Chapitre I
L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER
NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS
DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT
BIBLIOTHÈQUE SONORE

Les arts libéraux

Les arts libéraux sont, depuis l’Antiquité, les sept disciplines fondamentales dont la connaissance était indispensable à l’éducation d’un homme libre. L’expression d’ « arts libéraux » s’oppose à celle d’ « arts mécaniques », c’est-à-dire aux disciplines liées au travail manuel (par opposition au travail de l’esprit), aux actions soumises à une certaine forme d’habitude.
Les arts libéraux étaient divisés en deux cycles. Le premier, le trivium (« les trois chemins »), comprenant la grammaire, la rhétorique et la dialectique (art de l'argumentation), est consacré à découvrir le pouvoir de la langue et perfectionner l'expression. Le second, le quadrivium (« les quatre chemins »), regroupant les quatre branches scientifiques, à savoir l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, est basé sur la connaissance des nombres. Alors que les petites écoles enseignaient les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul, ce sont les collèges qui étaient chargés d’apprendre aux élèves les disciplines du trivium et du quadrivium. Les arts libéraux n'étaient pas enseignés simultanément, mais un par un, pour bâtir successivement le temple de la sagesse. Les élèves consacraient une année, voire plus, par chaque discipline.
À la Renaissance, les arts libéraux restent les piliers de l’éducation humaniste, mais les pédagogues transforment leur enseignement, en insistant sur certaines de ces disciplines (la grammaire, la rhétorique) et en en incluant d’autres aux programmes, telles que les lettres classiques, ou encore l’histoire ou la philosophie morale. Dans le Pantagruel de Rabelais, Gargantua conseille à Pantagruel d’apprendre les arts libéraux, mais aussi les langues, le droit, la médecine et les sciences naturelles, sans oublier de s’entraîner physiquement et de continuer à bien prier et servir Dieu.
À quoi ressemblent les arts libéraux ?
La représentation des sept arts libéraux est un thème fréquent de l’art du Moyen Âge et de la Renaissance. Les artistes prennent pour source un ouvrage allégorique (qui représente des concepts abstraits sous une forme concrète) rédigé au début du Ve siècle par Martianus Capella, intitulé Les Noces de Philologie et de Mercure. Mercure, dieu des sciences décide de prendre pour femme Philologie, une mortelle studieuse, d’une curiosité inlassable. Il lui offre sept arts libéraux comme demoiselles d’honneur. Chacun des arts est décrit sous les traits d’une jeune fille enseignant sa discipline à un jeune garçon. Cela explique le choix des artistes de peindre ou sculpter les allégories des arts libéraux sous la forme d’une jeune femme.
Cela explique aussi la présence d’enfants aux côtés des allégories des arts libéraux dans l’art de la Renaissance, et notamment aux côtés de la Grammaire. Il s’agit de celui, parmi les sept arts libéraux, à être le plus souvent figuré avec un ou plusieurs enfants . C'est la première des disciplines, celle qui apprend à parler correctement (en pratique, à perfectionner son latin). Qu’elle soit représentée comme une jeune femme ou parfois comme une maîtresse d’école, la Grammaire tient le plus souvent un livre et apprend à lire à des enfants, presque exclusivement à des petits garçons, signe que l’accès à l’enseignement était moins facile pour les petites filles.


Dans cette fresque de la chapelle des Espagnols dans l’église Santa Maria Novella de Florence, le peintre Andrea di Buonaiuto représente, assises côte à côte sur des cathédrales ouvragées, les allégories des sept arts libéraux avec, pour chacune à leurs pieds, un illustre représentant de cet art.
Andrea di Buonaiuto, Les sept arts libéraux (détail du Triomphe de saint Thomas d'Aquin), c. 1365-1367 (Photo: FL)


