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ZH

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37 ans, née à Canton

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • ZH est née en 1978 à Canton, au sud de la Chine. Avant de venir s’installer en France, elle travaillait dans le contrôle qualité dans une usine de tapis.
  • Elle est venue en France en 2005 pour rendre visite à des personnes de sa famille installées en France Elle rencontre son mari français, décide de venir s’installer en France en 2008 (soit plus de sept ans avant notre entretien), se marie et a deux enfants (6 ans, 2 ans).
  • Elle fait partie d’un groupe de stagiaires signataires du Contrait d’accueil et d’intégration (alors que ce n’est pas son cas) car elle souhaite « enfin » (pour reprendre ses propos) bien parler le français.
  • Elle a étudié puis travaillé à Canton. Sa langue première est le cantonais, puis elle a appris le mandarin à l’école (langue de scolarisation). Elle a aussi appris l’anglais en cours du soir.
  • Elle parle mandarin et cantonais à ses enfants.
  • Elle considère qu’elle parle « mal » le français et que c’est un « handicap » pour ses enfants.
  • C’est lors d’un voyage à Paris que ZH rencontre son mari français, avec lequel elle décide de venir s’installer, dans une commune du Finistère. La famille s’agrandit, deux enfants rapprochés. Zh suit la formation linguistique obligatoires dans le cadre du CAI, mais ses prescriptions sont fractionnées, interrompues… ce qui l’empêche, selon elle, de « bien » progresser et de « bien » parler. Lors de l’entretien, elle explique qu’elle en est à sa troisième formation, son niveau est donc plus élevé que celui des autres stagiaires.

Une famille mixte et plurilingue? Les paradoxes des politiques linguistiques familiales…

ZH et son mari parlent en anglais à la maison. Les enfants sont scolarisés en école bilingue breton-français, pratiquent à la maison le breton avec leur père, ce qui, en Bretagne, qui ne relève pas de choix de politiques linguistiques familiales majoritaires. ZH déclare parler cantonais avec sa famille restée au pays et mandarin avec ses enfants. Interrogée sur ce choix, elle explique que ce n’est « pas bien différent », et que le principal est que les enfants puissent aller dans toute la Chine.
Les diverses langues en présence ne jouissent pas des mêmes statuts, ni des mêmes canaux de communication/utilisation. Là où on pourrait imaginer un imaginaire favorable à cette diversité, on trouve plutôt une femme anxieuse et préoccupée par les places de certaines de ces/ses langues.

L’apprentissage du français pour s’intégrer : une injonction? un besoin? Et surtout, comment y parvenir?

  • ZH dit avoir été « cachée » pendant plusieurs années, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu sortir et apprendre le français comme elle le voulait « à cause de » ses grossesses, des enfants (sans activité professionnelle autre). Travailler lui manque, l’autonomie et la socialisation qui accompagnent le travail hors de la maison également. Elle met donc beaucoup d’espoir dans son apprentissage de la langue française sans lequel elle ne pourra pas trouver de travail selon elle.
  • Pour ZH, le français est « difficile », elle oppose son apprentissage à celui de l’anglais, plus simple et plus rapide à son avis. Ses discours axiologiques placent le français à un niveau supérieur en difficultés par rapport à « ses » autres langues. Le fait de ne pas se sentir à l’aise, légitime dans cette langue dans laquelle elle se fait pourtant comprendre révèle les enjeux que cet apprentissage sous-tendent et les injonctions/pressions sociales environnantes. ZH indique par exemple qu’il ne faudrait pas avoir d’amies chinoises pour ne pas parler mandarin, qu’il faudrait pouvoir pratiquer le français au maximum, mais elle se retrouve confrontée aux besoins de socialisation, de partages culturels, langagiers, à ses racines dans un pays loin de son point de départ.

