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Relyes

L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER

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DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT

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38 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Relyes est née en Kabylie, Algérie, vers la fin des années 1980, arrivée en France vers la fin des années 2000.
  • Mariée à un Algérien Kabyle comme elle, elle est maman de deux garçons, scolarisés au primaire au moment de l’entretien.
  • Elle déclare que le kabyle est sa langue maternelle, et qu’elle parle aussi l’arabe algérien, l’arabe littéraire et le français.
  • Relyes relève d’une instruction poussée. Scolarisée en arabe en Algérie, le français a été introduit en tant que matière scolaire (LVE) à partir du CM1. Elle a aussi appris l’anglais mais qu’elle a peu investi, au profit du français langue de ses études universitaires en Algérie, pour une Licence de français, et poursuivies en France. Elle est actuellement Doctorante en Sciences humaines en France.

Une hiérarchisation très nette des langues de son répertoire

Relyes est née à la fin des années 1980 dans cette province algérienne qu’est la Kabylie. Sa langue maternelle est le kabyle, langue dont elle est fière et qu’elle utilise avec ses proches et sa famille, tous restés en Kabylie. Le Kabyle est pour elle la langue de l’affect, des sentiments, et des racines. Sa scolarisation se déroule d’abord en arabe, langue vecteur d’apprentissages mais aussi langue étudiée. Le français fait son apparition dans son répertoire dans le cadre scolaire, langue-matière enseignée à partir du CM1. C’est une langue qu’elle aime beaucoup, et décide d’étudier après le baccalauréat. Elle fait une licence de français, puis arrive en France en 2009 où elle poursuit ses études en master. L’arabe est devenu mineur dans ses pratiques quotidienne, mobilisée au titre de véhiculaire avec des locuteurs ne parlant ni le français, ni le kabyle.

Relyes manifeste un lien fort à sa culture, aux rites religieux, mais une frustration de ne pouvoir les vivre ici. Sa culture est ancrée en elle, les rites religieux, tels que ceux qui encadrent le ramadan, sont si forts qu’ils ne peuvent être partagés qu’avec ceux qui vivent la même chose, ceux qui ressentent la même chose. Relyes considère qu’il n’y de culture que lorsqu’elle est partagée, estime que vivre sa culture en France était cause perdue, qu’une acculturation était nécessaire pour « s’intégrer ».

Dans un projet de s’installer durablement en France, son désir d’intégration la conduit ainsi, à la naissance de ses enfants, à ne pas transmettre… « la » / l’une l’autre langue(s) initale(s) au profit du français, langue d’intégration qui devient ainsi la première langue de socialisation des enfants.
Elle évoque à ce sujet son souci que les enfants « ne soient pas perdus » par différenciation avec leur environnement social et scolaire, la crainte qu’elle avait de retards possibles liés au bilinguisme…

Renoncement à transmettre sa langue, au nom de l’intégration, pour « entrer dans le moule »

R : s’intégrer […] c'était / laisser sa langue et sa culture de côté // laisser tout ce qu'on avait ramené de notre pays / le mettre de côté// essayer de comprendre comment fonctionnent les gens dans la nouvelle société / et faire pareil // il faut essayer au maximum de ne pas se montrer / on va dire / de se cacher / essayer juste de faire comme les autres pour entrer on va dire dans le moule //

Au nom de l’intégration mais aussi en lien à des ressentis épilinguistiques ambivalents

Cette abnégation à transmettre participe, au fil du temps, à une dévalorisation de sa propre culture et surtout une mise en cause de sa capacité à transmettre.

R : je me disais que de toute façon / ça sert à rien / c'est pas utile / et on est en France / et qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça ? //

Dévalorisation de sa culture et doutes quant à sa capacité à transmettre

R : moi je transmets pas ma culture parce que je trouve qu'elle est inutile et que je peux pas leur transmettre aussi la culture française parce que je la connais pas, donc + en quelque sorte j'aurais, enfin je ferais des enfants vides, ++ ils seront complètement perdus parce qu'il y a rien qui puisse les aider pour se construire.

