Chapitre I
L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER
NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS
DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT
BIBLIOTHÈQUE SONORE
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Instruire et divertir
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Les enfants jouaient à la Renaissance comme ils jouent aujourd’hui, même s’ils étaient sans doute davantage sollicités pour des tâches laborieuses. Le jeu était en outre un élément important de la réflexion des pédagogues qui lui attribuaient plusieurs fonctions. La principale était la récréation. Mais le jeu ne servait pas à s’amuser, mais à redonner aux enfants l’énergie perdue, à restaurer leur concentration nécessaire à l’étude. Pour bien travailler, il fallait donc jouer d’abord !
Le jeu pouvait également être un outil d’apprentissage, notamment pour les jeunes princes. À la manière d’un jeu de rôle, l’enfant, futur souverain, était élu roi par ses camarades et il devait alors faire comme s’il gouvernait son futur royaume. Cela permettait aux dauphins d’apprendre à exercer leur autorité et d’oser prendre des décisions sans craindre les conséquences. Ce n’était qu’un jeu.
Certains jeux, que nous connaissons en tant que divertissements, pouvaient, à la Renaissance, avoir une valeur éducative. C’est le cas par exemple de certains jeux de l’oie historiques ou géographiques (chaque case permettant à l’enfant de connaître un événement historique ou un lieu géographique) ou de jeux de cartes pédagogiques, avec l’effigie des rois et reines de France. De nombreux pédagogues humanistes comme Leon Battista Alberti, Érasme ou Vivès insistaient sur les jeux comme moyens d’observer et de tester les enfants, et plus précisément les garçons. Ce regard porté sur les enfants à travers l’activité de jouer permet de mieux connaître leur nature psychologique. Un enfant calme serait destiné à l’étude et à un métier intellectuel, alors qu’un enfant qui joue de manière agitée, court et saute, montrerait déjà des aptitudes pour une future carrière militaire.
Il existait cependant des jeux et des jouets qui possédaient une dimension plus ludique. Certains étaient destinés aux petites filles : c’est le cas des poupées, qui pouvaient être en bois et habillées, ou faites de chiffons. Mais les pédagogues et les parents préféraient voir les petites filles jouer avec de petits outils de maison afin qu’elles puissent apprendre les noms et fonctions de chacun. Pour les filles, même dans les jeux, les tâches qu’elles auront à assumer adultes ne sont jamais loin.
En Italie au XVe siècle, certains pédagogues trouvaient contraire aux comportements prônés par l’éducation religieuse de voir de petits chevaux de bois ou des oiseaux factices dans les mains des enfants. Les enfants – et surtout les garçons – pouvaient jouer aussi aux osselets ou aux dés, au moulinet avec un moulin à vent, un jouet offert par ses nourrices à Gargantua. Le jeu du cerceau était également apprécié par les enfants : il s’agissait de lancer un cerceau, fait d’un cerclage de tonneau, et de le conduire avec un petit bâton. Autre jeu également très en vogue à la Renaissance : la toupie. Il s’agit d’un jeu très ancien, que l’on trouvait déjà en Grèce antique. L’enfance est l’âge du jeu comme le prouvent les représentations des âges de la vie où l’infantia (petite enfance) est très souvent illustrée par des enfants qui jouent à la toupie, à la balle ou au cheval de bois.
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Les jeux d’enfants. Cette grande toile de Pieter Bruegel l’Ancien offre une vue presque panoramique d’une scène de pure récréation. Bruegel représente plus d’une centaine d’enfants qui ne sont pas individualisés, mais symbolisent l’enfance à travers son activité favorite. En revanche, plus de 90 jeux sont identifiables (les osselets, le cerceau, saute-mouton, la poupée, le pendu…), un nombre qui rappelle les 218 divertissements énumérés par Rabelais au chapitre XXII de son Gargantua. Le tableau fut interprété comme une allégorie de l’enfance ou de l’innocence, comme une représentation du Printemps, la plus jeune des saisons, mais on y a vu aussi un avertissement aux parents quant à l’éducation à offrir à leur progéniture.
