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15 ans, née au Bangladesh

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Adolescente de 15 ans lors de l’entretien (2019).
  • Née au Bangladesh dans une famille bengali, le bengali est sa langue première.
  • Scolarisée au Bangladesh toute l’école primaire, puis au collège, en bengali et en anglais.
  • Arrivée fin 2018, RU vit maintenant en France avec sa famille, est scolarisée en troisième au collège, bénéficie du dispositif UPE2A (9h / semaine).
  • Jeune fille particulièrement discrète et attentive en classe, manquant parfois d’assurance en dépit de nombreuses ressources. Si elle construit très rapidement des compétences de compréhension, l’expression est significativement plus lente à se mettre en place.
  • Langue maternelle déclarée : bengali
  • Langue seconde : anglais
  • Langues de scolarisation : bengali, anglais, français (depuis 2019)
  • Autres langues d’usage : ourdou, hindi
  • RU est bangladaise. Sa première langue est le bengali, véhiculaire majoritaire et unique langue officielle du Bangladesh, et aussi sa première langue de scolarisation.
  • L’anglais circule aussi dès l’enfance dans le quotidien de ses pratiques langagières, en contact et en alternance avec le bengali. Avec ses parents et ses frères et sœurs, c’est parfois un mélange entre deux langues qui est utilisé, « un mix », comme elle dit. Avec ses grands-parents par contre, la langue d’échange est exclusivement le bengali.
  • A l’école primaire, l’anglais devient une langue-matière, avec des « cours d’anglais » dont elle se souvient qu’ils étaient d’abord dispensés en bengali (confirmant le rôle de véhiculaire éducatif associé à la langue officielle).
  • Les modes d’appropriation, les situations et fonctions citées, apparaissent paritaires : bengali et anglais sont en usage à l’oral et à l’écrit, pour la lecture comme pour l’écriture.
  • Pourtant certains discours semblent montrer que RU peine à estimer positivement son bilinguisme, hésite, « oui », l’anglais était parlé « tous les jours », « un petit peu »…
  • Par cette remarque, relativise-t-elle la fréquence des usages ou minore-t-elle ces usages eux-mêmes, sa compétence ?

Bengali, anglais, bilinguisme dès l’enfance, appropriation informelle ET formelle, orale ET écrite des 2 langues

1- E : tu parlais une autre langue que le bengali ?
2- RU : oui
3- E : ah / quelle autre langue ?
4- RU : anglais
5- E : anglais / et hummmm […] est-ce que tu dis que ta langue maternelle c’est le bengali ?
6- RU : oui
7- E : […] la toute première langue que tu as apprise c’est le bengali ?
8- RU : oui
9- E : d’accord et l’anglais c’est venu après ?
10- RU : oui
11- E : d’accord / donc tous les jours avec ta famille tu utilisais le bengali ET l’anglais ?
12- RU : hm oui /// [pensive]
13- E : ou seulement le bengali peut-être ? //
14- RU : bengali et / un petit peu anglais
15- E : d’accord / OK donc ton papa / ta maman et tes frères et sœurs parlaient anglais tous les jours / couramment ?
16- RU : oui
17- E : d’accord / […] quelle langue tu utilisais pour écrire ? […]
18- RU : oui bengali anglais
19- E : les deux aussi ?
20- RU : oui

Deux langues à statuts forts… tout à fait égales pour RU ? Une tendance à mésestimer son bilinguisme, sa compétence en anglais ?

  • Au fil des échanges, d’autres langues apparaissent, que RU n’avait d’abord pas pensé à mentionner : l’ourdou, appris avec « des amis », qu’elle comprend et parle, mais ne sait ni lire ni écrire ; et l’hindi, présent dans les médias, à la télé notamment qu’elle regarde souvent dans cette langue, qu’elle comprend à l’oral mais aussi qu’elle peut lire. Par rapport au bengali, l’écriture est différente mais ressemblante, une même filiation au sanskrit, un principe partagé d’écriture combinant des graphies-phonèmes (des « lettres ») et des graphies-syllabes.
  • Ainsi, s’appuyant sur sa compétence écrite du bengali, RU peut décrypter l’écrit en hindi et, à l’appui de sa compétence de compréhension orale, accéder au moins partiellement au sens. Elle explique que la proximité entre ces langues facilite l’intercompréhension.
  • C’est donc quatre langues que RU pratiquait dans le quotidien de sa vie bangladaise, associées à diverses fonctions, diversement mobilisées à l’oral et/ou à l’écrit, en compréhension et/ou en expression…
  • RU, pourtant, semble avoir peu conscience de son plurilinguisme.