Ce sentiment d’inutilité, et la dévalorisation de sa culture et de sa propre personne participe à la distance qu’elle met avec l’institution scolaire de ses enfants. Elle cherche son rôle, sa place dans l’éducation de ses enfants. Elle invoque la différence des codes culturels. En Algérie, les parents ont peu de contact avec les enseignants, les enfants vont tout seul à l’école. Lorsqu’elle dépose ses enfants à l’école, Relyes observe les autres parents, qui discutent entre eux, qui échangent avec les enseignants. Elle s’interroge : qu'est-ce que je pourrais apporter à cette école ? J'emmène mon enfant à l'école, mais moi c'est quoi mon rôle ? C'est juste l'emmener et puis aller le chercher ?

  • Finalement, après avoir pu participer à des ateliers mis en place par AFaLaC, Relyes réalise petit à petit que sa culture et sa langue sont une richesse. Elle s’investit davantage dans la scolarité de ses enfants, elle participe à des ateliers d’éveil aux langues et aux cultures dans les classes de ses garçons. Elle se découvre un nouveau rôle dans l’éducation de ses enfants, mais aussi dans l’école. L’enseignante, convaincue de l’importance de la valorisation des langues d’héritage de ses élèves, invite les parents à venir dire quelques mots, raconter une histoire dans la langue, etc.
  • Cette expérience est une révélation pour Relyes. L’insécurité linguistique et culturelle et l’exclusion qu’elle semblait accepter voire même cautionner et nourrir participent à un fort besoin de reconnaissance. Cette reconnaissance, elle l’obtient finalement de la part de ces enseignants dont elle avait pourtant voulu occulter le regard, se faisant discrète. L’ont voit dans cette histoire de Relyes le rôle des enseignants sur les enfants et leurs parents, qui se définissent dans le regarde des autres qui comptent (Taylor, 2013).
  • Ceci l’amène à revoir ses choix de non-transmission pour ses enfants. Elle décide de transmettre ce qu’elle peut, ce qu’elle veut. Elle prend conscience de l’importance de donner des racines cultures et linguistiques à ses garçons.

Ma culture : Une richesse ?

R: je trouvais ça très difficile, parce que de toutes façons, c'est comme si on// j'ai essayé de me changer, complètement. Et à un moment je me sentais perdue, je// parce que je ne suis pas française, je peux pas faire comme eux.

Plutôt que de taire sa différence, la partager

R : je mets ma différence de côté et je vais essayer de faire autrement, ça marche pas, parce qu'on se sent vraiment très très très mal et très seul, ++ donc avec cette différence, je partage,

Le poids de la reconnaissance

R : Et quand on avait commencé les ateliers langues, c'était un an plus tard,+ et là je trouvais que finalement + moi je pourrais apporter quelque chose à l'école, je pourrais apporter ma langue, donc c'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose que// et ce qui m'a fait très très plaisir c'est que l'enseignante veut aussi découvrir ma langue.

R : ++ Et à partir de là je me disais donc on est en France, ils sont dans une école française, donc ils vont apprendre ce qu'ils vont apprendre de de la culture française de la langue française, et à la maison je peux leur transmettre aussi toute cette partie-là que j'ai mis de côté.

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

38 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Relyes est née en Kabylie, Algérie, vers la fin des années 1980, arrivée en France vers la fin des années 2000.
  • Mariée à un Algérien Kabyle comme elle, elle est maman de deux garçons, scolarisés au primaire au moment de l’entretien.
  • Elle déclare que le kabyle est sa langue maternelle, et qu’elle parle aussi l’arabe algérien, l’arabe littéraire et le français.
  • Relyes relève d’une instruction poussée. Scolarisée en arabe en Algérie, le français a été introduit en tant que matière scolaire (LVE) à partir du CM1. Elle a aussi appris l’anglais mais qu’elle a peu investi, au profit du français langue de ses études universitaires en Algérie, pour une Licence de français, et poursuivies en France. Elle est actuellement Doctorante en Sciences humaines en France.