Pieter Bruegel l’Ancien, Les Jeux d’enfants, vers 1560 © Kunsthistorisches Museum, Vienne
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Ce jeu de l’oie du XVIIe siècle permet aux joueurs d’apprendre les rudiments de l’astronomie : les noms des planètes (Uranus et Neptune n’ont pas été encore découvertes), des constellations, des signes de zodiaque.
Estienne Vouillemont (graveur), Le jeu de la sphère ou de l’univers selon Tyco-Brahé, 1661 © BnF/Gallica
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Ce portrait présente la jeune Arabella Stuart (1575-1615), descendante directe d’Henry VIII. La petite fille, âgée d’un peu moins de deux ans, pose en regardant le spectateur. Vêtue d’une robe luxueuse, elle tient dans la main une poupée rigide, à l’effigie d’une femme de l’aristocratie. Le jouet servait à amuser l’enfant, mais il avait aussi pour but de lui montrer constamment le modèle de femme qu’elle devait devenir.
Anonyme, Portrait de Lady Arabella Stuart âgée de 23 mois, vers 1577 © Hardwick Hall, Derbyshire/National Trust images / Robert Thrift
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Le portrait présente la famille Valmarana, famille noble de la ville de Vicence. Le père préside l’assemblée, assis en bout de table à gauche, son épouse portant leur dernier-né dans les bras à côté de lui. Suivent, dans l’ordre décroissant des âges, les différents enfants de la famille. Sous le père, le plus jeune des garçons s’agite et joue avec un cheval de bois. Le jouet est perfectionné, fait d’un bâton de bois surmonté d’une véritable tête de cheval blanche dont le peintre a même finement précisé les rênes.
Giovanni Antonio Fasolo, Portrait de la famille Valmarana, vers 1553-1554 © Vicence, Pinacothèque civile, palais Chericati
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Cette gravure flamande du XVIe siècle illustre le premier âge de la vie, à savoir la petite enfance (ou infantia). On y voit, derrière une allégorie de la charité allaitant deux petits garçons, de nombreux autres garçons jouer. On distingue les jeux du cerceau, de la toupie, du moulin à vent ou encore des jeux de balle. Dans la partie supérieure de la composition, la présence de l’allégorie de la lune s’explique par le fait qu’il s’agit de la planète correspondant à la petite enfance.
Adriaen Collaert (graveur), Maarten de Vos (dessinateur), Les sept planètes et âges de la vie. L’infantia, 1581 © The Trustees of the British Museum (Creative Commons licence)
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Instruire et divertir
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Les enfants jouaient à la Renaissance comme ils jouent aujourd’hui, même s’ils étaient sans doute davantage sollicités pour des tâches laborieuses. Le jeu était en outre un élément important de la réflexion des pédagogues qui lui attribuaient plusieurs fonctions. La principale était la récréation. Mais le jeu ne servait pas à s’amuser, mais à redonner aux enfants l’énergie perdue, à restaurer leur concentration nécessaire à l’étude. Pour bien travailler, il fallait donc jouer d’abord !
Le jeu pouvait également être un outil d’apprentissage, notamment pour les jeunes princes. À la manière d’un jeu de rôle, l’enfant, futur souverain, était élu roi par ses camarades et il devait alors faire comme s’il gouvernait son futur royaume. Cela permettait aux dauphins d’apprendre à exercer leur autorité et d’oser prendre des décisions sans craindre les conséquences. Ce n’était qu’un jeu.
Certains jeux, que nous connaissons en tant que divertissements, pouvaient, à la Renaissance, avoir une valeur éducative. C’est le cas par exemple de certains jeux de l’oie historiques ou géographiques (chaque case permettant à l’enfant de connaître un événement historique ou un lieu géographique) ou de jeux de cartes pédagogiques, avec l’effigie des rois et reines de France. De nombreux pédagogues humanistes comme Leon Battista Alberti, Érasme ou Vivès insistaient sur les jeux comme moyens d’observer et de tester les enfants, et plus précisément les garçons. Ce regard porté sur les enfants à travers l’activité de jouer permet de mieux connaître leur nature psychologique. Un enfant calme serait destiné à l’étude et à un métier intellectuel, alors qu’un enfant qui joue de manière agitée, court et saute, montrerait déjà des aptitudes pour une future carrière militaire.