Deux autres langues du quotidien : ourdou et hindi, qu’elle avait d’abord oublié de mentionner

Ourdou, d’usage occasionnel, avec des copines

41- E : […] tu comprends le // l’hindi ?
42- RU : oui […]
47-E : avant d’arriver en France […]
tu regardais la télé en hindi ou en bengali ?
48- RU : bengali et hindi / les deux
49- E : les deux d’accord […] par […] la télé / la radio ?
50- RU : oui
51- E : d’accord / et l’anglais aussi ?
52- RU : oui oui / anglais aussi […]
55- E : tous les jours tu entendais / et du hindi // hm
56-58- RU : anglais […] bengali //
59- E : et l’ourdou ? plus dans tes copines / avec tes amis ?
60- RU : oui

Comme si ourdou, hindi, acquises en contexte, ne comptaient pas vraiment parmi ses langues

Hindi à la télé… compris à l’oral mais aussi à l’écrit, lu dans la presse

Comme si l’appropriation informelle ne faisait pas compétence

  • A 15 ans, RU débute une nouvelle phase de sa scolarité, en français. Elle intègre une classe de troisième et bénéficie du dispositif UPE2A.
  • L’appropriation du français est amorcée, la langue commence aussi à être en usage au sein du foyer, ce qui « fait change » ((anglicisme).
  • Les observations réalisées pendant l’atelier plurilingue (Cf. Fiche Terrain1), font apparaitre que RU est à l’écoute des attentes, entre sans difficultés dans les activités, comprend et répond aux consignes sans nécessité d’étayages, mais aussi un déséquilibre fort entre les compétences de compréhension dont elle fait montre et la réserve qui bloque longtemps son expression orale.
  • Progressivement cependant, RU commence à se dévoiler aux autres, qui découvrent la richesse de son répertoire et la diversité de ses pratiques, ce qui l’aide à prendre une autre place dans le groupe.

Un dévoilement progressif, aux autres et à elle-même

82- E : … depuis que tu es en France, est-ce que tu as remarqué … est-ce qu’il y a des changements pour toi au sein de ta famille ? […]
83-RU  : ~~~~ oui ça fait change
84- E : ya eu des changements ?
85- A5 : oui
86- E : […] maintenant en France quelles langues tu parles avec ta famille ?
87- A5 : français
88- E : ah, tu parles français avec ta famille ?
89- A5 : oui
90- E : tous les jours… dans tes phrases, du coup, c’est bengali, anglais PLUS français ?
91- A5 : oui
92- E : d’accord, avec ton papa et ta maman aussi ?
93- A5 : oui

Conférer de la valeur à son répertoire langagier, prendre conscience des compétences à l’œuvre dans son plurilinguisme

  •  Elle s’exprime plus volontiers lors des dernières séances, partage ses connaissances, explicite par exemple des ressemblances et dissemblances entre ses langues indiennes. A travers l’atelier, et le regard des autres, elle semble conférer une valeur accrue à son plurilinguisme, le reconnaitre comme richesse langagière et culturelle à partager
  • Elle apparait aussi regarder autrement l’asymétrie de ses compétences en langues, l’accepter comme liée à la diversité des situations d’’usages et des modes d’appropriation. Entend-elle à quel point son expérience de langues en contact lui a donné à exercer de multiples stratégies d’apprentissages remobilisables pour construire d’autres ponts, sans doute via l’anglais (Forlot, 2009), vers le français, facilitant ainsi l’entrée dans la nouvelle langue de scolarisation, et pouvant l’aider, autre moteur fort d’appropriation, à s’assumer plurilingue donc aussi francophone, même (encore) imparfaite, en construction.