Une hiérarchisation très nette des langues de son répertoire

Relyes est née à la fin des années 1980 dans cette province algérienne qu’est la Kabylie. Sa langue maternelle est le kabyle, langue dont elle est fière et qu’elle utilise avec ses proches et sa famille, tous restés en Kabylie. Le Kabyle est pour elle la langue de l’affect, des sentiments, et des racines. Sa scolarisation se déroule d’abord en arabe, langue vecteur d’apprentissages mais aussi langue étudiée. Le français fait son apparition dans son répertoire dans le cadre scolaire, langue-matière enseignée à partir du CM1. C’est une langue qu’elle aime beaucoup, et décide d’étudier après le baccalauréat. Elle fait une licence de français, puis arrive en France en 2009 où elle poursuit ses études en master. L’arabe est devenu mineur dans ses pratiques quotidienne, mobilisée au titre de véhiculaire avec des locuteurs ne parlant ni le français, ni le kabyle.

Relyes manifeste un lien fort à sa culture, aux rites religieux, mais une frustration de ne pouvoir les vivre ici. Sa culture est ancrée en elle, les rites religieux, tels que ceux qui encadrent le ramadan, sont si forts qu’ils ne peuvent être partagés qu’avec ceux qui vivent la même chose, ceux qui ressentent la même chose. Relyes considère qu’il n’y de culture que lorsqu’elle est partagée, estime que vivre sa culture en France était cause perdue, qu’une acculturation était nécessaire pour « s’intégrer ».

Dans un projet de s’installer durablement en France, son désir d’intégration la conduit ainsi, à la naissance de ses enfants, à ne pas transmettre… « la » / l’une l’autre langue(s) initale(s) au profit du français, langue d’intégration qui devient ainsi la première langue de socialisation des enfants.
Elle évoque à ce sujet son souci que les enfants « ne soient pas perdus » par différenciation avec leur environnement social et scolaire, la crainte qu’elle avait de retards possibles liés au bilinguisme…

Renoncement à transmettre sa langue, au nom de l’intégration, pour « entrer dans le moule »

R : s’intégrer […] c'était / laisser sa langue et sa culture de côté // laisser tout ce qu'on avait ramené de notre pays / le mettre de côté// essayer de comprendre comment fonctionnent les gens dans la nouvelle société / et faire pareil // il faut essayer au maximum de ne pas se montrer / on va dire / de se cacher / essayer juste de faire comme les autres pour entrer on va dire dans le moule //

Au nom de l’intégration mais aussi en lien à des ressentis épilinguistiques ambivalents

Cette abnégation à transmettre participe, au fil du temps, à une dévalorisation de sa propre culture et surtout une mise en cause de sa capacité à transmettre.

R : je me disais que de toute façon / ça sert à rien / c'est pas utile / et on est en France / et qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça ? //

Dévalorisation de sa culture et doutes quant à sa capacité à transmettre

R : moi je transmets pas ma culture parce que je trouve qu'elle est inutile et que je peux pas leur transmettre aussi la culture française parce que je la connais pas, donc + en quelque sorte j'aurais, enfin je ferais des enfants vides, ++ ils seront complètement perdus parce qu'il y a rien qui puisse les aider pour se construire.

Ce sentiment d’inutilité, et la dévalorisation de sa culture et de sa propre personne participe à la distance qu’elle met avec l’institution scolaire de ses enfants. Elle cherche son rôle, sa place dans l’éducation de ses enfants. Elle invoque la différence des codes culturels. En Algérie, les parents ont peu de contact avec les enseignants, les enfants vont tout seul à l’école. Lorsqu’elle dépose ses enfants à l’école, Relyes observe les autres parents, qui discutent entre eux, qui échangent avec les enseignants. Elle s’interroge : qu'est-ce que je pourrais apporter à cette école ? J'emmène mon enfant à l'école, mais moi c'est quoi mon rôle ? C'est juste l'emmener et puis aller le chercher ?

