Chapitre III
L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER
NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS
DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT
BIBLIOTHÈQUE SONORE

Théodore de Bèze et son cher maître Wolmar

En 1560, peu avant de succéder à Calvin à Genève pour devenir le chef de la Réforme, Théodore de Bèze publie sa Confession de foi. Rédigé pour son père bourguignon et catholique, ce catéchisme protestant connut un immense succès. C’est par la lettre-préface à Melchior Wolmar, son précepteur entre neuf et quinze ans, que le réformateur revient sur son enfance pour louer ses qualités de pédagogue : À chaque fois que je me souviens de ma vie passée, je me souviens des innombrables bienfaits que tu as eus envers moi. Il célèbre le 5 décembre 1528 comme le jour de sa « seconde naissance », quand il fut conduit chez ce professeur de grec renommé tenant pension à Orléans.
Melchior était à cette date un professeur de trente et un ans, allemand et de foi luthérienne, formé à Berne puis à Paris par Guillaume Budé. Après Camerarius, savant réputé pour ses traductions d’Homère et dont il avait été l’élève, Melchior Wolmar entreprit à son tour de commenter pour ses élèves celui que tous considéraient comme le Poète. Théodore de Bèze a retenu que Notre bien cher Wolmar lui a rendu la lumière que les dieux lui avaient ravie. Éditeur d’une grammaire grecque et commentateur de l’Iliade, sa réputation lui valut d’être appelé par la sœur du roi à Bourges pour enseigner les langues anciennes à l’université où le suivit son jeune élève, encore nommé Déode. Installée dans le cloître de la cathédrale, la maison de Wolmar accueillait des élèves venus de loin pour s’initier au grec et au latin et préparer leur droit. Tandis que Jean Calvin, de dix ans son aîné, perfectionnait son grec et commençait à prêcher, Déode s’essayait à la poésie chère à son maître : les chants d’Homère et la poésie latine, alors très en vogue.
C’est dans ce climat favorable aux lettres et aux idées neuves qu’il signa ses premiers poèmes du nom de « Theodorus » (« don de Dieu »). Ce choix n’est-il pas révélateur du plus grand bienfait qu’il considère avoir reçu de son père spirituel, celui de l’avoir imprégné de la vraie piété tirée de la Parole de Dieu comme de la source la plus pure ?


Le second portrait connu de Théodore de Bèze (1519-1605) se présente en ouverture de la première édition de ses poèmes à Paris en juillet 1548. Cette gravure disparaîtra des éditions ultérieures, le réformateur ayant renoncé aux lauriers de la gloire littéraire. En effet, dès le mois d’octobre suivant, après une grave maladie, expliqua-t-il, il s’exila à Genève en compagnie de sa fiancée et de son imprimeur.
Portrait de Théodore de Bèze en ouverture de son recueil Poemata, Paris, C. Badius, 1548 © BnF (Photo : ACB)


Allemand et luthérien, c’est en précepteur expérimenté que Melchior Wolmar de Rottweil (1497-1560) tenait pension à Bourges, sous la protection de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier. En 1534, les persécutions contre les protestants le poussèrent à regagner l’Allemagne, au désespoir de Théodore, qui a dû renoncer à le suivre.
Portrait de Melchior Wolmar, dans Théodore de Bèze, Icones, Genève, 1580, f. X i v° © Bibliothèque de Genève / e-rara


Melchior Wolmar édite et préface un manuel de grammaire grecque de Démétrios Chaldondyle contenant les règles de base de cette langue, utilisé par les élèves hellénisants. Le jeune Théodore de Bèze maîtrisait bientôt mieux le grec que le latin.
Demetrii Chalcondylae grammaticae institutiones graecae, Paris, G. de Gourmont, 1525 © BnF (Photo : ACB)