A l’issue de l’entretien, RU a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de RU

Une langue = une culture = un pays
Seul le Bangladesh est représenté par un personnage
 rappelant qu’au Bangladesh, on parle « bangla » = bengali

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

15 ans, née au Bangladesh

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Adolescente de 15 ans lors de l’entretien (2019).
  • Née au Bangladesh dans une famille bengali, le bengali est sa langue première.
  • Scolarisée au Bangladesh toute l’école primaire, puis au collège, en bengali et en anglais.
  • Arrivée fin 2018, RU vit maintenant en France avec sa famille, est scolarisée en troisième au collège, bénéficie du dispositif UPE2A (9h / semaine).
  • Jeune fille particulièrement discrète et attentive en classe, manquant parfois d’assurance en dépit de nombreuses ressources. Si elle construit très rapidement des compétences de compréhension, l’expression est significativement plus lente à se mettre en place.
  • Langue maternelle déclarée : bengali
  • Langue seconde : anglais
  • Langues de scolarisation : bengali, anglais, français (depuis 2019)
  • Autres langues d’usage : ourdou, hindi
  • RU est bangladaise. Sa première langue est le bengali, véhiculaire majoritaire et unique langue officielle du Bangladesh, et aussi sa première langue de scolarisation.
  • L’anglais circule aussi dès l’enfance dans le quotidien de ses pratiques langagières, en contact et en alternance avec le bengali. Avec ses parents et ses frères et sœurs, c’est parfois un mélange entre deux langues qui est utilisé, « un mix », comme elle dit. Avec ses grands-parents par contre, la langue d’échange est exclusivement le bengali.
  • A l’école primaire, l’anglais devient une langue-matière, avec des « cours d’anglais » dont elle se souvient qu’ils étaient d’abord dispensés en bengali (confirmant le rôle de véhiculaire éducatif associé à la langue officielle).
  • Les modes d’appropriation, les situations et fonctions citées, apparaissent paritaires : bengali et anglais sont en usage à l’oral et à l’écrit, pour la lecture comme pour l’écriture.
  • Pourtant certains discours semblent montrer que RU peine à estimer positivement son bilinguisme, hésite, « oui », l’anglais était parlé « tous les jours », « un petit peu »…
  • Par cette remarque, relativise-t-elle la fréquence des usages ou minore-t-elle ces usages eux-mêmes, sa compétence ?

Bengali, anglais, bilinguisme dès l’enfance, appropriation informelle ET formelle, orale ET écrite des 2 langues

1- E : tu parlais une autre langue que le bengali ?
2- RU : oui
3- E : ah / quelle autre langue ?
4- RU : anglais
5- E : anglais / et hummmm […] est-ce que tu dis que ta langue maternelle c’est le bengali ?
6- RU : oui
7- E : […] la toute première langue que tu as apprise c’est le bengali ?
8- RU : oui
9- E : d’accord et l’anglais c’est venu après ?
10- RU : oui
11- E : d’accord / donc tous les jours avec ta famille tu utilisais le bengali ET l’anglais ?
12- RU : hm oui /// [pensive]
13- E : ou seulement le bengali peut-être ? //
14- RU : bengali et / un petit peu anglais
15- E : d’accord / OK donc ton papa / ta maman et tes frères et sœurs parlaient anglais tous les jours / couramment ?
16- RU : oui
17- E : d’accord / […] quelle langue tu utilisais pour écrire ? […]
18- RU : oui bengali anglais
19- E : les deux aussi ?
20- RU : oui

Deux langues à statuts forts… tout à fait égales pour RU ? Une tendance à mésestimer son bilinguisme, sa compétence en anglais ?

  • Au fil des échanges, d’autres langues apparaissent, que RU n’avait d’abord pas pensé à mentionner : l’ourdou, appris avec « des amis », qu’elle comprend et parle, mais ne sait ni lire ni écrire ; et l’hindi, présent dans les médias, à la télé notamment qu’elle regarde souvent dans cette langue, qu’elle comprend à l’oral mais aussi qu’elle peut lire. Par rapport au bengali, l’écriture est différente mais ressemblante, une même filiation au sanskrit, un principe partagé d’écriture combinant des graphies-phonèmes (des « lettres ») et des graphies-syllabes.
  • Ainsi, s’appuyant sur sa compétence écrite du bengali, RU peut décrypter l’écrit en hindi et, à l’appui de sa compétence de compréhension orale, accéder au moins partiellement au sens. Elle explique que la proximité entre ces langues facilite l’intercompréhension.
  • C’est donc quatre langues que RU pratiquait dans le quotidien de sa vie bangladaise, associées à diverses fonctions, diversement mobilisées à l’oral et/ou à l’écrit, en compréhension et/ou en expression…
  • RU, pourtant, semble avoir peu conscience de son plurilinguisme.