Il existait cependant des jeux et des jouets qui possédaient une dimension plus ludique. Certains étaient destinés aux petites filles : c’est le cas des poupées, qui pouvaient être en bois et habillées, ou faites de chiffons. Mais les pédagogues et les parents préféraient voir les petites filles jouer avec de petits outils de maison afin qu’elles puissent apprendre les noms et fonctions de chacun. Pour les filles, même dans les jeux, les tâches qu’elles auront à assumer adultes ne sont jamais loin.
En Italie au XVe siècle, certains pédagogues trouvaient contraire aux comportements prônés par l’éducation religieuse de voir de petits chevaux de bois ou des oiseaux factices dans les mains des enfants. Les enfants – et surtout les garçons – pouvaient jouer aussi aux osselets ou aux dés, au moulinet avec un moulin à vent, un jouet offert par ses nourrices à Gargantua. Le jeu du cerceau était également apprécié par les enfants : il s’agissait de lancer un cerceau, fait d’un cerclage de tonneau, et de le conduire avec un petit bâton. Autre jeu également très en vogue à la Renaissance : la toupie. Il s’agit d’un jeu très ancien, que l’on trouvait déjà en Grèce antique. L’enfance est l’âge du jeu comme le prouvent les représentations des âges de la vie où l’infantia (petite enfance) est très souvent illustrée par des enfants qui jouent à la toupie, à la balle ou au cheval de bois.
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Les jeux d’enfants. Cette grande toile de Pieter Bruegel l’Ancien offre une vue presque panoramique d’une scène de pure récréation. Bruegel représente plus d’une centaine d’enfants qui ne sont pas individualisés, mais symbolisent l’enfance à travers son activité favorite. En revanche, plus de 90 jeux sont identifiables (les osselets, le cerceau, saute-mouton, la poupée, le pendu…), un nombre qui rappelle les 218 divertissements énumérés par Rabelais au chapitre XXII de son Gargantua. Le tableau fut interprété comme une allégorie de l’enfance ou de l’innocence, comme une représentation du Printemps, la plus jeune des saisons, mais on y a vu aussi un avertissement aux parents quant à l’éducation à offrir à leur progéniture.
Pieter Bruegel l’Ancien, Les Jeux d’enfants, vers 1560 © Kunsthistorisches Museum, Vienne
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Ce jeu de l’oie du XVIIe siècle permet aux joueurs d’apprendre les rudiments de l’astronomie : les noms des planètes (Uranus et Neptune n’ont pas été encore découvertes), des constellations, des signes de zodiaque.
Estienne Vouillemont (graveur), Le jeu de la sphère ou de l’univers selon Tyco-Brahé, 1661 © BnF/Gallica
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Ce portrait présente la jeune Arabella Stuart (1575-1615), descendante directe d’Henry VIII. La petite fille, âgée d’un peu moins de deux ans, pose en regardant le spectateur. Vêtue d’une robe luxueuse, elle tient dans la main une poupée rigide, à l’effigie d’une femme de l’aristocratie. Le jouet servait à amuser l’enfant, mais il avait aussi pour but de lui montrer constamment le modèle de femme qu’elle devait devenir.
Anonyme, Portrait de Lady Arabella Stuart âgée de 23 mois, vers 1577 © Hardwick Hall, Derbyshire/National Trust images / Robert Thrift
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Le portrait présente la famille Valmarana, famille noble de la ville de Vicence. Le père préside l’assemblée, assis en bout de table à gauche, son épouse portant leur dernier-né dans les bras à côté de lui. Suivent, dans l’ordre décroissant des âges, les différents enfants de la famille. Sous le père, le plus jeune des garçons s’agite et joue avec un cheval de bois. Le jouet est perfectionné, fait d’un bâton de bois surmonté d’une véritable tête de cheval blanche dont le peintre a même finement précisé les rênes.
