiments, que pour les classes avancées dans les collèges. Qu’enseigner, dans quel ordre, de quelle manière ? Des efforts sont faits pour mieux organiser la transmission du savoir, rendre la matière à la portée de l’élève et faciliter la mémorisation. On ressent le besoin de réformer toutes les disciplines des arts libéraux pour refonder l’enseignement selon les principes de l’humanisme. Pour les classes inférieures, centrées sur le perfectionnement du latin, la lecture de textes classiques et les exercices de rhétorique, on propose de nouvelles méthodes censées accélérer l’apprentissage. Les nouvelles éditions scolaires portent non seulement sur des traités antiques correspondant aux différentes disciplines qui composaient le cursus, mais aussi sur des traités modernes. Les régents font un effort de vulgarisation considérable. À l’instar d’Oronce Finé, ils sont à la fois auteurs de traités scientifiques et d’ouvrages scolaires qui abrègent leurs enseignements et les rendent compréhensibles aux élèves et aux étudiants. Pour le deuxième cycle d’enseignement, des ouvrages d’arithmétique, d’astronomie ou de musique remplacent les anciens manuels.

Les auteurs classiques s’invitent en classe

Selon les humanistes, le latin doit s’apprendre directement des auteurs latins ; il faut boire l’eau à sa source ! Ce sont les orateurs, les historiens et les poètes classiques qui nous enseignent l’art de la rhétorique mieux que n’importe quel traité. Pour en tirer un vrai profit, le contact avec la prose ou la poésie latine et grecque doit être direct, sans intermédiaire de commentaires. Ainsi, dans les collèges d’humanités, la lecture des auteurs classiques devient le pilier de l’enseignement. Un esprit formé par de pareilles lectures devient capable de tout, s’exclame le fils de Racine en louant l’éducation humaniste qu’a reçue son père dans les Petites Écoles de Port-Royal.

Un nouveau canon scolaire rempli d’œuvres convenables pour le jeune public se constitue petit à petit. Cicéron est en tête de tous les auteurs latins. Il est considéré comme le maître de l’éloquence et comme un moraliste judicieux. L’historien Tite-live est reconnu pour ses harangues et les narrations simples qui conviennent aux jeunes élèves, Virgile pour sa poésie élégante et honnête. Les Odes d’Horace et son Art Poétique sont à apprendre par cœur. Parmi les auteurs grecs, les œuvres morales de Plutarque sont jugées les plus belles et les plus utiles pour l’éducation des enfants. Ce corpus reste relativement stable jusqu’au XVIIIe siècle. La littérature de jeunesse n’existe pas encore, c’est dans les œuvres de l’Antiquité que l’on cherche des histoires passionnantes, des personnages attachants et les vertus à transmettre.

Or les humanistes se heurtent vite à un paradoxe. Les auteurs classiques qu’ils admirent tant n’étaient-ils pas païens ? Cette incongruité donne lieu à des éditions sélectives ou expurgées. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la collection des ouvrages classiques, dite Ad usum Delphini, conçue à l’origine pour le fils de Louis XIV, trouve son chemin vers l’enseignement scolaire. Une autre façon de mettre les auteurs classiques à la portée des élèves sans heurter les mœurs, est de proposer des anthologies d’extraits (rédigés dans un latin plus familier) ou des recueils de sentences.

Usages du livre

Aujourd’hui, le respect pour le livre se traduit par le soin qu’on y apporte. Il n’est pas question de gribouiller dessus ! Pour les humanistes, respecter l’ouvrage, c’est se l’approprier, l’utiliser souvent, l’annoter. Lire c’est engager une conversation amicale avec les sages du passé comme nous l’ont dit Machiavel ou Montaigne.

Les textes classiques appartenant au corpus scolaire font l’objet d’éditions bon marché, appelées « feuilles classiques ». Ce sont des livrets de petit format avec des interlignes conséquents et des marges importantes, ainsi que des pages vierges que l’élève couvre avec ses notes. Ils constituent souvent des supports de cours. Les élèves ou les étudiants y notent les éclaircissements de leurs régents qui analysent les textes ligne à ligne, mot par mot, aussi bien du point de vue de la beauté de la langue que de l’enseignement moral ou philosophique contenu. Le maître prête parfois l’ouvrage pour que les élèves moins aisés puissent le copier. Les élèves retranscrivent souvent sous la dictée des professeurs certains textes canoniques comme les traités de rhétorique et de poétique, dans les cahiers qui sont spécialement conçus à cet effet.