Deux autres langues du quotidien : ourdou et hindi, qu’elle avait d’abord oublié de mentionner

Ourdou, d’usage occasionnel, avec des copines

41- E : […] tu comprends le // l’hindi ?
42- RU : oui […]
47-E : avant d’arriver en France […]
tu regardais la télé en hindi ou en bengali ?
48- RU : bengali et hindi / les deux
49- E : les deux d’accord […] par […] la télé / la radio ?
50- RU : oui
51- E : d’accord / et l’anglais aussi ?
52- RU : oui oui / anglais aussi […]
55- E : tous les jours tu entendais / et du hindi // hm
56-58- RU : anglais […] bengali //
59- E : et l’ourdou ? plus dans tes copines / avec tes amis ?
60- RU : oui

Comme si ourdou, hindi, acquises en contexte, ne comptaient pas vraiment parmi ses langues

Hindi à la télé… compris à l’oral mais aussi à l’écrit, lu dans la presse

Comme si l’appropriation informelle ne faisait pas compétence

  • A 15 ans, RU débute une nouvelle phase de sa scolarité, en français. Elle intègre une classe de troisième et bénéficie du dispositif UPE2A.
  • L’appropriation du français est amorcée, la langue commence aussi à être en usage au sein du foyer, ce qui « fait change » ((anglicisme).
  • Les observations réalisées pendant l’atelier plurilingue (Cf. Fiche Terrain1), font apparaitre que RU est à l’écoute des attentes, entre sans difficultés dans les activités, comprend et répond aux consignes sans nécessité d’étayages, mais aussi un déséquilibre fort entre les compétences de compréhension dont elle fait montre et la réserve qui bloque longtemps son expression orale.
  • Progressivement cependant, RU commence à se dévoiler aux autres, qui découvrent la richesse de son répertoire et la diversité de ses pratiques, ce qui l’aide à prendre une autre place dans le groupe.

Un dévoilement progressif, aux autres et à elle-même

82- E : … depuis que tu es en France, est-ce que tu as remarqué … est-ce qu’il y a des changements pour toi au sein de ta famille ? […]
83-RU  : ~~~~ oui ça fait change
84- E : ya eu des changements ?
85- A5 : oui
86- E : […] maintenant en France quelles langues tu parles avec ta famille ?
87- A5 : français
88- E : ah, tu parles français avec ta famille ?
89- A5 : oui
90- E : tous les jours… dans tes phrases, du coup, c’est bengali, anglais PLUS français ?
91- A5 : oui
92- E : d’accord, avec ton papa et ta maman aussi ?
93- A5 : oui

Conférer de la valeur à son répertoire langagier, prendre conscience des compétences à l’œuvre dans son plurilinguisme

  •  Elle s’exprime plus volontiers lors des dernières séances, partage ses connaissances, explicite par exemple des ressemblances et dissemblances entre ses langues indiennes. A travers l’atelier, et le regard des autres, elle semble conférer une valeur accrue à son plurilinguisme, le reconnaitre comme richesse langagière et culturelle à partager
  • Elle apparait aussi regarder autrement l’asymétrie de ses compétences en langues, l’accepter comme liée à la diversité des situations d’’usages et des modes d’appropriation. Entend-elle à quel point son expérience de langues en contact lui a donné à exercer de multiples stratégies d’apprentissages remobilisables pour construire d’autres ponts, sans doute via l’anglais (Forlot, 2009), vers le français, facilitant ainsi l’entrée dans la nouvelle langue de scolarisation, et pouvant l’aider, autre moteur fort d’appropriation, à s’assumer plurilingue donc aussi francophone, même (encore) imparfaite, en construction.