Dans la salle des Arts Libéraux et des Planètes appelée aussi « Camera Rosarum » du Palais Trinci à Foligno, furent peintes par Gentile da Fabriano et son atelier, des fresques représentant les sept arts libéraux. Cette fresque présente l’allégorie de la Grammaire. Elle tient sur ses genoux un ouvrage ouvert en direction du jeune garçon. Sur la page de gauche est inscrit l'alphabet ainsi que les premiers mots de l'Ave Maria. Sur celle de droite le début du Psaume 109. La Grammaire incarne la première matière à être enseignée aux enfants.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de la Rhétorique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette peinture fait partie d’une série de sept panneaux (la plupart aujourd’hui perdus) ayant représentés les allégories des arts libéraux. Ils furent commandés par Fréderic de Montefeltre, duc d’Urbino, peut-être pour la bibliothèque de son château de Castel Durante. Le jeune garçon représenté à genoux devant l’allégorie de la rhétorique pourrait être le fils de Fréderic, Guidobaldo de Montefeltre. L’allégorie pointe un passage d’un livre ouvert.
Juste de Gand et atelier, Allégorie de la Rhétorique, vers 1470 © National Gallery, Londres


L’Arithmétique est représentée en train d’apprendre à compter et à calculer à un jeune garçon, en bougeant rapidement les doigts des deux mains. L’élève répète en miroir et sans ciller les mêmes mouvements. Il s’agit d’une technique classique permettant de compter sur ses doigts. Le geste de l’Arithmétique n’est donc pas représenté au hasard. De la main droite, elle figure le nombre 1000, avec l’index courbé sur le pouce et les autres doigts tendus. De la main gauche elle semble faire le signe du nombre 5000, le pouce replié sur la paume et les quatre autres doigts tendus.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de l’Arithmétique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette gravure provient d’une série consacrée aux Arts Libéraux publiée en France dans les années 1630 par Pierre Ier Mariette, premier d’une longue et célèbre lignée de graveurs et éditeurs d’estampes français. Les allégories sont représentées par les femmes, exhibant chacune une feuille présentant l’exercice demandé par l’art libéral qu’elles incarnent. L’arithmétique est représentée par un exercice de multiplication par deux (100 – 200 – 400 – 800).
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), L’Arithmétique, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


L’arithmétique est ici représentée sous les traits d’une jeune femme tenant dans la main un livre et une feuille de calcul. Sur la couverture de l’ouvrage est inscrit le nom de Pythagore, mathématicien grec connu notamment pour son célèbre théorème. La feuille par-dessus est noircie des principales opérations à la base de la pensée mathématique, les additions, soustractions et multiplications.
Laurent de la Hyre, Allégorie de l’Arithmétique, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Cette gravure par Johann Sadeler I fait partie d’une série de sept représentant les arts libéraux. Il s’agit de l’allégorie de la Grammaire qui suit la représentation traditionnelle, à savoir une femme, ici d’un âge avancé, apprenant à lire à un jeune garçon. Remarquons qu’elle tient dans la main une verge de bois, symbole de son autorité et de sa capacité à punir son élève s’il ne s’applique pas correctement à cette matière fondamentale dans l’éducation renaissante.
Maerten de Vos (dessinateur) et Johann Sadeler I (graveur), Allégorie de la Grammaire, vers 1570 -1600 © Metropolitan Museum, New York


La Grammaire est, elle, représentée à travers un livre ouvert sur les pages duquel sont inscrites les lettres de l’alphabet. Notons que le poème rédigé sous l’image rappelle la place première de la grammaire parmi les arts libéraux : « Je suis de tous les arts la base et le degré »
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), La Grammaire, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


Cette représentation de la Grammaire diffère de celles déjà aperçues, notamment dans les gravures ou peintures des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Toujours sous les traits d’une jeune femme, la grammaire est peinte en train d’arroser des fleurs, démontrant métaphoriquement à quel point la grammaire et l’écriture sans faute sont importantes pour faire pousser et fleurir les idées. Sur son bras elle porte un phylactère, long morceau de papier sur lequel est inscrit la définition de la grammaire en latin : Vox litterata et articulata debito modo pronunciata (« Une langue élégante et bien articulée, et prononcée de la manière qui convient »).
Laurent de la Hyre, Allégorie de la Grammaire, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Allégorie de la Grammaire. Ce panneau sculpté en bas-relief par Luca della Robbia provient du campanile de Florence. Il représente Priscien de Césarée, grammairien latin du VIe siècle, mais à travers ce personnage historique il s’agit d’une allégorie de la Grammaire, présentée sous les traits d’un professeur devant un pupitre, dans une salle de classe, apprenant à lire à ses élèves.
Luca della Robbia, Prisciano ou la grammaire, vers 1437-1439 © Florence, musée de l’œuvre du Dôme

