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Chapitre III

L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER

NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS

DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT

BIBLIOTHÈQUE SONORE

Ronsard à l’école de Dorat

3.8. Ronsard

Ronsard, collégien sur le tard

Issu de la petite noblesse provinciale peu fortunée du Vendômois, le jeune Pierre de Ronsard (1524-1585) cause quelques soucis à son père, Louis de Ronsard. Ce dernier l’envoie au collège de Navarre, institution réputée, mais au bout de six mois à peine, le jeune garçon de douze ans est renvoyé, probablement parce qu’il ne répond pas aux exigences de ses régents.

Il est alors orienté vers la vie « pratique » et accompagne, en tant que page, la noble équipée de Madeleine de France vers l’Écosse. Il se rend aussi en Alsace comme secrétaire de l’humaniste et diplomate Lazare de Baïf (1496-1547) et lorsqu’il en revient, il a dix-neuf ans.

Son père ambitionne pour lui des études de droit. Le jeune homme est attiré par la poésie. Il accepte de recevoir la tonsure de l’évêque du Mans, pour pouvoir briguer par la suite des bénéfices ecclésiastiques.

Mais, coup du destin, Louis de Ronsard meurt en 1544, et le jeune homme a les mains libres. Jusqu’alors, il n’avait pas suivi d’études régulières. Or il se trouve que l’humaniste Jean Dorat (1508-1588) donnait les leçons particulières à Jean-Antoine de Baïf (1532-1585), le fils naturel du protecteur de Ronsard, Lazare de Baïf. Angevin d’origine (né près de La Flèche), Lazare avait étudié en Italie, savait à fond le grec, était l’auteur d’ouvrages érudits et choisissait d’éminents hellénistes pour instruire son fils. Il propose alors généreusement à Ronsard de se joindre à Jean-Antoine pour suivre les leçons de Dorat dans sa maison de la rue des Fossés-saint-Victor à Paris (l’actuelle rue Cardinal Lemoine).

C’est donc tout naturellement qu’à la mort de Lazare en 1547, les deux élèves privés de Dorat le suivent comme internes au collège Coqueret dont Dorat est régent de 1547 à 1551. Ces deux futurs poètes français sont donc condisciples, malgré la différence d’âge : si Baïf a quinze ans, Ronsard est alors âgé de vingt-trois ans.

Disciple de Dorat et poète savant

Les disciples de Dorat ont laissé des témoignages sur sa pédagogie : loin de la « sotte barbarie » d’une rhétorique formaliste et des recettes morales toutes prêtes, Dorat traduit et commente l’Odyssée. Il emmène à sa suite Ronsard, Baïf, Du Bellay – la Brigade qui deviendra la Pléiade – sur les traces d’Ulysse, un parcours initiatique où le voyage et les épreuves du héros figurent la traversée du monde réel et la purification de l’âme. Cette lecture allégorique se double d’un décryptage des noms grecs. Hector, c’est « celui qui maintient l’ordre », Andromaque, « la courageuse au combat », Astyanax, « le prince de la cité ».

Cette plongée dans la langue, la poésie, la culture grecques a laissé une empreinte indélébile sur Baïf, auteur de « vers mesurés » scandés suivant un mètre grec ou latin, tout comme sur Ronsard. Ainsi, dans les Sonnets pour Hélène, le « prince des poètes français » parle un peu grec parfois. Il joue avec le nom d’Hélène de Surgères, une de ses inspiratrices. Car derrière le prénom grec d’Hélène, enjeu de la guerre de Troie, se cache un double sens. Le lecteur savant comprend que le prénom se rapproche du verbe éléeïn qui signifie « avoir pitié ». Mais la cruelle Hélène ne fait guère preuve de pitié envers celui qui se meurt d’amour pour elle. Son attitude s’explique par un autre mot qui sonne comme « Hélène », eleïn qui provient du verbe d’aireô, « saisir, s’emparer » d’une ville. Le poète est alors fondé à reprocher à sa dame son nom qui « vient d’ôter, de ravir, de tuer, de piller ».