Giovanni Antonio Fasolo, Portrait de la famille Valmarana, vers 1553-1554 © Vicence, Pinacothèque civile, palais Chericati
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Cette gravure flamande du XVIe siècle illustre le premier âge de la vie, à savoir la petite enfance (ou infantia). On y voit, derrière une allégorie de la charité allaitant deux petits garçons, de nombreux autres garçons jouer. On distingue les jeux du cerceau, de la toupie, du moulin à vent ou encore des jeux de balle. Dans la partie supérieure de la composition, la présence de l’allégorie de la lune s’explique par le fait qu’il s’agit de la planète correspondant à la petite enfance.
Adriaen Collaert (graveur), Maarten de Vos (dessinateur), Les sept planètes et âges de la vie. L’infantia, 1581 © The Trustees of the British Museum (Creative Commons licence)
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Le jeu pouvait également être un outil d’apprentissage, notamment pour les jeunes princes. À la manière d’un jeu de rôle, l’enfant, futur souverain, était élu roi par ses camarades et il devait alors faire comme s’il gouvernait son futur royaume. Cela permettait aux dauphins d’apprendre à exercer leur autorité et d’oser prendre des décisions sans craindre les conséquences. Ce n’était qu’un jeu.
Certains jeux, que nous connaissons en tant que divertissements, pouvaient, à la Renaissance, avoir une valeur éducative. C’est le cas par exemple de certains jeux de l’oie historiques ou géographiques (chaque case permettant à l’enfant de connaître un événement historique ou un lieu géographique) ou de jeux de cartes pédagogiques, avec l’effigie des rois et reines de France. De nombreux pédagogues humanistes comme Leon Battista Alberti, Érasme ou Vivès insistaient sur les jeux comme moyens d’observer et de tester les enfants, et plus précisément les garçons. Ce regard porté sur les enfants à travers l’activité de jouer permet de mieux connaître leur nature psychologique. Un enfant calme serait destiné à l’étude et à un métier intellectuel, alors qu’un enfant qui joue de manière agitée, court et saute, montrerait déjà des aptitudes pour une future carrière militaire.
Il existait cependant des jeux et des jouets qui possédaient une dimension plus ludique. Certains étaient destinés aux petites filles : c’est le cas des poupées, qui pouvaient être en bois et habillées, ou faites de chiffons. Mais les pédagogues et les parents préféraient voir les petites filles jouer avec de petits outils de maison afin qu’elles puissent apprendre les noms et fonctions de chacun. Pour les filles, même dans les jeux, les tâches qu’elles auront à assumer adultes ne sont jamais loin.
En Italie au XVe siècle, certains pédagogues trouvaient contraire aux comportements prônés par l’éducation religieuse de voir de petits chevaux de bois ou des oiseaux factices dans les mains des enfants. Les enfants – et surtout les garçons – pouvaient jouer aussi aux osselets ou aux dés, au moulinet avec un moulin à vent, un jouet offert par ses nourrices à Gargantua. Le jeu du cerceau était également apprécié par les enfants : il s’agissait de lancer un cerceau, fait d’un cerclage de tonneau, et de le conduire avec un petit bâton. Autre jeu également très en vogue à la Renaissance : la toupie. Il s’agit d’un jeu très ancien, que l’on trouvait déjà en Grèce antique. L’enfance est l’âge du jeu comme le prouvent les représentations des âges de la vie où l’infantia (petite enfance) est très souvent illustrée par des enfants qui jouent à la toupie, à la balle ou au cheval de bois.
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Les jeux d’enfants. Cette grande toile de Pieter Bruegel l’Ancien offre une vue presque panoramique d’une scène de pure récréation. Bruegel représente plus d’une centaine d’enfants qui ne sont pas individualisés, mais symbolisent l’enfance à travers son activité favorite. En revanche, plus de 90 jeux sont identifiables (les osselets, le cerceau, saute-mouton, la poupée, le pendu…), un nombre qui rappelle les 218 divertissements énumérés par Rabelais au chapitre XXII de son Gargantua. Le tableau fut interprété comme une allégorie de l’enfance ou de l’innocence, comme une représentation du Printemps, la plus jeune des saisons, mais on y a vu aussi un avertissement aux parents quant à l’éducation à offrir à leur progéniture.