A l’issue de l’entretien, RU a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de RU

Une langue = une culture = un pays
Seul le Bangladesh est représenté par un personnage
 rappelant qu’au Bangladesh, on parle « bangla » = bengali

15 ans, née au Bangladesh

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Adolescente de 15 ans lors de l’entretien (2019).
  • Née au Bangladesh dans une famille bengali, le bengali est sa langue première.
  • Scolarisée au Bangladesh toute l’école primaire, puis au collège, en bengali et en anglais.
  • Arrivée fin 2018, RU vit maintenant en France avec sa famille, est scolarisée en troisième au collège, bénéficie du dispositif UPE2A (9h / semaine).
  • Jeune fille particulièrement discrète et attentive en classe, manquant parfois d’assurance en dépit de nombreuses ressources. Si elle construit très rapidement des compétences de compréhension, l’expression est significativement plus lente à se mettre en place.
  • Langue maternelle déclarée : bengali
  • Langue seconde : anglais
  • Langues de scolarisation : bengali, anglais, français (depuis 2019)
  • Autres langues d’usage : ourdou, hindi
  • RU est bangladaise. Sa première langue est le bengali, véhiculaire majoritaire et unique langue officielle du Bangladesh, et aussi sa première langue de scolarisation.
  • L’anglais circule aussi dès l’enfance dans le quotidien de ses pratiques langagières, en contact et en alternance avec le bengali. Avec ses parents et ses frères et sœurs, c’est parfois un mélange entre deux langues qui est utilisé, « un mix », comme elle dit. Avec ses grands-parents par contre, la langue d’échange est exclusivement le bengali.
  • A l’école primaire, l’anglais devient une langue-matière, avec des « cours d’anglais » dont elle se souvient qu’ils étaient d’abord dispensés en bengali (confirmant le rôle de véhiculaire éducatif associé à la langue officielle).
  • Les modes d’appropriation, les situations et fonctions citées, apparaissent paritaires : bengali et anglais sont en usage à l’oral et à l’écrit, pour la lecture comme pour l’écriture.
  • Pourtant certains discours semblent montrer que RU peine à estimer positivement son bilinguisme, hésite, « oui », l’anglais était parlé « tous les jours », « un petit peu »…
  • Par cette remarque, relativise-t-elle la fréquence des usages ou minore-t-elle ces usages eux-mêmes, sa compétence ?

Bengali, anglais, bilinguisme dès l’enfance, appropriation informelle ET formelle, orale ET écrite des 2 langues

1- E : tu parlais une autre langue que le bengali ?
2- RU : oui
3- E : ah / quelle autre langue ?
4- RU : anglais
5- E : anglais / et hummmm […] est-ce que tu dis que ta langue maternelle c’est le bengali ?
6- RU : oui
7- E : […] la toute première langue que tu as apprise c’est le bengali ?
8- RU : oui
9- E : d’accord et l’anglais c’est venu après ?
10- RU : oui
11- E : d’accord / donc tous les jours avec ta famille tu utilisais le bengali ET l’anglais ?
12- RU : hm oui /// [pensive]
13- E : ou seulement le bengali peut-être ? //
14- RU : bengali et / un petit peu anglais
15- E : d’accord / OK donc ton papa / ta maman et tes frères et sœurs parlaient anglais tous les jours / couramment ?
16- RU : oui
17- E : d’accord / […] quelle langue tu utilisais pour écrire ? […]
18- RU : oui bengali anglais
19- E : les deux aussi ?
20- RU : oui

Deux langues à statuts forts… tout à fait égales pour RU ? Une tendance à mésestimer son bilinguisme, sa compétence en anglais ?

  • Au fil des échanges, d’autres langues apparaissent, que RU n’avait d’abord pas pensé à mentionner : l’ourdou, appris avec « des amis », qu’elle comprend et parle, mais ne sait ni lire ni écrire ; et l’hindi, présent dans les médias, à la télé notamment qu’elle regarde souvent dans cette langue, qu’elle comprend à l’oral mais aussi qu’elle peut lire. Par rapport au bengali, l’écriture est différente mais ressemblante, une même filiation au sanskrit, un principe partagé d’écriture combinant des graphies-phonèmes (des « lettres ») et des graphies-syllabes.
  • Ainsi, s’appuyant sur sa compétence écrite du bengali, RU peut décrypter l’écrit en hindi et, à l’appui de sa compétence de compréhension orale, accéder au moins partiellement au sens. Elle explique que la proximité entre ces langues facilite l’intercompréhension.
  • C’est donc quatre langues que RU pratiquait dans le quotidien de sa vie bangladaise, associées à diverses fonctions, diversement mobilisées à l’oral et/ou à l’écrit, en compréhension et/ou en expression…
  • RU, pourtant, semble avoir peu conscience de son plurilinguisme.