Wolmar tenait la pension d’abord à Orléans et ensuite à Bourges, ville qui fleurit à la Renaissance sous la protection de Marguerite de Navarre, duchesse du Berry, qui fit y venir non seulement le cher maître de Théodore de Bèze, mais aussi d’autres érudits européens comme André Alciat ou Jacques Cujas, deux grands juristes.
Georg Braun, Simon Novellanus, Franz Hogenberg, De Praecipuis, Totius Universi Urbibus, Liber Secundus, Cologne, s.i., 1575, carte 10 © Bayerische Staatsbibliothek


Dans un autre manuel de grammaire grecque très populaire à l'époque, les Erotemata de Manuel Chrysoloras rédigées sous forme de questions, une gravure représentant la sirène est entourée de la sentence en grec : Sirène au beau visage, ne nuit pas à ceux qui naviguent dans nos pages, mais éveille-les. Sans entraves, sans rature sur la cire, traverse bravement les eaux de la sagesse. Elle illustre bien l'idéal de vertu et de sagesse antiques dans lequel le jeune Bèze fut élevé.
Erotemata Guarini, cum multis additamentis emendatiora quam unquam prodierint, Venise, P. Ravani (héritiers), 1543 © BnF (Photo : ACB)


L'image de la « vraie » Religion apparaît dans la Confession de foi de Théodore de Bèze, suivie d'une série de questions et de réponses : – Pourquoi portes-tu des vêtements déchirés ? – Je méprise les richesses caduques. Le dialogue reprend dans les termes le poème sur La vertu publié dans ses Poemata douze ans plus tôt. À la question – Pourquoi la mort sous tes pieds ?, la vertu répond : – Parce que je suis la mort de la mort. En lui apprenant le grec, la langue du Nouveau Testament, et l'idéal de la vertu antique, Wolmar n'inspira-t-il pas à Théodore également la piété reformée ?
« Religionis non papisticae sed vere Evangelicae pictura, per Theodorum Bezam Vezlium expressa », dans Théodore de Bèze, Confessio christianae fidei, Genève, E. Vignon, 1577 © Bibliothèque de Genève / e-rara

Théodore de Bèze et son cher maître Wolmar

En 1560, peu avant de succéder à Calvin à Genève pour devenir le chef de la Réforme, Théodore de Bèze publie sa Confession de foi. Rédigé pour son père bourguignon et catholique, ce catéchisme protestant connut un immense succès. C’est par la lettre-préface à Melchior Wolmar, son précepteur entre neuf et quinze ans, que le réformateur revient sur son enfance pour louer ses qualités de pédagogue : À chaque fois que je me souviens de ma vie passée, je me souviens des innombrables bienfaits que tu as eus envers moi. Il célèbre le 5 décembre 1528 comme le jour de sa « seconde naissance », quand il fut conduit chez ce professeur de grec renommé tenant pension à Orléans.
Melchior était à cette date un professeur de trente et un ans, allemand et de foi luthérienne, formé à Berne puis à Paris par Guillaume Budé. Après Camerarius, savant réputé pour ses traductions d’Homère et dont il avait été l’élève, Melchior Wolmar entreprit à son tour de commenter pour ses élèves celui que tous considéraient comme le Poète. Théodore de Bèze a retenu que Notre bien cher Wolmar lui a rendu la lumière que les dieux lui avaient ravie. Éditeur d’une grammaire grecque et commentateur de l’Iliade, sa réputation lui valut d’être appelé par la sœur du roi à Bourges pour enseigner les langues anciennes à l’université où le suivit son jeune élève, encore nommé Déode. Installée dans le cloître de la cathédrale, la maison de Wolmar accueillait des élèves venus de loin pour s’initier au grec et au latin et préparer leur droit. Tandis que Jean Calvin, de dix ans son aîné, perfectionnait son grec et commençait à prêcher, Déode s’essayait à la poésie chère à son maître : les chants d’Homère et la poésie latine, alors très en vogue.
C’est dans ce climat favorable aux lettres et aux idées neuves qu’il signa ses premiers poèmes du nom de « Theodorus » (« don de Dieu »). Ce choix n’est-il pas révélateur du plus grand bienfait qu’il considère avoir reçu de son père spirituel, celui de l’avoir imprégné de la vraie piété tirée de la Parole de Dieu comme de la source la plus pure ?