  • Finalement, après avoir pu participer à des ateliers mis en place par AFaLaC, Relyes réalise petit à petit que sa culture et sa langue sont une richesse. Elle s’investit davantage dans la scolarité de ses enfants, elle participe à des ateliers d’éveil aux langues et aux cultures dans les classes de ses garçons. Elle se découvre un nouveau rôle dans l’éducation de ses enfants, mais aussi dans l’école. L’enseignante, convaincue de l’importance de la valorisation des langues d’héritage de ses élèves, invite les parents à venir dire quelques mots, raconter une histoire dans la langue, etc.
  • Cette expérience est une révélation pour Relyes. L’insécurité linguistique et culturelle et l’exclusion qu’elle semblait accepter voire même cautionner et nourrir participent à un fort besoin de reconnaissance. Cette reconnaissance, elle l’obtient finalement de la part de ces enseignants dont elle avait pourtant voulu occulter le regard, se faisant discrète. L’ont voit dans cette histoire de Relyes le rôle des enseignants sur les enfants et leurs parents, qui se définissent dans le regarde des autres qui comptent (Taylor, 2013).
  • Ceci l’amène à revoir ses choix de non-transmission pour ses enfants. Elle décide de transmettre ce qu’elle peut, ce qu’elle veut. Elle prend conscience de l’importance de donner des racines cultures et linguistiques à ses garçons.

Ma culture : Une richesse ?

R: je trouvais ça très difficile, parce que de toutes façons, c'est comme si on// j'ai essayé de me changer, complètement. Et à un moment je me sentais perdue, je// parce que je ne suis pas française, je peux pas faire comme eux.

Plutôt que de taire sa différence, la partager

R : je mets ma différence de côté et je vais essayer de faire autrement, ça marche pas, parce qu'on se sent vraiment très très très mal et très seul, ++ donc avec cette différence, je partage,

Le poids de la reconnaissance

R : Et quand on avait commencé les ateliers langues, c'était un an plus tard,+ et là je trouvais que finalement + moi je pourrais apporter quelque chose à l'école, je pourrais apporter ma langue, donc c'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose que// et ce qui m'a fait très très plaisir c'est que l'enseignante veut aussi découvrir ma langue.

R : ++ Et à partir de là je me disais donc on est en France, ils sont dans une école française, donc ils vont apprendre ce qu'ils vont apprendre de de la culture française de la langue française, et à la maison je peux leur transmettre aussi toute cette partie-là que j'ai mis de côté.

38 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Relyes est née en Kabylie, Algérie, vers la fin des années 1980, arrivée en France vers la fin des années 2000.
  • Mariée à un Algérien Kabyle comme elle, elle est maman de deux garçons, scolarisés au primaire au moment de l’entretien.
  • Elle déclare que le kabyle est sa langue maternelle, et qu’elle parle aussi l’arabe algérien, l’arabe littéraire et le français.
  • Relyes relève d’une instruction poussée. Scolarisée en arabe en Algérie, le français a été introduit en tant que matière scolaire (LVE) à partir du CM1. Elle a aussi appris l’anglais mais qu’elle a peu investi, au profit du français langue de ses études universitaires en Algérie, pour une Licence de français, et poursuivies en France. Elle est actuellement Doctorante en Sciences humaines en France.

Une hiérarchisation très nette des langues de son répertoire

Relyes est née à la fin des années 1980 dans cette province algérienne qu’est la Kabylie. Sa langue maternelle est le kabyle, langue dont elle est fière et qu’elle utilise avec ses proches et sa famille, tous restés en Kabylie. Le Kabyle est pour elle la langue de l’affect, des sentiments, et des racines. Sa scolarisation se déroule d’abord en arabe, langue vecteur d’apprentissages mais aussi langue étudiée. Le français fait son apparition dans son répertoire dans le cadre scolaire, langue-matière enseignée à partir du CM1. C’est une langue qu’elle aime beaucoup, et décide d’étudier après le baccalauréat. Elle fait une licence de français, puis arrive en France en 2009 où elle poursuit ses études en master. L’arabe est devenu mineur dans ses pratiques quotidienne, mobilisée au titre de véhiculaire avec des locuteurs ne parlant ni le français, ni le kabyle.

Relyes manifeste un lien fort à sa culture, aux rites religieux, mais une frustration de ne pouvoir les vivre ici. Sa culture est ancrée en elle, les rites religieux, tels que ceux qui encadrent le ramadan, sont si forts qu’ils ne peuvent être partagés qu’avec ceux qui vivent la même chose, ceux qui ressentent la même chose. Relyes considère qu’il n’y de culture que lorsqu’elle est partagée, estime que vivre sa culture en France était cause perdue, qu’une acculturation était nécessaire pour « s’intégrer ».