ZH aimerait « bien » parler français, pour son émancipation, sa vie professionnelle, mais surtout pour ne pas « gêner » ses enfants dans leurs apprentissages langagiers. Lorsqu’elle mentionne son accent ici, il est question de transmission des langues et de marqueur identitaire. Son accent, c’est un frein, la partie visible de l’iceberg que représente le processus d’insertion dans une nouvelle communauté. Il dit qui elle est, contre son gré.

ZH craint de « contaminer » ses enfants avec sa langue, le cantonais, idée pour elle véritable source d’angoisse et de culpabilité linguistique, qui semble avoir été alimentée par le discours d’une enseignante l’ayant invitée à ne plus parler cantonais avec sa fille pour ne pas la « perturber ». Cette injonction à peine masquée est certainement un élément à prendre en compte dans la compréhension de la volonté de la stagiaire à progresser dans sa prononciation. Lors de la passation du questionnaire, elle dit à plusieurs reprises vouloir effacer son accent pour aller à l’école, ce qui semble être une réponse directe au discours de l’institutrice. La violence de l’injonction à l’uniformisation, au « tout-en-français » (dans une école pourtant bilingue) marque donc cette femme dans son apprentissage, créant un fort terreau d’insécurité linguistique et plus globalement dans son rôle de mère.

Zh. et son accent

Elle considère que c’est son accent chinois qui l’empêche de bien parler français.
B2G2A11F : Oui parce que mon mari dit que la façon dont je prononce n’est pas facile à comprendre à cause de l’accent chinois.
Enq.M : Il dit que tu as l'accent chinois c'est ça ?
B2G2A11F : Oui oui.
Enq.M : En français quand tu parles français ? C'est ça ?
B2G2A11F : [rires] c’est ça
Enq.M : [rires] Et qu'est-ce que tu penses toi ?
B2G2A11F : Je pense… hum je ne sais pas comment faire pour mieux parler français.

La mère et ses enfants…

Elle termine par dire que la transmission de sa langue peut être néfaste, signe ici d’une forte culpabilité.
Enq.M : […]. Et toi tu penses que c'est un « problème » pour ta fille de parler cantonais ?
B2G2A11F : Oui parce que je pense que c’est peut-être que je la contamine hum… elle apprend plus doucement que les autres enfants.

La mère et ses enfants… face à l’école

Elle se demande si son accent impacte ses enfants, fait écho à une discussion avec la maitresse.
B2G2A11F : Oui parce que mes enfants… hum… ils ne parlent pas comme les autres enfants, les autres enfants parlent bien français. Parce que je dérange un peu le langage de mes enfants.
Enq.M : Alors attends, tu vas me dire si j'ai bien compris, ta fille elle n’est pas comme les autres parce que elle ne parle pas français comme les autres ?
B2G2A11F : Voilà, c’est très doucement, elle est un peu timide, elle… elle ne parle pas beaucoup avec les autres enfants
Enq.M : D'accord, mais si elle est timide... Elle parle français ?
B2G2A11F : Oui elle parle français. Les professeurs de ma fille disent que le cantonais peut déranger la façon dont elle parle le français, le langage français.

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

37 ans, née à Canton

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • ZH est née en 1978 à Canton, au sud de la Chine. Avant de venir s’installer en France, elle travaillait dans le contrôle qualité dans une usine de tapis.
  • Elle est venue en France en 2005 pour rendre visite à des personnes de sa famille installées en France Elle rencontre son mari français, décide de venir s’installer en France en 2008 (soit plus de sept ans avant notre entretien), se marie et a deux enfants (6 ans, 2 ans).
  • Elle fait partie d’un groupe de stagiaires signataires du Contrait d’accueil et d’intégration (alors que ce n’est pas son cas) car elle souhaite « enfin » (pour reprendre ses propos) bien parler le français.
  • Elle a étudié puis travaillé à Canton. Sa langue première est le cantonais, puis elle a appris le mandarin à l’école (langue de scolarisation). Elle a aussi appris l’anglais en cours du soir.
  • Elle parle mandarin et cantonais à ses enfants.
  • Elle considère qu’elle parle « mal » le français et que c’est un « handicap » pour ses enfants.
  • C’est lors d’un voyage à Paris que ZH rencontre son mari français, avec lequel elle décide de venir s’installer, dans une commune du Finistère. La famille s’agrandit, deux enfants rapprochés. Zh suit la formation linguistique obligatoires dans le cadre du CAI, mais ses prescriptions sont fractionnées, interrompues… ce qui l’empêche, selon elle, de « bien » progresser et de « bien » parler. Lors de l’entretien, elle explique qu’elle en est à sa troisième formation, son niveau est donc plus élevé que celui des autres stagiaires.