Deux autres langues du quotidien : ourdou et hindi, qu’elle avait d’abord oublié de mentionner

Ourdou, d’usage occasionnel, avec des copines

41- E : […] tu comprends le // l’hindi ?
42- RU : oui […]
47-E : avant d’arriver en France […]
tu regardais la télé en hindi ou en bengali ?
48- RU : bengali et hindi / les deux
49- E : les deux d’accord […] par […] la télé / la radio ?
50- RU : oui
51- E : d’accord / et l’anglais aussi ?
52- RU : oui oui / anglais aussi […]
55- E : tous les jours tu entendais / et du hindi // hm
56-58- RU : anglais […] bengali //
59- E : et l’ourdou ? plus dans tes copines / avec tes amis ?
60- RU : oui

Comme si ourdou, hindi, acquises en contexte, ne comptaient pas vraiment parmi ses langues

Hindi à la télé… compris à l’oral mais aussi à l’écrit, lu dans la presse

Comme si l’appropriation informelle ne faisait pas compétence

  • A 15 ans, RU débute une nouvelle phase de sa scolarité, en français. Elle intègre une classe de troisième et bénéficie du dispositif UPE2A.
  • L’appropriation du français est amorcée, la langue commence aussi à être en usage au sein du foyer, ce qui « fait change » ((anglicisme).
  • Les observations réalisées pendant l’atelier plurilingue (Cf. Fiche Terrain1), font apparaitre que RU est à l’écoute des attentes, entre sans difficultés dans les activités, comprend et répond aux consignes sans nécessité d’étayages, mais aussi un déséquilibre fort entre les compétences de compréhension dont elle fait montre et la réserve qui bloque longtemps son expression orale.
  • Progressivement cependant, RU commence à se dévoiler aux autres, qui découvrent la richesse de son répertoire et la diversité de ses pratiques, ce qui l’aide à prendre une autre place dans le groupe.

Un dévoilement progressif, aux autres et à elle-même

82- E : … depuis que tu es en France, est-ce que tu as remarqué … est-ce qu’il y a des changements pour toi au sein de ta famille ? […]
83-RU  : ~~~~ oui ça fait change
84- E : ya eu des changements ?
85- A5 : oui
86- E : […] maintenant en France quelles langues tu parles avec ta famille ?
87- A5 : français
88- E : ah, tu parles français avec ta famille ?
89- A5 : oui
90- E : tous les jours… dans tes phrases, du coup, c’est bengali, anglais PLUS français ?
91- A5 : oui
92- E : d’accord, avec ton papa et ta maman aussi ?
93- A5 : oui

Conférer de la valeur à son répertoire langagier, prendre conscience des compétences à l’œuvre dans son plurilinguisme

  •  Elle s’exprime plus volontiers lors des dernières séances, partage ses connaissances, explicite par exemple des ressemblances et dissemblances entre ses langues indiennes. A travers l’atelier, et le regard des autres, elle semble conférer une valeur accrue à son plurilinguisme, le reconnaitre comme richesse langagière et culturelle à partager
  • Elle apparait aussi regarder autrement l’asymétrie de ses compétences en langues, l’accepter comme liée à la diversité des situations d’’usages et des modes d’appropriation. Entend-elle à quel point son expérience de langues en contact lui a donné à exercer de multiples stratégies d’apprentissages remobilisables pour construire d’autres ponts, sans doute via l’anglais (Forlot, 2009), vers le français, facilitant ainsi l’entrée dans la nouvelle langue de scolarisation, et pouvant l’aider, autre moteur fort d’appropriation, à s’assumer plurilingue donc aussi francophone, même (encore) imparfaite, en construction.