Les arts libéraux

Les arts libéraux sont, depuis l’Antiquité, les sept disciplines fondamentales dont la connaissance était indispensable à l’éducation d’un homme libre. L’expression d’ « arts libéraux » s’oppose à celle d’ « arts mécaniques », c’est-à-dire aux disciplines liées au travail manuel (par opposition au travail de l’esprit), aux actions soumises à une certaine forme d’habitude.
Les arts libéraux étaient divisés en deux cycles. Le premier, le trivium (« les trois chemins »), comprenant la grammaire, la rhétorique et la dialectique (art de l'argumentation), est consacré à découvrir le pouvoir de la langue et perfectionner l'expression. Le second, le quadrivium (« les quatre chemins »), regroupant les quatre branches scientifiques, à savoir l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, est basé sur la connaissance des nombres. Alors que les petites écoles enseignaient les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul, ce sont les collèges qui étaient chargés d’apprendre aux élèves les disciplines du trivium et du quadrivium. Les arts libéraux n'étaient pas enseignés simultanément, mais un par un, pour bâtir successivement le temple de la sagesse. Les élèves consacraient une année, voire plus, par chaque discipline.
À la Renaissance, les arts libéraux restent les piliers de l’éducation humaniste, mais les pédagogues transforment leur enseignement, en insistant sur certaines de ces disciplines (la grammaire, la rhétorique) et en en incluant d’autres aux programmes, telles que les lettres classiques, ou encore l’histoire ou la philosophie morale. Dans le Pantagruel de Rabelais, Gargantua conseille à Pantagruel d’apprendre les arts libéraux, mais aussi les langues, le droit, la médecine et les sciences naturelles, sans oublier de s’entraîner physiquement et de continuer à bien prier et servir Dieu.
À quoi ressemblent les arts libéraux ?
La représentation des sept arts libéraux est un thème fréquent de l’art du Moyen Âge et de la Renaissance. Les artistes prennent pour source un ouvrage allégorique (qui représente des concepts abstraits sous une forme concrète) rédigé au début du Ve siècle par Martianus Capella, intitulé Les Noces de Philologie et de Mercure. Mercure, dieu des sciences décide de prendre pour femme Philologie, une mortelle studieuse, d’une curiosité inlassable. Il lui offre sept arts libéraux comme demoiselles d’honneur. Chacun des arts est décrit sous les traits d’une jeune fille enseignant sa discipline à un jeune garçon. Cela explique le choix des artistes de peindre ou sculpter les allégories des arts libéraux sous la forme d’une jeune femme.
Cela explique aussi la présence d’enfants aux côtés des allégories des arts libéraux dans l’art de la Renaissance, et notamment aux côtés de la Grammaire. Il s’agit de celui, parmi les sept arts libéraux, à être le plus souvent figuré avec un ou plusieurs enfants . C'est la première des disciplines, celle qui apprend à parler correctement (en pratique, à perfectionner son latin). Qu’elle soit représentée comme une jeune femme ou parfois comme une maîtresse d’école, la Grammaire tient le plus souvent un livre et apprend à lire à des enfants, presque exclusivement à des petits garçons, signe que l’accès à l’enseignement était moins facile pour les petites filles.


Dans cette fresque de la chapelle des Espagnols dans l’église Santa Maria Novella de Florence, le peintre Andrea di Buonaiuto représente, assises côte à côte sur des cathédrales ouvragées, les allégories des sept arts libéraux avec, pour chacune à leurs pieds, un illustre représentant de cet art.
Andrea di Buonaiuto, Les sept arts libéraux (détail du Triomphe de saint Thomas d'Aquin), c. 1365-1367 (Photo: FL)


Dans la salle des Arts Libéraux et des Planètes appelée aussi « Camera Rosarum » du Palais Trinci à Foligno, furent peintes par Gentile da Fabriano et son atelier, des fresques représentant les sept arts libéraux. Cette fresque présente l’allégorie de la Grammaire. Elle tient sur ses genoux un ouvrage ouvert en direction du jeune garçon. Sur la page de gauche est inscrit l'alphabet ainsi que les premiers mots de l'Ave Maria. Sur celle de droite le début du Psaume 109. La Grammaire incarne la première matière à être enseignée aux enfants.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de la Rhétorique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette peinture fait partie d’une série de sept panneaux (la plupart aujourd’hui perdus) ayant représentés les allégories des arts libéraux. Ils furent commandés par Fréderic de Montefeltre, duc d’Urbino, peut-être pour la bibliothèque de son château de Castel Durante. Le jeune garçon représenté à genoux devant l’allégorie de la rhétorique pourrait être le fils de Fréderic, Guidobaldo de Montefeltre. L’allégorie pointe un passage d’un livre ouvert.
Juste de Gand et atelier, Allégorie de la Rhétorique, vers 1470 © National Gallery, Londres