Une famille mixte et plurilingue? Les paradoxes des politiques linguistiques familiales…

ZH et son mari parlent en anglais à la maison. Les enfants sont scolarisés en école bilingue breton-français, pratiquent à la maison le breton avec leur père, ce qui, en Bretagne, qui ne relève pas de choix de politiques linguistiques familiales majoritaires. ZH déclare parler cantonais avec sa famille restée au pays et mandarin avec ses enfants. Interrogée sur ce choix, elle explique que ce n’est « pas bien différent », et que le principal est que les enfants puissent aller dans toute la Chine.
Les diverses langues en présence ne jouissent pas des mêmes statuts, ni des mêmes canaux de communication/utilisation. Là où on pourrait imaginer un imaginaire favorable à cette diversité, on trouve plutôt une femme anxieuse et préoccupée par les places de certaines de ces/ses langues.

L’apprentissage du français pour s’intégrer : une injonction? un besoin? Et surtout, comment y parvenir?

  • ZH dit avoir été « cachée » pendant plusieurs années, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu sortir et apprendre le français comme elle le voulait « à cause de » ses grossesses, des enfants (sans activité professionnelle autre). Travailler lui manque, l’autonomie et la socialisation qui accompagnent le travail hors de la maison également. Elle met donc beaucoup d’espoir dans son apprentissage de la langue française sans lequel elle ne pourra pas trouver de travail selon elle.
  • Pour ZH, le français est « difficile », elle oppose son apprentissage à celui de l’anglais, plus simple et plus rapide à son avis. Ses discours axiologiques placent le français à un niveau supérieur en difficultés par rapport à « ses » autres langues. Le fait de ne pas se sentir à l’aise, légitime dans cette langue dans laquelle elle se fait pourtant comprendre révèle les enjeux que cet apprentissage sous-tendent et les injonctions/pressions sociales environnantes. ZH indique par exemple qu’il ne faudrait pas avoir d’amies chinoises pour ne pas parler mandarin, qu’il faudrait pouvoir pratiquer le français au maximum, mais elle se retrouve confrontée aux besoins de socialisation, de partages culturels, langagiers, à ses racines dans un pays loin de son point de départ.

ZH aimerait « bien » parler français, pour son émancipation, sa vie professionnelle, mais surtout pour ne pas « gêner » ses enfants dans leurs apprentissages langagiers. Lorsqu’elle mentionne son accent ici, il est question de transmission des langues et de marqueur identitaire. Son accent, c’est un frein, la partie visible de l’iceberg que représente le processus d’insertion dans une nouvelle communauté. Il dit qui elle est, contre son gré.

ZH craint de « contaminer » ses enfants avec sa langue, le cantonais, idée pour elle véritable source d’angoisse et de culpabilité linguistique, qui semble avoir été alimentée par le discours d’une enseignante l’ayant invitée à ne plus parler cantonais avec sa fille pour ne pas la « perturber ». Cette injonction à peine masquée est certainement un élément à prendre en compte dans la compréhension de la volonté de la stagiaire à progresser dans sa prononciation. Lors de la passation du questionnaire, elle dit à plusieurs reprises vouloir effacer son accent pour aller à l’école, ce qui semble être une réponse directe au discours de l’institutrice. La violence de l’injonction à l’uniformisation, au « tout-en-français » (dans une école pourtant bilingue) marque donc cette femme dans son apprentissage, créant un fort terreau d’insécurité linguistique et plus globalement dans son rôle de mère.