Le « poète savant » (sophos poïètès, poeta doctus) est une figure obligée transmise par la culture antique et Ronsard ne déroge pas à la règle. C’est l’époque où l’on se retourne dans la rue pour mieux voir un passant qui sait du grec et du latin. Ce savoir n’est pas partagé par tous, même au sein de l’élite. C’est pourquoi le Premier Livre des Amours sera publié avec des commentaires de l’humaniste Marc-Antoine Muret visant à éclaircir pour le lecteur les allusions savantes à la langue grecque, à la mythologie ou aux philosophies antiques.

Cependant, la poésie étant aussi un art musical, un art mondain, un art de cour, les allusions érudites s’allégeront bientôt dans les pièces de circonstance et dans les œuvres que publient les poètes de la Pléiade.

L’élève de Dorat – Aureatus en latin – a été nourri à « la féconde mamelle » de son maître. Et voilà qu’il s’impose maintenant à son tour comme un lauréat. Les deux hommes se rendent hommage réciproquement, par poèmes interposés, en rivalisant de jeux savants mêlant termes grecs et latins. Comme le reconnaît Ronsard, sa première inspiration poétique vient du désir de rendre en français les merveilles de la poésie grecque. Si le miel de sa voix est utilisé pour louer son précepteur, ce n’est donc que justice.

Ronsard à l’école de Dorat

3.8. Ronsard

Ronsard, collégien sur le tard

Issu de la petite noblesse provinciale peu fortunée du Vendômois, le jeune Pierre de Ronsard (1524-1585) cause quelques soucis à son père, Louis de Ronsard. Ce dernier l’envoie au collège de Navarre, institution réputée, mais au bout de six mois à peine, le jeune garçon de douze ans est renvoyé, probablement parce qu’il ne répond pas aux exigences de ses régents.

Il est alors orienté vers la vie « pratique » et accompagne, en tant que page, la noble équipée de Madeleine de France vers l’Écosse. Il se rend aussi en Alsace comme secrétaire de l’humaniste et diplomate Lazare de Baïf (1496-1547) et lorsqu’il en revient, il a dix-neuf ans.

Son père ambitionne pour lui des études de droit. Le jeune homme est attiré par la poésie. Il accepte de recevoir la tonsure de l’évêque du Mans, pour pouvoir briguer par la suite des bénéfices ecclésiastiques.

Mais, coup du destin, Louis de Ronsard meurt en 1544, et le jeune homme a les mains libres. Jusqu’alors, il n’avait pas suivi d’études régulières. Or il se trouve que l’humaniste Jean Dorat (1508-1588) donnait les leçons particulières à Jean-Antoine de Baïf (1532-1585), le fils naturel du protecteur de Ronsard, Lazare de Baïf. Angevin d’origine (né près de La Flèche), Lazare avait étudié en Italie, savait à fond le grec, était l’auteur d’ouvrages érudits et choisissait d’éminents hellénistes pour instruire son fils. Il propose alors généreusement à Ronsard de se joindre à Jean-Antoine pour suivre les leçons de Dorat dans sa maison de la rue des Fossés-saint-Victor à Paris (l’actuelle rue Cardinal Lemoine).

C’est donc tout naturellement qu’à la mort de Lazare en 1547, les deux élèves privés de Dorat le suivent comme internes au collège Coqueret dont Dorat est régent de 1547 à 1551. Ces deux futurs poètes français sont donc condisciples, malgré la différence d’âge : si Baïf a quinze ans, Ronsard est alors âgé de vingt-trois ans.

Disciple de Dorat et poète savant

Les disciples de Dorat ont laissé des témoignages sur sa pédagogie : loin de la « sotte barbarie » d’une rhétorique formaliste et des recettes morales toutes prêtes, Dorat traduit et commente l’Odyssée. Il emmène à sa suite Ronsard, Baïf, Du Bellay – la Brigade qui deviendra la Pléiade – sur les traces d’Ulysse, un parcours initiatique où le voyage et les épreuves du héros figurent la traversée du monde réel et la purification de l’âme. Cette lecture allégorique se double d’un décryptage des noms grecs. Hector, c’est « celui qui maintient l’ordre », Andromaque, « la courageuse au combat », Astyanax, « le prince de la cité ».