Le second portrait connu de Théodore de Bèze (1519-1605) se présente en ouverture de la première édition de ses poèmes à Paris en juillet 1548. Cette gravure disparaîtra des éditions ultérieures, le réformateur ayant renoncé aux lauriers de la gloire littéraire. En effet, dès le mois d’octobre suivant, après une grave maladie, expliqua-t-il, il s’exila à Genève en compagnie de sa fiancée et de son imprimeur.
Portrait de Théodore de Bèze en ouverture de son recueil Poemata, Paris, C. Badius, 1548 © BnF (Photo : ACB)


Allemand et luthérien, c’est en précepteur expérimenté que Melchior Wolmar de Rottweil (1497-1560) tenait pension à Bourges, sous la protection de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier. En 1534, les persécutions contre les protestants le poussèrent à regagner l’Allemagne, au désespoir de Théodore, qui a dû renoncer à le suivre.
Portrait de Melchior Wolmar, dans Théodore de Bèze, Icones, Genève, 1580, f. X i v° © Bibliothèque de Genève / e-rara


Melchior Wolmar édite et préface un manuel de grammaire grecque de Démétrios Chaldondyle contenant les règles de base de cette langue, utilisé par les élèves hellénisants. Le jeune Théodore de Bèze maîtrisait bientôt mieux le grec que le latin.
Demetrii Chalcondylae grammaticae institutiones graecae, Paris, G. de Gourmont, 1525 © BnF (Photo : ACB)


Wolmar tenait la pension d’abord à Orléans et ensuite à Bourges, ville qui fleurit à la Renaissance sous la protection de Marguerite de Navarre, duchesse du Berry, qui fit y venir non seulement le cher maître de Théodore de Bèze, mais aussi d’autres érudits européens comme André Alciat ou Jacques Cujas, deux grands juristes.
Georg Braun, Simon Novellanus, Franz Hogenberg, De Praecipuis, Totius Universi Urbibus, Liber Secundus, Cologne, s.i., 1575, carte 10 © Bayerische Staatsbibliothek


Dans un autre manuel de grammaire grecque très populaire à l'époque, les Erotemata de Manuel Chrysoloras rédigées sous forme de questions, une gravure représentant la sirène est entourée de la sentence en grec : Sirène au beau visage, ne nuit pas à ceux qui naviguent dans nos pages, mais éveille-les. Sans entraves, sans rature sur la cire, traverse bravement les eaux de la sagesse. Elle illustre bien l'idéal de vertu et de sagesse antiques dans lequel le jeune Bèze fut élevé.
Erotemata Guarini, cum multis additamentis emendatiora quam unquam prodierint, Venise, P. Ravani (héritiers), 1543 © BnF (Photo : ACB)


L'image de la « vraie » Religion apparaît dans la Confession de foi de Théodore de Bèze, suivie d'une série de questions et de réponses : – Pourquoi portes-tu des vêtements déchirés ? – Je méprise les richesses caduques. Le dialogue reprend dans les termes le poème sur La vertu publié dans ses Poemata douze ans plus tôt. À la question – Pourquoi la mort sous tes pieds ?, la vertu répond : – Parce que je suis la mort de la mort. En lui apprenant le grec, la langue du Nouveau Testament, et l'idéal de la vertu antique, Wolmar n'inspira-t-il pas à Théodore également la piété reformée ?
« Religionis non papisticae sed vere Evangelicae pictura, per Theodorum Bezam Vezlium expressa », dans Théodore de Bèze, Confessio christianae fidei, Genève, E. Vignon, 1577 © Bibliothèque de Genève / e-rara