Zh. et son accent

Elle considère que c’est son accent chinois qui l’empêche de bien parler français.
B2G2A11F : Oui parce que mon mari dit que la façon dont je prononce n’est pas facile à comprendre à cause de l’accent chinois.
Enq.M : Il dit que tu as l'accent chinois c'est ça ?
B2G2A11F : Oui oui.
Enq.M : En français quand tu parles français ? C'est ça ?
B2G2A11F : [rires] c’est ça
Enq.M : [rires] Et qu'est-ce que tu penses toi ?
B2G2A11F : Je pense… hum je ne sais pas comment faire pour mieux parler français.

La mère et ses enfants…

Elle termine par dire que la transmission de sa langue peut être néfaste, signe ici d’une forte culpabilité.
Enq.M : […]. Et toi tu penses que c'est un « problème » pour ta fille de parler cantonais ?
B2G2A11F : Oui parce que je pense que c’est peut-être que je la contamine hum… elle apprend plus doucement que les autres enfants.

La mère et ses enfants… face à l’école

Elle se demande si son accent impacte ses enfants, fait écho à une discussion avec la maitresse.
B2G2A11F : Oui parce que mes enfants… hum… ils ne parlent pas comme les autres enfants, les autres enfants parlent bien français. Parce que je dérange un peu le langage de mes enfants.
Enq.M : Alors attends, tu vas me dire si j'ai bien compris, ta fille elle n’est pas comme les autres parce que elle ne parle pas français comme les autres ?
B2G2A11F : Voilà, c’est très doucement, elle est un peu timide, elle… elle ne parle pas beaucoup avec les autres enfants
Enq.M : D'accord, mais si elle est timide... Elle parle français ?
B2G2A11F : Oui elle parle français. Les professeurs de ma fille disent que le cantonais peut déranger la façon dont elle parle le français, le langage français.

37 ans, née à Canton

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • ZH est née en 1978 à Canton, au sud de la Chine. Avant de venir s’installer en France, elle travaillait dans le contrôle qualité dans une usine de tapis.
  • Elle est venue en France en 2005 pour rendre visite à des personnes de sa famille installées en France Elle rencontre son mari français, décide de venir s’installer en France en 2008 (soit plus de sept ans avant notre entretien), se marie et a deux enfants (6 ans, 2 ans).
  • Elle fait partie d’un groupe de stagiaires signataires du Contrait d’accueil et d’intégration (alors que ce n’est pas son cas) car elle souhaite « enfin » (pour reprendre ses propos) bien parler le français.
  • Elle a étudié puis travaillé à Canton. Sa langue première est le cantonais, puis elle a appris le mandarin à l’école (langue de scolarisation). Elle a aussi appris l’anglais en cours du soir.
  • Elle parle mandarin et cantonais à ses enfants.
  • Elle considère qu’elle parle « mal » le français et que c’est un « handicap » pour ses enfants.
  • C’est lors d’un voyage à Paris que ZH rencontre son mari français, avec lequel elle décide de venir s’installer, dans une commune du Finistère. La famille s’agrandit, deux enfants rapprochés. Zh suit la formation linguistique obligatoires dans le cadre du CAI, mais ses prescriptions sont fractionnées, interrompues… ce qui l’empêche, selon elle, de « bien » progresser et de « bien » parler. Lors de l’entretien, elle explique qu’elle en est à sa troisième formation, son niveau est donc plus élevé que celui des autres stagiaires.