A l’issue de l’entretien, RU a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de RU

Une langue = une culture = un pays
Seul le Bangladesh est représenté par un personnage
 rappelant qu’au Bangladesh, on parle « bangla » = bengali

15 ans, née au Bangladesh

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Adolescente de 15 ans lors de l’entretien (2019).
  • Née au Bangladesh dans une famille bengali, le bengali est sa langue première.
  • Scolarisée au Bangladesh toute l’école primaire, puis au collège, en bengali et en anglais.
  • Arrivée fin 2018, RU vit maintenant en France avec sa famille, est scolarisée en troisième au collège, bénéficie du dispositif UPE2A (9h / semaine).
  • Jeune fille particulièrement discrète et attentive en classe, manquant parfois d’assurance en dépit de nombreuses ressources. Si elle construit très rapidement des compétences de compréhension, l’expression est significativement plus lente à se mettre en place.
  • Langue maternelle déclarée : bengali
  • Langue seconde : anglais
  • Langues de scolarisation : bengali, anglais, français (depuis 2019)
  • Autres langues d’usage : ourdou, hindi
  • RU est bangladaise. Sa première langue est le bengali, véhiculaire majoritaire et unique langue officielle du Bangladesh, et aussi sa première langue de scolarisation.
  • L’anglais circule aussi dès l’enfance dans le quotidien de ses pratiques langagières, en contact et en alternance avec le bengali. Avec ses parents et ses frères et sœurs, c’est parfois un mélange entre deux langues qui est utilisé, « un mix », comme elle dit. Avec ses grands-parents par contre, la langue d’échange est exclusivement le bengali.
  • A l’école primaire, l’anglais devient une langue-matière, avec des « cours d’anglais » dont elle se souvient qu’ils étaient d’abord dispensés en bengali (confirmant le rôle de véhiculaire éducatif associé à la langue officielle).
  • Les modes d’appropriation, les situations et fonctions citées, apparaissent paritaires : bengali et anglais sont en usage à l’oral et à l’écrit, pour la lecture comme pour l’écriture.
  • Pourtant certains discours semblent montrer que RU peine à estimer positivement son bilinguisme, hésite, « oui », l’anglais était parlé « tous les jours », « un petit peu »…
  • Par cette remarque, relativise-t-elle la fréquence des usages ou minore-t-elle ces usages eux-mêmes, sa compétence ?

Bengali, anglais, bilinguisme dès l’enfance, appropriation informelle ET formelle, orale ET écrite des 2 langues

1- E : tu parlais une autre langue que le bengali ?
2- RU : oui
3- E : ah / quelle autre langue ?
4- RU : anglais
5- E : anglais / et hummmm […] est-ce que tu dis que ta langue maternelle c’est le bengali ?
6- RU : oui
7- E : […] la toute première langue que tu as apprise c’est le bengali ?
8- RU : oui
9- E : d’accord et l’anglais c’est venu après ?
10- RU : oui
11- E : d’accord / donc tous les jours avec ta famille tu utilisais le bengali ET l’anglais ?
12- RU : hm oui /// [pensive]
13- E : ou seulement le bengali peut-être ? //
14- RU : bengali et / un petit peu anglais
15- E : d’accord / OK donc ton papa / ta maman et tes frères et sœurs parlaient anglais tous les jours / couramment ?
16- RU : oui
17- E : d’accord / […] quelle langue tu utilisais pour écrire ? […]
18- RU : oui bengali anglais
19- E : les deux aussi ?
20- RU : oui

Deux langues à statuts forts… tout à fait égales pour RU ? Une tendance à mésestimer son bilinguisme, sa compétence en anglais ?

  • Au fil des échanges, d’autres langues apparaissent, que RU n’avait d’abord pas pensé à mentionner : l’ourdou, appris avec « des amis », qu’elle comprend et parle, mais ne sait ni lire ni écrire ; et l’hindi, présent dans les médias, à la télé notamment qu’elle regarde souvent dans cette langue, qu’elle comprend à l’oral mais aussi qu’elle peut lire. Par rapport au bengali, l’écriture est différente mais ressemblante, une même filiation au sanskrit, un principe partagé d’écriture combinant des graphies-phonèmes (des « lettres ») et des graphies-syllabes.
  • Ainsi, s’appuyant sur sa compétence écrite du bengali, RU peut décrypter l’écrit en hindi et, à l’appui de sa compétence de compréhension orale, accéder au moins partiellement au sens. Elle explique que la proximité entre ces langues facilite l’intercompréhension.
  • C’est donc quatre langues que RU pratiquait dans le quotidien de sa vie bangladaise, associées à diverses fonctions, diversement mobilisées à l’oral et/ou à l’écrit, en compréhension et/ou en expression…
  • RU, pourtant, semble avoir peu conscience de son plurilinguisme.