Pieter Bruegel l’Ancien, Les Jeux d’enfants, vers 1560 © Kunsthistorisches Museum, Vienne
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Ce jeu de l’oie du XVIIe siècle permet aux joueurs d’apprendre les rudiments de l’astronomie : les noms des planètes (Uranus et Neptune n’ont pas été encore découvertes), des constellations, des signes de zodiaque.
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Ce portrait présente la jeune Arabella Stuart (1575-1615), descendante directe d’Henry VIII. La petite fille, âgée d’un peu moins de deux ans, pose en regardant le spectateur. Vêtue d’une robe luxueuse, elle tient dans la main une poupée rigide, à l’effigie d’une femme de l’aristocratie. Le jouet servait à amuser l’enfant, mais il avait aussi pour but de lui montrer constamment le modèle de femme qu’elle devait devenir.
Anonyme, Portrait de Lady Arabella Stuart âgée de 23 mois, vers 1577 © Hardwick Hall, Derbyshire/National Trust images / Robert Thrift
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Le portrait présente la famille Valmarana, famille noble de la ville de Vicence. Le père préside l’assemblée, assis en bout de table à gauche, son épouse portant leur dernier-né dans les bras à côté de lui. Suivent, dans l’ordre décroissant des âges, les différents enfants de la famille. Sous le père, le plus jeune des garçons s’agite et joue avec un cheval de bois. Le jouet est perfectionné, fait d’un bâton de bois surmonté d’une véritable tête de cheval blanche dont le peintre a même finement précisé les rênes.
Giovanni Antonio Fasolo, Portrait de la famille Valmarana, vers 1553-1554 © Vicence, Pinacothèque civile, palais Chericati
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Adriaen Collaert (graveur), Maarten de Vos (dessinateur), Les sept planètes et âges de la vie. L’infantia, 1581 © The Trustees of the British Museum (Creative Commons licence)
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Le jeu pouvait également être un outil d’apprentissage, notamment pour les jeunes princes. À la manière d’un jeu de rôle, l’enfant, futur souverain, était élu roi par ses camarades et il devait alors faire comme s’il gouvernait son futur royaume. Cela permettait aux dauphins d’apprendre à exercer leur autorité et d’oser prendre des décisions sans craindre les conséquences. Ce n’était qu’un jeu.
Certains jeux, que nous connaissons en tant que divertissements, pouvaient, à la Renaissance, avoir une valeur éducative. C’est le cas par exemple de certains jeux de l’oie historiques ou géographiques (chaque case permettant à l’enfant de connaître un événement historique ou un lieu géographique) ou de jeux de cartes pédagogiques, avec l’effigie des rois et reines de France. De nombreux pédagogues humanistes comme Leon Battista Alberti, Érasme ou Vivès insistaient sur les jeux comme moyens d’observer et de tester les enfants, et plus précisément les garçons. Ce regard porté sur les enfants à travers l’activité de jouer permet de mieux connaître leur nature psychologique. Un enfant calme serait destiné à l’étude et à un métier intellectuel, alors qu’un enfant qui joue de manière agitée, court et saute, montrerait déjà des aptitudes pour une future carrière militaire.
Il existait cependant des jeux et des jouets qui possédaient une dimension plus ludique. Certains étaient destinés aux petites filles : c’est le cas des poupées, qui pouvaient être en bois et habillées, ou faites de chiffons. Mais les pédagogues et les parents préféraient voir les petites filles jouer avec de petits outils de maison afin qu’elles puissent apprendre les noms et fonctions de chacun. Pour les filles, même dans les jeux, les tâches qu’elles auront à assumer adultes ne sont jamais loin.