Dans un projet de s’installer durablement en France, son désir d’intégration la conduit ainsi, à la naissance de ses enfants, à ne pas transmettre… « la » / l’une l’autre langue(s) initale(s) au profit du français, langue d’intégration qui devient ainsi la première langue de socialisation des enfants.
Elle évoque à ce sujet son souci que les enfants « ne soient pas perdus » par différenciation avec leur environnement social et scolaire, la crainte qu’elle avait de retards possibles liés au bilinguisme…

Renoncement à transmettre sa langue, au nom de l’intégration, pour « entrer dans le moule »

R : s’intégrer […] c'était / laisser sa langue et sa culture de côté // laisser tout ce qu'on avait ramené de notre pays / le mettre de côté// essayer de comprendre comment fonctionnent les gens dans la nouvelle société / et faire pareil // il faut essayer au maximum de ne pas se montrer / on va dire / de se cacher / essayer juste de faire comme les autres pour entrer on va dire dans le moule //

Au nom de l’intégration mais aussi en lien à des ressentis épilinguistiques ambivalents

Cette abnégation à transmettre participe, au fil du temps, à une dévalorisation de sa propre culture et surtout une mise en cause de sa capacité à transmettre.

R : je me disais que de toute façon / ça sert à rien / c'est pas utile / et on est en France / et qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça ? //

Dévalorisation de sa culture et doutes quant à sa capacité à transmettre

R : moi je transmets pas ma culture parce que je trouve qu'elle est inutile et que je peux pas leur transmettre aussi la culture française parce que je la connais pas, donc + en quelque sorte j'aurais, enfin je ferais des enfants vides, ++ ils seront complètement perdus parce qu'il y a rien qui puisse les aider pour se construire.

Ce sentiment d’inutilité, et la dévalorisation de sa culture et de sa propre personne participe à la distance qu’elle met avec l’institution scolaire de ses enfants. Elle cherche son rôle, sa place dans l’éducation de ses enfants. Elle invoque la différence des codes culturels. En Algérie, les parents ont peu de contact avec les enseignants, les enfants vont tout seul à l’école. Lorsqu’elle dépose ses enfants à l’école, Relyes observe les autres parents, qui discutent entre eux, qui échangent avec les enseignants. Elle s’interroge : qu'est-ce que je pourrais apporter à cette école ? J'emmène mon enfant à l'école, mais moi c'est quoi mon rôle ? C'est juste l'emmener et puis aller le chercher ?

  • Finalement, après avoir pu participer à des ateliers mis en place par AFaLaC, Relyes réalise petit à petit que sa culture et sa langue sont une richesse. Elle s’investit davantage dans la scolarité de ses enfants, elle participe à des ateliers d’éveil aux langues et aux cultures dans les classes de ses garçons. Elle se découvre un nouveau rôle dans l’éducation de ses enfants, mais aussi dans l’école. L’enseignante, convaincue de l’importance de la valorisation des langues d’héritage de ses élèves, invite les parents à venir dire quelques mots, raconter une histoire dans la langue, etc.
  • Cette expérience est une révélation pour Relyes. L’insécurité linguistique et culturelle et l’exclusion qu’elle semblait accepter voire même cautionner et nourrir participent à un fort besoin de reconnaissance. Cette reconnaissance, elle l’obtient finalement de la part de ces enseignants dont elle avait pourtant voulu occulter le regard, se faisant discrète. L’ont voit dans cette histoire de Relyes le rôle des enseignants sur les enfants et leurs parents, qui se définissent dans le regarde des autres qui comptent (Taylor, 2013).
  • Ceci l’amène à revoir ses choix de non-transmission pour ses enfants. Elle décide de transmettre ce qu’elle peut, ce qu’elle veut. Elle prend conscience de l’importance de donner des racines cultures et linguistiques à ses garçons.

Ma culture : Une richesse ?