Au-delà du monde livresque

De l’éducation antique, les pédagogues humanistes retiennent aussi l’idée de l’observation directe – non seulement l’observation des textes antiques pour retrouver leur pureté originelle, mais aussi l’observation de la nature. C’est, entre autres, l’avis de Barthélemy Latomus, lecteur de rhétorique, qui dit dans son discours prononcé le 25 octobre 1540 au Collège de France : La vraie science ne résulte pas seulement des livres. Elle résulte de l’usage et de l’expérience.

Ce principe pousse les humanistes à étudier le corps humain au lieu de se contenter de lire les livres d’anatomie, à observer le ciel, si l’on s’intéresse à l’astronomie. Certains enfants, comme les petits Ambroise Paré ou René Descartes sont portés vers l’exploration de l’homme et de la nature, considérant qu’il y a plus de choses à chercher encore qu’il n’y en a de trouvées.

La gloire des collèges d’humanités est au bout du compte relative. Montaigne, déçu des collèges de son temps, de vraies geôles pour une jeunesse captive, voit plus de profit à exercer le jugement des enfants en dehors de l’école :  J’ay ouy tenir à gens d’entendement que ces colleges où on les envoie, dequoy ils ont foison, les abrutissent ainsin. […] Au nostre [l’enfant de bonne maison à éduquer], un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compaignie, le matin et le vespre, toutes heures luy seront unes, toutes places luy seront estude : car la philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des meurs, sera sa principale leçon, a ce privilege de se mesler par tout.

Quels livres pour l’école ?

1.3.3.1. Quels livres pour l'école?

Nouveaux manuels

La nouvelle pédagogie et les nouveaux programmes d’enseignement exigent de nouveaux instruments, aussi bien pour l’apprentissage des rudiments, que pour les classes avancées dans les collèges. Qu’enseigner, dans quel ordre, de quelle manière ? Des efforts sont faits pour mieux organiser la transmission du savoir, rendre la matière à la portée de l’élève et faciliter la mémorisation. On ressent le besoin de réformer toutes les disciplines des arts libéraux pour refonder l’enseignement selon les principes de l’humanisme. Pour les classes inférieures, centrées sur le perfectionnement du latin, la lecture de textes classiques et les exercices de rhétorique, on propose de nouvelles méthodes censées accélérer l’apprentissage. Les nouvelles éditions scolaires portent non seulement sur des traités antiques correspondant aux différentes disciplines qui composaient le cursus, mais aussi sur des traités modernes. Les régents font un effort de vulgarisation considérable. À l’instar d’Oronce Finé, ils sont à la fois auteurs de traités scientifiques et d’ouvrages scolaires qui abrègent leurs enseignements et les rendent compréhensibles aux élèves et aux étudiants. Pour le deuxième cycle d’enseignement, des ouvrages d’arithmétique, d’astronomie ou de musique remplacent les anciens manuels.

Les auteurs classiques s’invitent en classe

Selon les humanistes, le latin doit s’apprendre directement des auteurs latins ; il faut boire l’eau à sa source ! Ce sont les orateurs, les historiens et les poètes classiques qui nous enseignent l’art de la rhétorique mieux que n’importe quel traité. Pour en tirer un vrai profit, le contact avec la prose ou la poésie latine et grecque doit être direct, sans intermédiaire de commentaires. Ainsi, dans les collèges d’humanités, la lecture des auteurs classiques devient le pilier de l’enseignement. Un esprit formé par de pareilles lectures devient capable de tout, s’exclame le fils de Racine en louant l’éducation humaniste qu’a reçue son père dans les Petites Écoles de Port-Royal.

Un nouveau canon scolaire rempli d’œuvres convenables pour le jeune public se constitue petit à petit. Cicéron est en tête de tous les auteurs latins. Il est considéré comme le maître de l’éloquence et comme un moraliste judicieux. L’historien Tite-live est reconnu pour ses harangues et les narrations simples qui conviennent aux jeunes élèves, Virgile pour sa poésie élégante et honnête. Les Odes d’Horace et son Art Poétique sont à apprendre par cœur. Parmi les auteurs grecs, les œuvres morales de Plutarque sont jugées les plus belles et les plus utiles pour l’éducation des enfants. Ce corpus reste relativement stable jusqu’au XVIIIe siècle. La littérature de jeunesse n’existe pas encore, c’est dans les œuvres de l’Antiquité que l’on cherche des histoires passionnantes, des personnages attachants et les vertus à transmettre.

Or les humanistes se heurtent vite à un paradoxe. Les auteurs classiques qu’ils admirent tant n’étaient-ils pas païens ? Cette incongruité donne lieu à des éditions sélectives ou expurgées. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la collection des ouvrages classiques, dite Ad usum Delphini, conçue à l’origine pour le fils de Louis XIV, trouve son chemin vers l’enseignement scolaire. Une autre façon de mettre les auteurs classiques à la portée des élèves sans heurter les mœurs, est de proposer des anthologies d’extraits (rédigés dans un latin plus familier) ou des recueils de sentences.