Théodore de Bèze et son cher maître Wolmar

En 1560, peu avant de succéder à Calvin à Genève pour devenir le chef de la Réforme, Théodore de Bèze publie sa Confession de foi. Rédigé pour son père bourguignon et catholique, ce catéchisme protestant connut un immense succès. C’est par la lettre-préface à Melchior Wolmar, son précepteur entre neuf et quinze ans, que le réformateur revient sur son enfance pour louer ses qualités de pédagogue : À chaque fois que je me souviens de ma vie passée, je me souviens des innombrables bienfaits que tu as eus envers moi. Il célèbre le 5 décembre 1528 comme le jour de sa « seconde naissance », quand il fut conduit chez ce professeur de grec renommé tenant pension à Orléans.
Melchior était à cette date un professeur de trente et un ans, allemand et de foi luthérienne, formé à Berne puis à Paris par Guillaume Budé. Après Camerarius, savant réputé pour ses traductions d’Homère et dont il avait été l’élève, Melchior Wolmar entreprit à son tour de commenter pour ses élèves celui que tous considéraient comme le Poète. Théodore de Bèze a retenu que Notre bien cher Wolmar lui a rendu la lumière que les dieux lui avaient ravie. Éditeur d’une grammaire grecque et commentateur de l’Iliade, sa réputation lui valut d’être appelé par la sœur du roi à Bourges pour enseigner les langues anciennes à l’université où le suivit son jeune élève, encore nommé Déode. Installée dans le cloître de la cathédrale, la maison de Wolmar accueillait des élèves venus de loin pour s’initier au grec et au latin et préparer leur droit. Tandis que Jean Calvin, de dix ans son aîné, perfectionnait son grec et commençait à prêcher, Déode s’essayait à la poésie chère à son maître : les chants d’Homère et la poésie latine, alors très en vogue.
C’est dans ce climat favorable aux lettres et aux idées neuves qu’il signa ses premiers poèmes du nom de « Theodorus » (« don de Dieu »). Ce choix n’est-il pas révélateur du plus grand bienfait qu’il considère avoir reçu de son père spirituel, celui de l’avoir imprégné de la vraie piété tirée de la Parole de Dieu comme de la source la plus pure ?


Le second portrait connu de Théodore de Bèze (1519-1605) se présente en ouverture de la première édition de ses poèmes à Paris en juillet 1548. Cette gravure disparaîtra des éditions ultérieures, le réformateur ayant renoncé aux lauriers de la gloire littéraire. En effet, dès le mois d’octobre suivant, après une grave maladie, expliqua-t-il, il s’exila à Genève en compagnie de sa fiancée et de son imprimeur.
Portrait de Théodore de Bèze en ouverture de son recueil Poemata, Paris, C. Badius, 1548 © BnF (Photo : ACB)


Allemand et luthérien, c’est en précepteur expérimenté que Melchior Wolmar de Rottweil (1497-1560) tenait pension à Bourges, sous la protection de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier. En 1534, les persécutions contre les protestants le poussèrent à regagner l’Allemagne, au désespoir de Théodore, qui a dû renoncer à le suivre.
Portrait de Melchior Wolmar, dans Théodore de Bèze, Icones, Genève, 1580, f. X i v° © Bibliothèque de Genève / e-rara


Melchior Wolmar édite et préface un manuel de grammaire grecque de Démétrios Chaldondyle contenant les règles de base de cette langue, utilisé par les élèves hellénisants. Le jeune Théodore de Bèze maîtrisait bientôt mieux le grec que le latin.
Demetrii Chalcondylae grammaticae institutiones graecae, Paris, G. de Gourmont, 1525 © BnF (Photo : ACB)