L’Arithmétique est représentée en train d’apprendre à compter et à calculer à un jeune garçon, en bougeant rapidement les doigts des deux mains. L’élève répète en miroir et sans ciller les mêmes mouvements. Il s’agit d’une technique classique permettant de compter sur ses doigts. Le geste de l’Arithmétique n’est donc pas représenté au hasard. De la main droite, elle figure le nombre 1000, avec l’index courbé sur le pouce et les autres doigts tendus. De la main gauche elle semble faire le signe du nombre 5000, le pouce replié sur la paume et les quatre autres doigts tendus.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de l’Arithmétique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette gravure provient d’une série consacrée aux Arts Libéraux publiée en France dans les années 1630 par Pierre Ier Mariette, premier d’une longue et célèbre lignée de graveurs et éditeurs d’estampes français. Les allégories sont représentées par les femmes, exhibant chacune une feuille présentant l’exercice demandé par l’art libéral qu’elles incarnent. L’arithmétique est représentée par un exercice de multiplication par deux (100 – 200 – 400 – 800).
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), L’Arithmétique, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


L’arithmétique est ici représentée sous les traits d’une jeune femme tenant dans la main un livre et une feuille de calcul. Sur la couverture de l’ouvrage est inscrit le nom de Pythagore, mathématicien grec connu notamment pour son célèbre théorème. La feuille par-dessus est noircie des principales opérations à la base de la pensée mathématique, les additions, soustractions et multiplications.
Laurent de la Hyre, Allégorie de l’Arithmétique, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Cette gravure par Johann Sadeler I fait partie d’une série de sept représentant les arts libéraux. Il s’agit de l’allégorie de la Grammaire qui suit la représentation traditionnelle, à savoir une femme, ici d’un âge avancé, apprenant à lire à un jeune garçon. Remarquons qu’elle tient dans la main une verge de bois, symbole de son autorité et de sa capacité à punir son élève s’il ne s’applique pas correctement à cette matière fondamentale dans l’éducation renaissante.
Maerten de Vos (dessinateur) et Johann Sadeler I (graveur), Allégorie de la Grammaire, vers 1570 -1600 © Metropolitan Museum, New York


La Grammaire est, elle, représentée à travers un livre ouvert sur les pages duquel sont inscrites les lettres de l’alphabet. Notons que le poème rédigé sous l’image rappelle la place première de la grammaire parmi les arts libéraux : « Je suis de tous les arts la base et le degré »
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), La Grammaire, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


Cette représentation de la Grammaire diffère de celles déjà aperçues, notamment dans les gravures ou peintures des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Toujours sous les traits d’une jeune femme, la grammaire est peinte en train d’arroser des fleurs, démontrant métaphoriquement à quel point la grammaire et l’écriture sans faute sont importantes pour faire pousser et fleurir les idées. Sur son bras elle porte un phylactère, long morceau de papier sur lequel est inscrit la définition de la grammaire en latin : Vox litterata et articulata debito modo pronunciata (« Une langue élégante et bien articulée, et prononcée de la manière qui convient »).
Laurent de la Hyre, Allégorie de la Grammaire, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Allégorie de la Grammaire. Ce panneau sculpté en bas-relief par Luca della Robbia provient du campanile de Florence. Il représente Priscien de Césarée, grammairien latin du VIe siècle, mais à travers ce personnage historique il s’agit d’une allégorie de la Grammaire, présentée sous les traits d’un professeur devant un pupitre, dans une salle de classe, apprenant à lire à ses élèves.
Luca della Robbia, Prisciano ou la grammaire, vers 1437-1439 © Florence, musée de l’œuvre du Dôme