Une famille mixte et plurilingue? Les paradoxes des politiques linguistiques familiales…

ZH et son mari parlent en anglais à la maison. Les enfants sont scolarisés en école bilingue breton-français, pratiquent à la maison le breton avec leur père, ce qui, en Bretagne, qui ne relève pas de choix de politiques linguistiques familiales majoritaires. ZH déclare parler cantonais avec sa famille restée au pays et mandarin avec ses enfants. Interrogée sur ce choix, elle explique que ce n’est « pas bien différent », et que le principal est que les enfants puissent aller dans toute la Chine.
Les diverses langues en présence ne jouissent pas des mêmes statuts, ni des mêmes canaux de communication/utilisation. Là où on pourrait imaginer un imaginaire favorable à cette diversité, on trouve plutôt une femme anxieuse et préoccupée par les places de certaines de ces/ses langues.

L’apprentissage du français pour s’intégrer : une injonction? un besoin? Et surtout, comment y parvenir?

  • ZH dit avoir été « cachée » pendant plusieurs années, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu sortir et apprendre le français comme elle le voulait « à cause de » ses grossesses, des enfants (sans activité professionnelle autre). Travailler lui manque, l’autonomie et la socialisation qui accompagnent le travail hors de la maison également. Elle met donc beaucoup d’espoir dans son apprentissage de la langue française sans lequel elle ne pourra pas trouver de travail selon elle.
  • Pour ZH, le français est « difficile », elle oppose son apprentissage à celui de l’anglais, plus simple et plus rapide à son avis. Ses discours axiologiques placent le français à un niveau supérieur en difficultés par rapport à « ses » autres langues. Le fait de ne pas se sentir à l’aise, légitime dans cette langue dans laquelle elle se fait pourtant comprendre révèle les enjeux que cet apprentissage sous-tendent et les injonctions/pressions sociales environnantes. ZH indique par exemple qu’il ne faudrait pas avoir d’amies chinoises pour ne pas parler mandarin, qu’il faudrait pouvoir pratiquer le français au maximum, mais elle se retrouve confrontée aux besoins de socialisation, de partages culturels, langagiers, à ses racines dans un pays loin de son point de départ.

ZH aimerait « bien » parler français, pour son émancipation, sa vie professionnelle, mais surtout pour ne pas « gêner » ses enfants dans leurs apprentissages langagiers. Lorsqu’elle mentionne son accent ici, il est question de transmission des langues et de marqueur identitaire. Son accent, c’est un frein, la partie visible de l’iceberg que représente le processus d’insertion dans une nouvelle communauté. Il dit qui elle est, contre son gré.

ZH craint de « contaminer » ses enfants avec sa langue, le cantonais, idée pour elle véritable source d’angoisse et de culpabilité linguistique, qui semble avoir été alimentée par le discours d’une enseignante l’ayant invitée à ne plus parler cantonais avec sa fille pour ne pas la « perturber ». Cette injonction à peine masquée est certainement un élément à prendre en compte dans la compréhension de la volonté de la stagiaire à progresser dans sa prononciation. Lors de la passation du questionnaire, elle dit à plusieurs reprises vouloir effacer son accent pour aller à l’école, ce qui semble être une réponse directe au discours de l’institutrice. La violence de l’injonction à l’uniformisation, au « tout-en-français » (dans une école pourtant bilingue) marque donc cette femme dans son apprentissage, créant un fort terreau d’insécurité linguistique et plus globalement dans son rôle de mère.

Zh. et son accent

Elle considère que c’est son accent chinois qui l’empêche de bien parler français.
B2G2A11F : Oui parce que mon mari dit que la façon dont je prononce n’est pas facile à comprendre à cause de l’accent chinois.
Enq.M : Il dit que tu as l'accent chinois c'est ça ?
B2G2A11F : Oui oui.
Enq.M : En français quand tu parles français ? C'est ça ?
B2G2A11F : [rires] c’est ça
Enq.M : [rires] Et qu'est-ce que tu penses toi ?
B2G2A11F : Je pense… hum je ne sais pas comment faire pour mieux parler français.

La mère et ses enfants…

Elle termine par dire que la transmission de sa langue peut être néfaste, signe ici d’une forte culpabilité.
Enq.M : […]. Et toi tu penses que c'est un « problème » pour ta fille de parler cantonais ?
B2G2A11F : Oui parce que je pense que c’est peut-être que je la contamine hum… elle apprend plus doucement que les autres enfants.