Cette plongée dans la langue, la poésie, la culture grecques a laissé une empreinte indélébile sur Baïf, auteur de « vers mesurés » scandés suivant un mètre grec ou latin, tout comme sur Ronsard. Ainsi, dans les Sonnets pour Hélène, le « prince des poètes français » parle un peu grec parfois. Il joue avec le nom d’Hélène de Surgères, une de ses inspiratrices. Car derrière le prénom grec d’Hélène, enjeu de la guerre de Troie, se cache un double sens. Le lecteur savant comprend que le prénom se rapproche du verbe éléeïn qui signifie « avoir pitié ». Mais la cruelle Hélène ne fait guère preuve de pitié envers celui qui se meurt d’amour pour elle. Son attitude s’explique par un autre mot qui sonne comme « Hélène », eleïn qui provient du verbe d’aireô, « saisir, s’emparer » d’une ville. Le poète est alors fondé à reprocher à sa dame son nom qui « vient d’ôter, de ravir, de tuer, de piller ».

Le « poète savant » (sophos poïètès, poeta doctus) est une figure obligée transmise par la culture antique et Ronsard ne déroge pas à la règle. C’est l’époque où l’on se retourne dans la rue pour mieux voir un passant qui sait du grec et du latin. Ce savoir n’est pas partagé par tous, même au sein de l’élite. C’est pourquoi le Premier Livre des Amours sera publié avec des commentaires de l’humaniste Marc-Antoine Muret visant à éclaircir pour le lecteur les allusions savantes à la langue grecque, à la mythologie ou aux philosophies antiques.

Cependant, la poésie étant aussi un art musical, un art mondain, un art de cour, les allusions érudites s’allégeront bientôt dans les pièces de circonstance et dans les œuvres que publient les poètes de la Pléiade.

L’élève de Dorat – Aureatus en latin – a été nourri à « la féconde mamelle » de son maître. Et voilà qu’il s’impose maintenant à son tour comme un lauréat. Les deux hommes se rendent hommage réciproquement, par poèmes interposés, en rivalisant de jeux savants mêlant termes grecs et latins. Comme le reconnaît Ronsard, sa première inspiration poétique vient du désir de rendre en français les merveilles de la poésie grecque. Si le miel de sa voix est utilisé pour louer son précepteur, ce n’est donc que justice.

Ronsard à l’école de Dorat

3.8. Ronsard

Ronsard, collégien sur le tard

Issu de la petite noblesse provinciale peu fortunée du Vendômois, le jeune Pierre de Ronsard (1524-1585) cause quelques soucis à son père, Louis de Ronsard. Ce dernier l’envoie au collège de Navarre, institution réputée, mais au bout de six mois à peine, le jeune garçon de douze ans est renvoyé, probablement parce qu’il ne répond pas aux exigences de ses régents.

Il est alors orienté vers la vie « pratique » et accompagne, en tant que page, la noble équipée de Madeleine de France vers l’Écosse. Il se rend aussi en Alsace comme secrétaire de l’humaniste et diplomate Lazare de Baïf (1496-1547) et lorsqu’il en revient, il a dix-neuf ans.

Son père ambitionne pour lui des études de droit. Le jeune homme est attiré par la poésie. Il accepte de recevoir la tonsure de l’évêque du Mans, pour pouvoir briguer par la suite des bénéfices ecclésiastiques.

Mais, coup du destin, Louis de Ronsard meurt en 1544, et le jeune homme a les mains libres. Jusqu’alors, il n’avait pas suivi d’études régulières. Or il se trouve que l’humaniste Jean Dorat (1508-1588) donnait les leçons particulières à Jean-Antoine de Baïf (1532-1585), le fils naturel du protecteur de Ronsard, Lazare de Baïf. Angevin d’origine (né près de La Flèche), Lazare avait étudié en Italie, savait à fond le grec, était l’auteur d’ouvrages érudits et choisissait d’éminents hellénistes pour instruire son fils. Il propose alors généreusement à Ronsard de se joindre à Jean-Antoine pour suivre les leçons de Dorat dans sa maison de la rue des Fossés-saint-Victor à Paris (l’actuelle rue Cardinal Lemoine).

C’est donc tout naturellement qu’à la mort de Lazare en 1547, les deux élèves privés de Dorat le suivent comme internes au collège Coqueret dont Dorat est régent de 1547 à 1551. Ces deux futurs poètes français sont donc condisciples, malgré la différence d’âge : si Baïf a quinze ans, Ronsard est alors âgé de vingt-trois ans.