Les arts libéraux

Les arts libéraux sont, depuis l’Antiquité, les sept disciplines fondamentales dont la connaissance était indispensable à l’éducation d’un homme libre. L’expression d’ « arts libéraux » s’oppose à celle d’ « arts mécaniques », c’est-à-dire aux disciplines liées au travail manuel (par opposition au travail de l’esprit), aux actions soumises à une certaine forme d’habitude.
Les arts libéraux étaient divisés en deux cycles. Le premier, le trivium (« les trois chemins »), comprenant la grammaire, la rhétorique et la dialectique (art de l'argumentation), est consacré à découvrir le pouvoir de la langue et perfectionner l'expression. Le second, le quadrivium (« les quatre chemins »), regroupant les quatre branches scientifiques, à savoir l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, est basé sur la connaissance des nombres. Alors que les petites écoles enseignaient les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul, ce sont les collèges qui étaient chargés d’apprendre aux élèves les disciplines du trivium et du quadrivium. Les arts libéraux n'étaient pas enseignés simultanément, mais un par un, pour bâtir successivement le temple de la sagesse. Les élèves consacraient une année, voire plus, par chaque discipline.
À la Renaissance, les arts libéraux restent les piliers de l’éducation humaniste, mais les pédagogues transforment leur enseignement, en insistant sur certaines de ces disciplines (la grammaire, la rhétorique) et en en incluant d’autres aux programmes, telles que les lettres classiques, ou encore l’histoire ou la philosophie morale. Dans le Pantagruel de Rabelais, Gargantua conseille à Pantagruel d’apprendre les arts libéraux, mais aussi les langues, le droit, la médecine et les sciences naturelles, sans oublier de s’entraîner physiquement et de continuer à bien prier et servir Dieu.
À quoi ressemblent les arts libéraux ?
La représentation des sept arts libéraux est un thème fréquent de l’art du Moyen Âge et de la Renaissance. Les artistes prennent pour source un ouvrage allégorique (qui représente des concepts abstraits sous une forme concrète) rédigé au début du Ve siècle par Martianus Capella, intitulé Les Noces de Philologie et de Mercure. Mercure, dieu des sciences décide de prendre pour femme Philologie, une mortelle studieuse, d’une curiosité inlassable. Il lui offre sept arts libéraux comme demoiselles d’honneur. Chacun des arts est décrit sous les traits d’une jeune fille enseignant sa discipline à un jeune garçon. Cela explique le choix des artistes de peindre ou sculpter les allégories des arts libéraux sous la forme d’une jeune femme.
Cela explique aussi la présence d’enfants aux côtés des allégories des arts libéraux dans l’art de la Renaissance, et notamment aux côtés de la Grammaire. Il s’agit de celui, parmi les sept arts libéraux, à être le plus souvent figuré avec un ou plusieurs enfants . C'est la première des disciplines, celle qui apprend à parler correctement (en pratique, à perfectionner son latin). Qu’elle soit représentée comme une jeune femme ou parfois comme une maîtresse d’école, la Grammaire tient le plus souvent un livre et apprend à lire à des enfants, presque exclusivement à des petits garçons, signe que l’accès à l’enseignement était moins facile pour les petites filles.


Dans cette fresque de la chapelle des Espagnols dans l’église Santa Maria Novella de Florence, le peintre Andrea di Buonaiuto représente, assises côte à côte sur des cathédrales ouvragées, les allégories des sept arts libéraux avec, pour chacune à leurs pieds, un illustre représentant de cet art.
Andrea di Buonaiuto, Les sept arts libéraux (détail du Triomphe de saint Thomas d'Aquin), c. 1365-1367 (Photo: FL)


Dans la salle des Arts Libéraux et des Planètes appelée aussi « Camera Rosarum » du Palais Trinci à Foligno, furent peintes par Gentile da Fabriano et son atelier, des fresques représentant les sept arts libéraux. Cette fresque présente l’allégorie de la Grammaire. Elle tient sur ses genoux un ouvrage ouvert en direction du jeune garçon. Sur la page de gauche est inscrit l'alphabet ainsi que les premiers mots de l'Ave Maria. Sur celle de droite le début du Psaume 109. La Grammaire incarne la première matière à être enseignée aux enfants.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de la Rhétorique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette peinture fait partie d’une série de sept panneaux (la plupart aujourd’hui perdus) ayant représentés les allégories des arts libéraux. Ils furent commandés par Fréderic de Montefeltre, duc d’Urbino, peut-être pour la bibliothèque de son château de Castel Durante. Le jeune garçon représenté à genoux devant l’allégorie de la rhétorique pourrait être le fils de Fréderic, Guidobaldo de Montefeltre. L’allégorie pointe un passage d’un livre ouvert.
Juste de Gand et atelier, Allégorie de la Rhétorique, vers 1470 © National Gallery, Londres