La mère et ses enfants… face à l’école

Elle se demande si son accent impacte ses enfants, fait écho à une discussion avec la maitresse.
B2G2A11F : Oui parce que mes enfants… hum… ils ne parlent pas comme les autres enfants, les autres enfants parlent bien français. Parce que je dérange un peu le langage de mes enfants.
Enq.M : Alors attends, tu vas me dire si j'ai bien compris, ta fille elle n’est pas comme les autres parce que elle ne parle pas français comme les autres ?
B2G2A11F : Voilà, c’est très doucement, elle est un peu timide, elle… elle ne parle pas beaucoup avec les autres enfants
Enq.M : D'accord, mais si elle est timide... Elle parle français ?
B2G2A11F : Oui elle parle français. Les professeurs de ma fille disent que le cantonais peut déranger la façon dont elle parle le français, le langage français.

37 ans, née à Canton

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • ZH est née en 1978 à Canton, au sud de la Chine. Avant de venir s’installer en France, elle travaillait dans le contrôle qualité dans une usine de tapis.
  • Elle est venue en France en 2005 pour rendre visite à des personnes de sa famille installées en France Elle rencontre son mari français, décide de venir s’installer en France en 2008 (soit plus de sept ans avant notre entretien), se marie et a deux enfants (6 ans, 2 ans).
  • Elle fait partie d’un groupe de stagiaires signataires du Contrait d’accueil et d’intégration (alors que ce n’est pas son cas) car elle souhaite « enfin » (pour reprendre ses propos) bien parler le français.
  • Elle a étudié puis travaillé à Canton. Sa langue première est le cantonais, puis elle a appris le mandarin à l’école (langue de scolarisation). Elle a aussi appris l’anglais en cours du soir.
  • Elle parle mandarin et cantonais à ses enfants.
  • Elle considère qu’elle parle « mal » le français et que c’est un « handicap » pour ses enfants.
  • C’est lors d’un voyage à Paris que ZH rencontre son mari français, avec lequel elle décide de venir s’installer, dans une commune du Finistère. La famille s’agrandit, deux enfants rapprochés. Zh suit la formation linguistique obligatoires dans le cadre du CAI, mais ses prescriptions sont fractionnées, interrompues… ce qui l’empêche, selon elle, de « bien » progresser et de « bien » parler. Lors de l’entretien, elle explique qu’elle en est à sa troisième formation, son niveau est donc plus élevé que celui des autres stagiaires.

Une famille mixte et plurilingue? Les paradoxes des politiques linguistiques familiales…

ZH et son mari parlent en anglais à la maison. Les enfants sont scolarisés en école bilingue breton-français, pratiquent à la maison le breton avec leur père, ce qui, en Bretagne, qui ne relève pas de choix de politiques linguistiques familiales majoritaires. ZH déclare parler cantonais avec sa famille restée au pays et mandarin avec ses enfants. Interrogée sur ce choix, elle explique que ce n’est « pas bien différent », et que le principal est que les enfants puissent aller dans toute la Chine.
Les diverses langues en présence ne jouissent pas des mêmes statuts, ni des mêmes canaux de communication/utilisation. Là où on pourrait imaginer un imaginaire favorable à cette diversité, on trouve plutôt une femme anxieuse et préoccupée par les places de certaines de ces/ses langues.

L’apprentissage du français pour s’intégrer : une injonction? un besoin? Et surtout, comment y parvenir?