Disciple de Dorat et poète savant

Les disciples de Dorat ont laissé des témoignages sur sa pédagogie : loin de la « sotte barbarie » d’une rhétorique formaliste et des recettes morales toutes prêtes, Dorat traduit et commente l’Odyssée. Il emmène à sa suite Ronsard, Baïf, Du Bellay – la Brigade qui deviendra la Pléiade – sur les traces d’Ulysse, un parcours initiatique où le voyage et les épreuves du héros figurent la traversée du monde réel et la purification de l’âme. Cette lecture allégorique se double d’un décryptage des noms grecs. Hector, c’est « celui qui maintient l’ordre », Andromaque, « la courageuse au combat », Astyanax, « le prince de la cité ».

Cette plongée dans la langue, la poésie, la culture grecques a laissé une empreinte indélébile sur Baïf, auteur de « vers mesurés » scandés suivant un mètre grec ou latin, tout comme sur Ronsard. Ainsi, dans les Sonnets pour Hélène, le « prince des poètes français » parle un peu grec parfois. Il joue avec le nom d’Hélène de Surgères, une de ses inspiratrices. Car derrière le prénom grec d’Hélène, enjeu de la guerre de Troie, se cache un double sens. Le lecteur savant comprend que le prénom se rapproche du verbe éléeïn qui signifie « avoir pitié ». Mais la cruelle Hélène ne fait guère preuve de pitié envers celui qui se meurt d’amour pour elle. Son attitude s’explique par un autre mot qui sonne comme « Hélène », eleïn qui provient du verbe d’aireô, « saisir, s’emparer » d’une ville. Le poète est alors fondé à reprocher à sa dame son nom qui « vient d’ôter, de ravir, de tuer, de piller ».

Le « poète savant » (sophos poïètès, poeta doctus) est une figure obligée transmise par la culture antique et Ronsard ne déroge pas à la règle. C’est l’époque où l’on se retourne dans la rue pour mieux voir un passant qui sait du grec et du latin. Ce savoir n’est pas partagé par tous, même au sein de l’élite. C’est pourquoi le Premier Livre des Amours sera publié avec des commentaires de l’humaniste Marc-Antoine Muret visant à éclaircir pour le lecteur les allusions savantes à la langue grecque, à la mythologie ou aux philosophies antiques.

Cependant, la poésie étant aussi un art musical, un art mondain, un art de cour, les allusions érudites s’allégeront bientôt dans les pièces de circonstance et dans les œuvres que publient les poètes de la Pléiade.

L’élève de Dorat – Aureatus en latin – a été nourri à « la féconde mamelle » de son maître. Et voilà qu’il s’impose maintenant à son tour comme un lauréat. Les deux hommes se rendent hommage réciproquement, par poèmes interposés, en rivalisant de jeux savants mêlant termes grecs et latins. Comme le reconnaît Ronsard, sa première inspiration poétique vient du désir de rendre en français les merveilles de la poésie grecque. Si le miel de sa voix est utilisé pour louer son précepteur, ce n’est donc que justice.

Ronsard à l’école de Dorat

3.8. Ronsard

Ronsard, collégien sur le tard

Issu de la petite noblesse provinciale peu fortunée du Vendômois, le jeune Pierre de Ronsard (1524-1585) cause quelques soucis à son père, Louis de Ronsard. Ce dernier l’envoie au collège de Navarre, institution réputée, mais au bout de six mois à peine, le jeune garçon de douze ans est renvoyé, probablement parce qu’il ne répond pas aux exigences de ses régents.

Il est alors orienté vers la vie « pratique » et accompagne, en tant que page, la noble équipée de Madeleine de France vers l’Écosse. Il se rend aussi en Alsace comme secrétaire de l’humaniste et diplomate Lazare de Baïf (1496-1547) et lorsqu’il en revient, il a dix-neuf ans.

Son père ambitionne pour lui des études de droit. Le jeune homme est attiré par la poésie. Il accepte de recevoir la tonsure de l’évêque du Mans, pour pouvoir briguer par la suite des bénéfices ecclésiastiques.