Wolmar tenait la pension d’abord à Orléans et ensuite à Bourges, ville qui fleurit à la Renaissance sous la protection de Marguerite de Navarre, duchesse du Berry, qui fit y venir non seulement le cher maître de Théodore de Bèze, mais aussi d’autres érudits européens comme André Alciat ou Jacques Cujas, deux grands juristes.
Georg Braun, Simon Novellanus, Franz Hogenberg, De Praecipuis, Totius Universi Urbibus, Liber Secundus, Cologne, s.i., 1575, carte 10 © Bayerische Staatsbibliothek


Dans un autre manuel de grammaire grecque très populaire à l'époque, les Erotemata de Manuel Chrysoloras rédigées sous forme de questions, une gravure représentant la sirène est entourée de la sentence en grec : Sirène au beau visage, ne nuit pas à ceux qui naviguent dans nos pages, mais éveille-les. Sans entraves, sans rature sur la cire, traverse bravement les eaux de la sagesse. Elle illustre bien l'idéal de vertu et de sagesse antiques dans lequel le jeune Bèze fut élevé.
Erotemata Guarini, cum multis additamentis emendatiora quam unquam prodierint, Venise, P. Ravani (héritiers), 1543 © BnF (Photo : ACB)


L'image de la « vraie » Religion apparaît dans la Confession de foi de Théodore de Bèze, suivie d'une série de questions et de réponses : – Pourquoi portes-tu des vêtements déchirés ? – Je méprise les richesses caduques. Le dialogue reprend dans les termes le poème sur La vertu publié dans ses Poemata douze ans plus tôt. À la question – Pourquoi la mort sous tes pieds ?, la vertu répond : – Parce que je suis la mort de la mort. En lui apprenant le grec, la langue du Nouveau Testament, et l'idéal de la vertu antique, Wolmar n'inspira-t-il pas à Théodore également la piété reformée ?
« Religionis non papisticae sed vere Evangelicae pictura, per Theodorum Bezam Vezlium expressa », dans Théodore de Bèze, Confessio christianae fidei, Genève, E. Vignon, 1577 © Bibliothèque de Genève / e-rara


Théodore de Bèze et son cher maître Wolmar

En 1560, peu avant de succéder à Calvin à Genève pour devenir le chef de la Réforme, Théodore de Bèze publie sa Confession de foi. Rédigé pour son père bourguignon et catholique, ce catéchisme protestant connut un immense succès. C’est par la lettre-préface à Melchior Wolmar, son précepteur entre neuf et quinze ans, que le réformateur revient sur son enfance pour louer ses qualités de pédagogue : À chaque fois que je me souviens de ma vie passée, je me souviens des innombrables bienfaits que tu as eus envers moi. Il célèbre le 5 décembre 1528 comme le jour de sa « seconde naissance », quand il fut conduit chez ce professeur de grec renommé tenant pension à Orléans.
Melchior était à cette date un professeur de trente et un ans, allemand et de foi luthérienne, formé à Berne puis à Paris par Guillaume Budé. Après Camerarius, savant réputé pour ses traductions d’Homère et dont il avait été l’élève, Melchior Wolmar entreprit à son tour de commenter pour ses élèves celui que tous considéraient comme le Poète. Théodore de Bèze a retenu que Notre bien cher Wolmar lui a rendu la lumière que les dieux lui avaient ravie. Éditeur d’une grammaire grecque et commentateur de l’Iliade, sa réputation lui valut d’être appelé par la sœur du roi à Bourges pour enseigner les langues anciennes à l’université où le suivit son jeune élève, encore nommé Déode. Installée dans le cloître de la cathédrale, la maison de Wolmar accueillait des élèves venus de loin pour s’initier au grec et au latin et préparer leur droit. Tandis que Jean Calvin, de dix ans son aîné, perfectionnait son grec et commençait à prêcher, Déode s’essayait à la poésie chère à son maître : les chants d’Homère et la poésie latine, alors très en vogue.
C’est dans ce climat favorable aux lettres et aux idées neuves qu’il signa ses premiers poèmes du nom de « Theodorus » (« don de Dieu »). Ce choix n’est-il pas révélateur du plus grand bienfait qu’il considère avoir reçu de son père spirituel, celui de l’avoir imprégné de la vraie piété tirée de la Parole de Dieu comme de la source la plus pure ?