Usages du livre

Aujourd’hui, le respect pour le livre se traduit par le soin qu’on y apporte. Il n’est pas question de gribouiller dessus ! Pour les humanistes, respecter l’ouvrage, c’est se l’approprier, l’utiliser souvent, l’annoter. Lire c’est engager une conversation amicale avec les sages du passé comme nous l’ont dit Machiavel ou Montaigne.

Les textes classiques appartenant au corpus scolaire font l’objet d’éditions bon marché, appelées « feuilles classiques ». Ce sont des livrets de petit format avec des interlignes conséquents et des marges importantes, ainsi que des pages vierges que l’élève couvre avec ses notes. Ils constituent souvent des supports de cours. Les élèves ou les étudiants y notent les éclaircissements de leurs régents qui analysent les textes ligne à ligne, mot par mot, aussi bien du point de vue de la beauté de la langue que de l’enseignement moral ou philosophique contenu. Le maître prête parfois l’ouvrage pour que les élèves moins aisés puissent le copier. Les élèves retranscrivent souvent sous la dictée des professeurs certains textes canoniques comme les traités de rhétorique et de poétique, dans les cahiers qui sont spécialement conçus à cet effet.

Au-delà du monde livresque

De l’éducation antique, les pédagogues humanistes retiennent aussi l’idée de l’observation directe – non seulement l’observation des textes antiques pour retrouver leur pureté originelle, mais aussi l’observation de la nature. C’est, entre autres, l’avis de Barthélemy Latomus, lecteur de rhétorique, qui dit dans son discours prononcé le 25 octobre 1540 au Collège de France : La vraie science ne résulte pas seulement des livres. Elle résulte de l’usage et de l’expérience.

Ce principe pousse les humanistes à étudier le corps humain au lieu de se contenter de lire les livres d’anatomie, à observer le ciel, si l’on s’intéresse à l’astronomie. Certains enfants, comme les petits Ambroise Paré ou René Descartes sont portés vers l’exploration de l’homme et de la nature, considérant qu’il y a plus de choses à chercher encore qu’il n’y en a de trouvées.

La gloire des collèges d’humanités est au bout du compte relative. Montaigne, déçu des collèges de son temps, de vraies geôles pour une jeunesse captive, voit plus de profit à exercer le jugement des enfants en dehors de l’école :  J’ay ouy tenir à gens d’entendement que ces colleges où on les envoie, dequoy ils ont foison, les abrutissent ainsin. […] Au nostre [l’enfant de bonne maison à éduquer], un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compaignie, le matin et le vespre, toutes heures luy seront unes, toutes places luy seront estude : car la philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des meurs, sera sa principale leçon, a ce privilege de se mesler par tout.

Quels livres pour l’école ?

1.3.3.1. Quels livres pour l'école?

Nouveaux manuels

La nouvelle pédagogie et les nouveaux programmes d’enseignement exigent de nouveaux instruments, aussi bien pour l’apprentissage des rudiments, que pour les classes avancées dans les collèges. Qu’enseigner, dans quel ordre, de quelle manière ? Des efforts sont faits pour mieux organiser la transmission du savoir, rendre la matière à la portée de l’élève et faciliter la mémorisation. On ressent le besoin de réformer toutes les disciplines des arts libéraux pour refonder l’enseignement selon les principes de l’humanisme. Pour les classes inférieures, centrées sur le perfectionnement du latin, la lecture de textes classiques et les exercices de rhétorique, on propose de nouvelles méthodes censées accélérer l’apprentissage. Les nouvelles éditions scolaires portent non seulement sur des traités antiques correspondant aux différentes disciplines qui composaient le cursus, mais aussi sur des traités modernes. Les régents font un effort de vulgarisation considérable. À l’instar d’Oronce Finé, ils sont à la fois auteurs de traités scientifiques et d’ouvrages scolaires qui abrègent leurs enseignements et les rendent compréhensibles aux élèves et aux étudiants. Pour le deuxième cycle d’enseignement, des ouvrages d’arithmétique, d’astronomie ou de musique remplacent les anciens manuels.