R: je trouvais ça très difficile, parce que de toutes façons, c'est comme si on// j'ai essayé de me changer, complètement. Et à un moment je me sentais perdue, je// parce que je ne suis pas française, je peux pas faire comme eux.

Plutôt que de taire sa différence, la partager

R : je mets ma différence de côté et je vais essayer de faire autrement, ça marche pas, parce qu'on se sent vraiment très très très mal et très seul, ++ donc avec cette différence, je partage,

Le poids de la reconnaissance

R : Et quand on avait commencé les ateliers langues, c'était un an plus tard,+ et là je trouvais que finalement + moi je pourrais apporter quelque chose à l'école, je pourrais apporter ma langue, donc c'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose que// et ce qui m'a fait très très plaisir c'est que l'enseignante veut aussi découvrir ma langue.

R : ++ Et à partir de là je me disais donc on est en France, ils sont dans une école française, donc ils vont apprendre ce qu'ils vont apprendre de de la culture française de la langue française, et à la maison je peux leur transmettre aussi toute cette partie-là que j'ai mis de côté.

38 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Relyes est née en Kabylie, Algérie, vers la fin des années 1980, arrivée en France vers la fin des années 2000.
  • Mariée à un Algérien Kabyle comme elle, elle est maman de deux garçons, scolarisés au primaire au moment de l’entretien.
  • Elle déclare que le kabyle est sa langue maternelle, et qu’elle parle aussi l’arabe algérien, l’arabe littéraire et le français.
  • Relyes relève d’une instruction poussée. Scolarisée en arabe en Algérie, le français a été introduit en tant que matière scolaire (LVE) à partir du CM1. Elle a aussi appris l’anglais mais qu’elle a peu investi, au profit du français langue de ses études universitaires en Algérie, pour une Licence de français, et poursuivies en France. Elle est actuellement Doctorante en Sciences humaines en France.

Une hiérarchisation très nette des langues de son répertoire

Relyes est née à la fin des années 1980 dans cette province algérienne qu’est la Kabylie. Sa langue maternelle est le kabyle, langue dont elle est fière et qu’elle utilise avec ses proches et sa famille, tous restés en Kabylie. Le Kabyle est pour elle la langue de l’affect, des sentiments, et des racines. Sa scolarisation se déroule d’abord en arabe, langue vecteur d’apprentissages mais aussi langue étudiée. Le français fait son apparition dans son répertoire dans le cadre scolaire, langue-matière enseignée à partir du CM1. C’est une langue qu’elle aime beaucoup, et décide d’étudier après le baccalauréat. Elle fait une licence de français, puis arrive en France en 2009 où elle poursuit ses études en master. L’arabe est devenu mineur dans ses pratiques quotidienne, mobilisée au titre de véhiculaire avec des locuteurs ne parlant ni le français, ni le kabyle.

Relyes manifeste un lien fort à sa culture, aux rites religieux, mais une frustration de ne pouvoir les vivre ici. Sa culture est ancrée en elle, les rites religieux, tels que ceux qui encadrent le ramadan, sont si forts qu’ils ne peuvent être partagés qu’avec ceux qui vivent la même chose, ceux qui ressentent la même chose. Relyes considère qu’il n’y de culture que lorsqu’elle est partagée, estime que vivre sa culture en France était cause perdue, qu’une acculturation était nécessaire pour « s’intégrer ».

Dans un projet de s’installer durablement en France, son désir d’intégration la conduit ainsi, à la naissance de ses enfants, à ne pas transmettre… « la » / l’une l’autre langue(s) initale(s) au profit du français, langue d’intégration qui devient ainsi la première langue de socialisation des enfants.
Elle évoque à ce sujet son souci que les enfants « ne soient pas perdus » par différenciation avec leur environnement social et scolaire, la crainte qu’elle avait de retards possibles liés au bilinguisme…

Renoncement à transmettre sa langue, au nom de l’intégration, pour « entrer dans le moule »

R : s’intégrer […] c'était / laisser sa langue et sa culture de côté // laisser tout ce qu'on avait ramené de notre pays / le mettre de côté// essayer de comprendre comment fonctionnent les gens dans la nouvelle société / et faire pareil // il faut essayer au maximum de ne pas se montrer / on va dire / de se cacher / essayer juste de faire comme les autres pour entrer on va dire dans le moule //

Au nom de l’intégration mais aussi en lien à des ressentis épilinguistiques ambivalents

Cette abnégation à transmettre participe, au fil du temps, à une dévalorisation de sa propre culture et surtout une mise en cause de sa capacité à transmettre.