En Italie au XVe siècle, certains pédagogues trouvaient contraire aux comportements prônés par l’éducation religieuse de voir de petits chevaux de bois ou des oiseaux factices dans les mains des enfants. Les enfants – et surtout les garçons – pouvaient jouer aussi aux osselets ou aux dés, au moulinet avec un moulin à vent, un jouet offert par ses nourrices à Gargantua. Le jeu du cerceau était également apprécié par les enfants : il s’agissait de lancer un cerceau, fait d’un cerclage de tonneau, et de le conduire avec un petit bâton. Autre jeu également très en vogue à la Renaissance : la toupie. Il s’agit d’un jeu très ancien, que l’on trouvait déjà en Grèce antique. L’enfance est l’âge du jeu comme le prouvent les représentations des âges de la vie où l’infantia (petite enfance) est très souvent illustrée par des enfants qui jouent à la toupie, à la balle ou au cheval de bois.
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Les jeux d’enfants. Cette grande toile de Pieter Bruegel l’Ancien offre une vue presque panoramique d’une scène de pure récréation. Bruegel représente plus d’une centaine d’enfants qui ne sont pas individualisés, mais symbolisent l’enfance à travers son activité favorite. En revanche, plus de 90 jeux sont identifiables (les osselets, le cerceau, saute-mouton, la poupée, le pendu…), un nombre qui rappelle les 218 divertissements énumérés par Rabelais au chapitre XXII de son Gargantua. Le tableau fut interprété comme une allégorie de l’enfance ou de l’innocence, comme une représentation du Printemps, la plus jeune des saisons, mais on y a vu aussi un avertissement aux parents quant à l’éducation à offrir à leur progéniture.
Pieter Bruegel l’Ancien, Les Jeux d’enfants, vers 1560 © Kunsthistorisches Museum, Vienne
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Ce jeu de l’oie du XVIIe siècle permet aux joueurs d’apprendre les rudiments de l’astronomie : les noms des planètes (Uranus et Neptune n’ont pas été encore découvertes), des constellations, des signes de zodiaque.
Estienne Vouillemont (graveur), Le jeu de la sphère ou de l’univers selon Tyco-Brahé, 1661 © BnF/Gallica
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Ce portrait présente la jeune Arabella Stuart (1575-1615), descendante directe d’Henry VIII. La petite fille, âgée d’un peu moins de deux ans, pose en regardant le spectateur. Vêtue d’une robe luxueuse, elle tient dans la main une poupée rigide, à l’effigie d’une femme de l’aristocratie. Le jouet servait à amuser l’enfant, mais il avait aussi pour but de lui montrer constamment le modèle de femme qu’elle devait devenir.
Anonyme, Portrait de Lady Arabella Stuart âgée de 23 mois, vers 1577 © Hardwick Hall, Derbyshire/National Trust images / Robert Thrift
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Le portrait présente la famille Valmarana, famille noble de la ville de Vicence. Le père préside l’assemblée, assis en bout de table à gauche, son épouse portant leur dernier-né dans les bras à côté de lui. Suivent, dans l’ordre décroissant des âges, les différents enfants de la famille. Sous le père, le plus jeune des garçons s’agite et joue avec un cheval de bois. Le jouet est perfectionné, fait d’un bâton de bois surmonté d’une véritable tête de cheval blanche dont le peintre a même finement précisé les rênes.
Giovanni Antonio Fasolo, Portrait de la famille Valmarana, vers 1553-1554 © Vicence, Pinacothèque civile, palais Chericati
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Cette gravure flamande du XVIe siècle illustre le premier âge de la vie, à savoir la petite enfance (ou infantia). On y voit, derrière une allégorie de la charité allaitant deux petits garçons, de nombreux autres garçons jouer. On distingue les jeux du cerceau, de la toupie, du moulin à vent ou encore des jeux de balle. Dans la partie supérieure de la composition, la présence de l’allégorie de la lune s’explique par le fait qu’il s’agit de la planète correspondant à la petite enfance.
Adriaen Collaert (graveur), Maarten de Vos (dessinateur), Les sept planètes et âges de la vie. L’infantia, 1581 © The Trustees of the British Museum (Creative Commons licence)
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