Les auteurs classiques s’invitent en classe

Selon les humanistes, le latin doit s’apprendre directement des auteurs latins ; il faut boire l’eau à sa source ! Ce sont les orateurs, les historiens et les poètes classiques qui nous enseignent l’art de la rhétorique mieux que n’importe quel traité. Pour en tirer un vrai profit, le contact avec la prose ou la poésie latine et grecque doit être direct, sans intermédiaire de commentaires. Ainsi, dans les collèges d’humanités, la lecture des auteurs classiques devient le pilier de l’enseignement. Un esprit formé par de pareilles lectures devient capable de tout, s’exclame le fils de Racine en louant l’éducation humaniste qu’a reçue son père dans les Petites Écoles de Port-Royal.

Un nouveau canon scolaire rempli d’œuvres convenables pour le jeune public se constitue petit à petit. Cicéron est en tête de tous les auteurs latins. Il est considéré comme le maître de l’éloquence et comme un moraliste judicieux. L’historien Tite-live est reconnu pour ses harangues et les narrations simples qui conviennent aux jeunes élèves, Virgile pour sa poésie élégante et honnête. Les Odes d’Horace et son Art Poétique sont à apprendre par cœur. Parmi les auteurs grecs, les œuvres morales de Plutarque sont jugées les plus belles et les plus utiles pour l’éducation des enfants. Ce corpus reste relativement stable jusqu’au XVIIIe siècle. La littérature de jeunesse n’existe pas encore, c’est dans les œuvres de l’Antiquité que l’on cherche des histoires passionnantes, des personnages attachants et les vertus à transmettre.

Or les humanistes se heurtent vite à un paradoxe. Les auteurs classiques qu’ils admirent tant n’étaient-ils pas païens ? Cette incongruité donne lieu à des éditions sélectives ou expurgées. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la collection des ouvrages classiques, dite Ad usum Delphini, conçue à l’origine pour le fils de Louis XIV, trouve son chemin vers l’enseignement scolaire. Une autre façon de mettre les auteurs classiques à la portée des élèves sans heurter les mœurs, est de proposer des anthologies d’extraits (rédigés dans un latin plus familier) ou des recueils de sentences.

Usages du livre

Aujourd’hui, le respect pour le livre se traduit par le soin qu’on y apporte. Il n’est pas question de gribouiller dessus ! Pour les humanistes, respecter l’ouvrage, c’est se l’approprier, l’utiliser souvent, l’annoter. Lire c’est engager une conversation amicale avec les sages du passé comme nous l’ont dit Machiavel ou Montaigne.

Les textes classiques appartenant au corpus scolaire font l’objet d’éditions bon marché, appelées « feuilles classiques ». Ce sont des livrets de petit format avec des interlignes conséquents et des marges importantes, ainsi que des pages vierges que l’élève couvre avec ses notes. Ils constituent souvent des supports de cours. Les élèves ou les étudiants y notent les éclaircissements de leurs régents qui analysent les textes ligne à ligne, mot par mot, aussi bien du point de vue de la beauté de la langue que de l’enseignement moral ou philosophique contenu. Le maître prête parfois l’ouvrage pour que les élèves moins aisés puissent le copier. Les élèves retranscrivent souvent sous la dictée des professeurs certains textes canoniques comme les traités de rhétorique et de poétique, dans les cahiers qui sont spécialement conçus à cet effet.

Au-delà du monde livresque

De l’éducation antique, les pédagogues humanistes retiennent aussi l’idée de l’observation directe – non seulement l’observation des textes antiques pour retrouver leur pureté originelle, mais aussi l’observation de la nature. C’est, entre autres, l’avis de Barthélemy Latomus, lecteur de rhétorique, qui dit dans son discours prononcé le 25 octobre 1540 au Collège de France : La vraie science ne résulte pas seulement des livres. Elle résulte de l’usage et de l’expérience.

Ce principe pousse les humanistes à étudier le corps humain au lieu de se contenter de lire les livres d’anatomie, à observer le ciel, si l’on s’intéresse à l’astronomie. Certains enfants, comme les petits Ambroise Paré ou René Descartes sont portés vers l’exploration de l’homme et de la nature, considérant qu’il y a plus de choses à chercher encore qu’il n’y en a de trouvées.

La gloire des collèges d’humanités est au bout du compte relative. Montaigne, déçu des collèges de son temps, de vraies geôles pour une jeunesse captive, voit plus de profit à exercer le jugement des enfants en dehors de l’école :  J’ay ouy tenir à gens d’entendement que ces colleges où on les envoie, dequoy ils ont foison, les abrutissent ainsin. […] Au nostre [l’enfant de bonne maison à éduquer], un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compaignie, le matin et le vespre, toutes heures luy seront unes, toutes places luy seront estude : car la philosophie, qui, comme formatrice des jugements et des meurs, sera sa principale leçon, a ce privilege de se mesler par tout.