R : je me disais que de toute façon / ça sert à rien / c'est pas utile / et on est en France / et qu'est-ce qu'ils vont faire avec ça ? //

Dévalorisation de sa culture et doutes quant à sa capacité à transmettre

R : moi je transmets pas ma culture parce que je trouve qu'elle est inutile et que je peux pas leur transmettre aussi la culture française parce que je la connais pas, donc + en quelque sorte j'aurais, enfin je ferais des enfants vides, ++ ils seront complètement perdus parce qu'il y a rien qui puisse les aider pour se construire.

Ce sentiment d’inutilité, et la dévalorisation de sa culture et de sa propre personne participe à la distance qu’elle met avec l’institution scolaire de ses enfants. Elle cherche son rôle, sa place dans l’éducation de ses enfants. Elle invoque la différence des codes culturels. En Algérie, les parents ont peu de contact avec les enseignants, les enfants vont tout seul à l’école. Lorsqu’elle dépose ses enfants à l’école, Relyes observe les autres parents, qui discutent entre eux, qui échangent avec les enseignants. Elle s’interroge : qu'est-ce que je pourrais apporter à cette école ? J'emmène mon enfant à l'école, mais moi c'est quoi mon rôle ? C'est juste l'emmener et puis aller le chercher ?

  • Finalement, après avoir pu participer à des ateliers mis en place par AFaLaC, Relyes réalise petit à petit que sa culture et sa langue sont une richesse. Elle s’investit davantage dans la scolarité de ses enfants, elle participe à des ateliers d’éveil aux langues et aux cultures dans les classes de ses garçons. Elle se découvre un nouveau rôle dans l’éducation de ses enfants, mais aussi dans l’école. L’enseignante, convaincue de l’importance de la valorisation des langues d’héritage de ses élèves, invite les parents à venir dire quelques mots, raconter une histoire dans la langue, etc.
  • Cette expérience est une révélation pour Relyes. L’insécurité linguistique et culturelle et l’exclusion qu’elle semblait accepter voire même cautionner et nourrir participent à un fort besoin de reconnaissance. Cette reconnaissance, elle l’obtient finalement de la part de ces enseignants dont elle avait pourtant voulu occulter le regard, se faisant discrète. L’ont voit dans cette histoire de Relyes le rôle des enseignants sur les enfants et leurs parents, qui se définissent dans le regarde des autres qui comptent (Taylor, 2013).
  • Ceci l’amène à revoir ses choix de non-transmission pour ses enfants. Elle décide de transmettre ce qu’elle peut, ce qu’elle veut. Elle prend conscience de l’importance de donner des racines cultures et linguistiques à ses garçons.

Ma culture : Une richesse ?

R: je trouvais ça très difficile, parce que de toutes façons, c'est comme si on// j'ai essayé de me changer, complètement. Et à un moment je me sentais perdue, je// parce que je ne suis pas française, je peux pas faire comme eux.

Plutôt que de taire sa différence, la partager

R : je mets ma différence de côté et je vais essayer de faire autrement, ça marche pas, parce qu'on se sent vraiment très très très mal et très seul, ++ donc avec cette différence, je partage,

Le poids de la reconnaissance

R : Et quand on avait commencé les ateliers langues, c'était un an plus tard,+ et là je trouvais que finalement + moi je pourrais apporter quelque chose à l'école, je pourrais apporter ma langue, donc c'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose que// et ce qui m'a fait très très plaisir c'est que l'enseignante veut aussi découvrir ma langue.

R : ++ Et à partir de là je me disais donc on est en France, ils sont dans une école française, donc ils vont apprendre ce qu'ils vont apprendre de de la culture française de la langue française, et à la maison je peux leur transmettre aussi toute cette partie-là que j'ai mis de côté.