Mais, coup du destin, Louis de Ronsard meurt en 1544, et le jeune homme a les mains libres. Jusqu’alors, il n’avait pas suivi d’études régulières. Or il se trouve que l’humaniste Jean Dorat (1508-1588) donnait les leçons particulières à Jean-Antoine de Baïf (1532-1585), le fils naturel du protecteur de Ronsard, Lazare de Baïf. Angevin d’origine (né près de La Flèche), Lazare avait étudié en Italie, savait à fond le grec, était l’auteur d’ouvrages érudits et choisissait d’éminents hellénistes pour instruire son fils. Il propose alors généreusement à Ronsard de se joindre à Jean-Antoine pour suivre les leçons de Dorat dans sa maison de la rue des Fossés-saint-Victor à Paris (l’actuelle rue Cardinal Lemoine).

C’est donc tout naturellement qu’à la mort de Lazare en 1547, les deux élèves privés de Dorat le suivent comme internes au collège Coqueret dont Dorat est régent de 1547 à 1551. Ces deux futurs poètes français sont donc condisciples, malgré la différence d’âge : si Baïf a quinze ans, Ronsard est alors âgé de vingt-trois ans.

Disciple de Dorat et poète savant

Les disciples de Dorat ont laissé des témoignages sur sa pédagogie : loin de la « sotte barbarie » d’une rhétorique formaliste et des recettes morales toutes prêtes, Dorat traduit et commente l’Odyssée. Il emmène à sa suite Ronsard, Baïf, Du Bellay – la Brigade qui deviendra la Pléiade – sur les traces d’Ulysse, un parcours initiatique où le voyage et les épreuves du héros figurent la traversée du monde réel et la purification de l’âme. Cette lecture allégorique se double d’un décryptage des noms grecs. Hector, c’est « celui qui maintient l’ordre », Andromaque, « la courageuse au combat », Astyanax, « le prince de la cité ».

Cette plongée dans la langue, la poésie, la culture grecques a laissé une empreinte indélébile sur Baïf, auteur de « vers mesurés » scandés suivant un mètre grec ou latin, tout comme sur Ronsard. Ainsi, dans les Sonnets pour Hélène, le « prince des poètes français » parle un peu grec parfois. Il joue avec le nom d’Hélène de Surgères, une de ses inspiratrices. Car derrière le prénom grec d’Hélène, enjeu de la guerre de Troie, se cache un double sens. Le lecteur savant comprend que le prénom se rapproche du verbe éléeïn qui signifie « avoir pitié ». Mais la cruelle Hélène ne fait guère preuve de pitié envers celui qui se meurt d’amour pour elle. Son attitude s’explique par un autre mot qui sonne comme « Hélène », eleïn qui provient du verbe d’aireô, « saisir, s’emparer » d’une ville. Le poète est alors fondé à reprocher à sa dame son nom qui « vient d’ôter, de ravir, de tuer, de piller ».

Le « poète savant » (sophos poïètès, poeta doctus) est une figure obligée transmise par la culture antique et Ronsard ne déroge pas à la règle. C’est l’époque où l’on se retourne dans la rue pour mieux voir un passant qui sait du grec et du latin. Ce savoir n’est pas partagé par tous, même au sein de l’élite. C’est pourquoi le Premier Livre des Amours sera publié avec des commentaires de l’humaniste Marc-Antoine Muret visant à éclaircir pour le lecteur les allusions savantes à la langue grecque, à la mythologie ou aux philosophies antiques.

Cependant, la poésie étant aussi un art musical, un art mondain, un art de cour, les allusions érudites s’allégeront bientôt dans les pièces de circonstance et dans les œuvres que publient les poètes de la Pléiade.

L’élève de Dorat – Aureatus en latin – a été nourri à « la féconde mamelle » de son maître. Et voilà qu’il s’impose maintenant à son tour comme un lauréat. Les deux hommes se rendent hommage réciproquement, par poèmes interposés, en rivalisant de jeux savants mêlant termes grecs et latins. Comme le reconnaît Ronsard, sa première inspiration poétique vient du désir de rendre en français les merveilles de la poésie grecque. Si le miel de sa voix est utilisé pour louer son précepteur, ce n’est donc que justice.