  • ZH dit avoir été « cachée » pendant plusieurs années, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu sortir et apprendre le français comme elle le voulait « à cause de » ses grossesses, des enfants (sans activité professionnelle autre). Travailler lui manque, l’autonomie et la socialisation qui accompagnent le travail hors de la maison également. Elle met donc beaucoup d’espoir dans son apprentissage de la langue française sans lequel elle ne pourra pas trouver de travail selon elle.
  • Pour ZH, le français est « difficile », elle oppose son apprentissage à celui de l’anglais, plus simple et plus rapide à son avis. Ses discours axiologiques placent le français à un niveau supérieur en difficultés par rapport à « ses » autres langues. Le fait de ne pas se sentir à l’aise, légitime dans cette langue dans laquelle elle se fait pourtant comprendre révèle les enjeux que cet apprentissage sous-tendent et les injonctions/pressions sociales environnantes. ZH indique par exemple qu’il ne faudrait pas avoir d’amies chinoises pour ne pas parler mandarin, qu’il faudrait pouvoir pratiquer le français au maximum, mais elle se retrouve confrontée aux besoins de socialisation, de partages culturels, langagiers, à ses racines dans un pays loin de son point de départ.

ZH aimerait « bien » parler français, pour son émancipation, sa vie professionnelle, mais surtout pour ne pas « gêner » ses enfants dans leurs apprentissages langagiers. Lorsqu’elle mentionne son accent ici, il est question de transmission des langues et de marqueur identitaire. Son accent, c’est un frein, la partie visible de l’iceberg que représente le processus d’insertion dans une nouvelle communauté. Il dit qui elle est, contre son gré.

ZH craint de « contaminer » ses enfants avec sa langue, le cantonais, idée pour elle véritable source d’angoisse et de culpabilité linguistique, qui semble avoir été alimentée par le discours d’une enseignante l’ayant invitée à ne plus parler cantonais avec sa fille pour ne pas la « perturber ». Cette injonction à peine masquée est certainement un élément à prendre en compte dans la compréhension de la volonté de la stagiaire à progresser dans sa prononciation. Lors de la passation du questionnaire, elle dit à plusieurs reprises vouloir effacer son accent pour aller à l’école, ce qui semble être une réponse directe au discours de l’institutrice. La violence de l’injonction à l’uniformisation, au « tout-en-français » (dans une école pourtant bilingue) marque donc cette femme dans son apprentissage, créant un fort terreau d’insécurité linguistique et plus globalement dans son rôle de mère.

Zh. et son accent

Elle considère que c’est son accent chinois qui l’empêche de bien parler français.
B2G2A11F : Oui parce que mon mari dit que la façon dont je prononce n’est pas facile à comprendre à cause de l’accent chinois.
Enq.M : Il dit que tu as l'accent chinois c'est ça ?
B2G2A11F : Oui oui.
Enq.M : En français quand tu parles français ? C'est ça ?
B2G2A11F : [rires] c’est ça
Enq.M : [rires] Et qu'est-ce que tu penses toi ?
B2G2A11F : Je pense… hum je ne sais pas comment faire pour mieux parler français.

La mère et ses enfants…

Elle termine par dire que la transmission de sa langue peut être néfaste, signe ici d’une forte culpabilité.
Enq.M : […]. Et toi tu penses que c'est un « problème » pour ta fille de parler cantonais ?
B2G2A11F : Oui parce que je pense que c’est peut-être que je la contamine hum… elle apprend plus doucement que les autres enfants.

La mère et ses enfants… face à l’école

Elle se demande si son accent impacte ses enfants, fait écho à une discussion avec la maitresse.
B2G2A11F : Oui parce que mes enfants… hum… ils ne parlent pas comme les autres enfants, les autres enfants parlent bien français. Parce que je dérange un peu le langage de mes enfants.
Enq.M : Alors attends, tu vas me dire si j'ai bien compris, ta fille elle n’est pas comme les autres parce que elle ne parle pas français comme les autres ?
B2G2A11F : Voilà, c’est très doucement, elle est un peu timide, elle… elle ne parle pas beaucoup avec les autres enfants
Enq.M : D'accord, mais si elle est timide... Elle parle français ?
B2G2A11F : Oui elle parle français. Les professeurs de ma fille disent que le cantonais peut déranger la façon dont elle parle le français, le langage français.