Le second portrait connu de Théodore de Bèze (1519-1605) se présente en ouverture de la première édition de ses poèmes à Paris en juillet 1548. Cette gravure disparaîtra des éditions ultérieures, le réformateur ayant renoncé aux lauriers de la gloire littéraire. En effet, dès le mois d’octobre suivant, après une grave maladie, expliqua-t-il, il s’exila à Genève en compagnie de sa fiancée et de son imprimeur.
Portrait de Théodore de Bèze en ouverture de son recueil Poemata, Paris, C. Badius, 1548 © BnF (Photo : ACB)


Allemand et luthérien, c’est en précepteur expérimenté que Melchior Wolmar de Rottweil (1497-1560) tenait pension à Bourges, sous la protection de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier. En 1534, les persécutions contre les protestants le poussèrent à regagner l’Allemagne, au désespoir de Théodore, qui a dû renoncer à le suivre.
Portrait de Melchior Wolmar, dans Théodore de Bèze, Icones, Genève, 1580, f. X i v° © Bibliothèque de Genève / e-rara


Melchior Wolmar édite et préface un manuel de grammaire grecque de Démétrios Chaldondyle contenant les règles de base de cette langue, utilisé par les élèves hellénisants. Le jeune Théodore de Bèze maîtrisait bientôt mieux le grec que le latin.
Demetrii Chalcondylae grammaticae institutiones graecae, Paris, G. de Gourmont, 1525 © BnF (Photo : ACB)


Wolmar tenait la pension d’abord à Orléans et ensuite à Bourges, ville qui fleurit à la Renaissance sous la protection de Marguerite de Navarre, duchesse du Berry, qui fit y venir non seulement le cher maître de Théodore de Bèze, mais aussi d’autres érudits européens comme André Alciat ou Jacques Cujas, deux grands juristes.
Georg Braun, Simon Novellanus, Franz Hogenberg, De Praecipuis, Totius Universi Urbibus, Liber Secundus, Cologne, s.i., 1575, carte 10 © Bayerische Staatsbibliothek


Dans un autre manuel de grammaire grecque très populaire à l'époque, les Erotemata de Manuel Chrysoloras rédigées sous forme de questions, une gravure représentant la sirène est entourée de la sentence en grec : Sirène au beau visage, ne nuit pas à ceux qui naviguent dans nos pages, mais éveille-les. Sans entraves, sans rature sur la cire, traverse bravement les eaux de la sagesse. Elle illustre bien l'idéal de vertu et de sagesse antiques dans lequel le jeune Bèze fut élevé.
Erotemata Guarini, cum multis additamentis emendatiora quam unquam prodierint, Venise, P. Ravani (héritiers), 1543 © BnF (Photo : ACB)


L'image de la « vraie » Religion apparaît dans la Confession de foi de Théodore de Bèze, suivie d'une série de questions et de réponses : – Pourquoi portes-tu des vêtements déchirés ? – Je méprise les richesses caduques. Le dialogue reprend dans les termes le poème sur La vertu publié dans ses Poemata douze ans plus tôt. À la question – Pourquoi la mort sous tes pieds ?, la vertu répond : – Parce que je suis la mort de la mort. En lui apprenant le grec, la langue du Nouveau Testament, et l'idéal de la vertu antique, Wolmar n'inspira-t-il pas à Théodore également la piété reformée ?
« Religionis non papisticae sed vere Evangelicae pictura, per Theodorum Bezam Vezlium expressa », dans Théodore de Bèze, Confessio christianae fidei, Genève, E. Vignon, 1577 © Bibliothèque de Genève / e-rara