Deux autres langues du quotidien : ourdou et hindi, qu’elle avait d’abord oublié de mentionner

Ourdou, d’usage occasionnel, avec des copines

41- E : […] tu comprends le // l’hindi ?
42- RU : oui […]
47-E : avant d’arriver en France […]
tu regardais la télé en hindi ou en bengali ?
48- RU : bengali et hindi / les deux
49- E : les deux d’accord […] par […] la télé / la radio ?
50- RU : oui
51- E : d’accord / et l’anglais aussi ?
52- RU : oui oui / anglais aussi […]
55- E : tous les jours tu entendais / et du hindi // hm
56-58- RU : anglais […] bengali //
59- E : et l’ourdou ? plus dans tes copines / avec tes amis ?
60- RU : oui

Comme si ourdou, hindi, acquises en contexte, ne comptaient pas vraiment parmi ses langues

Hindi à la télé… compris à l’oral mais aussi à l’écrit, lu dans la presse

Comme si l’appropriation informelle ne faisait pas compétence

  • A 15 ans, RU débute une nouvelle phase de sa scolarité, en français. Elle intègre une classe de troisième et bénéficie du dispositif UPE2A.
  • L’appropriation du français est amorcée, la langue commence aussi à être en usage au sein du foyer, ce qui « fait change » ((anglicisme).
  • Les observations réalisées pendant l’atelier plurilingue (Cf. Fiche Terrain1), font apparaitre que RU est à l’écoute des attentes, entre sans difficultés dans les activités, comprend et répond aux consignes sans nécessité d’étayages, mais aussi un déséquilibre fort entre les compétences de compréhension dont elle fait montre et la réserve qui bloque longtemps son expression orale.
  • Progressivement cependant, RU commence à se dévoiler aux autres, qui découvrent la richesse de son répertoire et la diversité de ses pratiques, ce qui l’aide à prendre une autre place dans le groupe.

Un dévoilement progressif, aux autres et à elle-même

82- E : … depuis que tu es en France, est-ce que tu as remarqué … est-ce qu’il y a des changements pour toi au sein de ta famille ? […]
83-RU  : ~~~~ oui ça fait change
84- E : ya eu des changements ?
85- A5 : oui
86- E : […] maintenant en France quelles langues tu parles avec ta famille ?
87- A5 : français
88- E : ah, tu parles français avec ta famille ?
89- A5 : oui
90- E : tous les jours… dans tes phrases, du coup, c’est bengali, anglais PLUS français ?
91- A5 : oui
92- E : d’accord, avec ton papa et ta maman aussi ?
93- A5 : oui

Conférer de la valeur à son répertoire langagier, prendre conscience des compétences à l’œuvre dans son plurilinguisme

  •  Elle s’exprime plus volontiers lors des dernières séances, partage ses connaissances, explicite par exemple des ressemblances et dissemblances entre ses langues indiennes. A travers l’atelier, et le regard des autres, elle semble conférer une valeur accrue à son plurilinguisme, le reconnaitre comme richesse langagière et culturelle à partager
  • Elle apparait aussi regarder autrement l’asymétrie de ses compétences en langues, l’accepter comme liée à la diversité des situations d’’usages et des modes d’appropriation. Entend-elle à quel point son expérience de langues en contact lui a donné à exercer de multiples stratégies d’apprentissages remobilisables pour construire d’autres ponts, sans doute via l’anglais (Forlot, 2009), vers le français, facilitant ainsi l’entrée dans la nouvelle langue de scolarisation, et pouvant l’aider, autre moteur fort d’appropriation, à s’assumer plurilingue donc aussi francophone, même (encore) imparfaite, en construction.

A l’issue de l’entretien, RU a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de RU

Une langue = une culture = un pays
Seul le Bangladesh est représenté par un personnage
 rappelant qu’au Bangladesh, on parle « bangla » = bengali