L’Arithmétique est représentée en train d’apprendre à compter et à calculer à un jeune garçon, en bougeant rapidement les doigts des deux mains. L’élève répète en miroir et sans ciller les mêmes mouvements. Il s’agit d’une technique classique permettant de compter sur ses doigts. Le geste de l’Arithmétique n’est donc pas représenté au hasard. De la main droite, elle figure le nombre 1000, avec l’index courbé sur le pouce et les autres doigts tendus. De la main gauche elle semble faire le signe du nombre 5000, le pouce replié sur la paume et les quatre autres doigts tendus.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de l’Arithmétique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette gravure provient d’une série consacrée aux Arts Libéraux publiée en France dans les années 1630 par Pierre Ier Mariette, premier d’une longue et célèbre lignée de graveurs et éditeurs d’estampes français. Les allégories sont représentées par les femmes, exhibant chacune une feuille présentant l’exercice demandé par l’art libéral qu’elles incarnent. L’arithmétique est représentée par un exercice de multiplication par deux (100 – 200 – 400 – 800).
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), L’Arithmétique, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


L’arithmétique est ici représentée sous les traits d’une jeune femme tenant dans la main un livre et une feuille de calcul. Sur la couverture de l’ouvrage est inscrit le nom de Pythagore, mathématicien grec connu notamment pour son célèbre théorème. La feuille par-dessus est noircie des principales opérations à la base de la pensée mathématique, les additions, soustractions et multiplications.
Laurent de la Hyre, Allégorie de l’Arithmétique, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Cette gravure par Johann Sadeler I fait partie d’une série de sept représentant les arts libéraux. Il s’agit de l’allégorie de la Grammaire qui suit la représentation traditionnelle, à savoir une femme, ici d’un âge avancé, apprenant à lire à un jeune garçon. Remarquons qu’elle tient dans la main une verge de bois, symbole de son autorité et de sa capacité à punir son élève s’il ne s’applique pas correctement à cette matière fondamentale dans l’éducation renaissante.
Maerten de Vos (dessinateur) et Johann Sadeler I (graveur), Allégorie de la Grammaire, vers 1570 -1600 © Metropolitan Museum, New York


La Grammaire est, elle, représentée à travers un livre ouvert sur les pages duquel sont inscrites les lettres de l’alphabet. Notons que le poème rédigé sous l’image rappelle la place première de la grammaire parmi les arts libéraux : « Je suis de tous les arts la base et le degré »
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), La Grammaire, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


Cette représentation de la Grammaire diffère de celles déjà aperçues, notamment dans les gravures ou peintures des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Toujours sous les traits d’une jeune femme, la grammaire est peinte en train d’arroser des fleurs, démontrant métaphoriquement à quel point la grammaire et l’écriture sans faute sont importantes pour faire pousser et fleurir les idées. Sur son bras elle porte un phylactère, long morceau de papier sur lequel est inscrit la définition de la grammaire en latin : Vox litterata et articulata debito modo pronunciata (« Une langue élégante et bien articulée, et prononcée de la manière qui convient »).
Laurent de la Hyre, Allégorie de la Grammaire, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Allégorie de la Grammaire. Ce panneau sculpté en bas-relief par Luca della Robbia provient du campanile de Florence. Il représente Priscien de Césarée, grammairien latin du VIe siècle, mais à travers ce personnage historique il s’agit d’une allégorie de la Grammaire, présentée sous les traits d’un professeur devant un pupitre, dans une salle de classe, apprenant à lire à ses élèves.
Luca della Robbia, Prisciano ou la grammaire, vers 1437-1439 © Florence, musée de l’œuvre du Dôme


Les arts libéraux

Les arts libéraux sont, depuis l’Antiquité, les sept disciplines fondamentales dont la connaissance était indispensable à l’éducation d’un homme libre. L’expression d’ « arts libéraux » s’oppose à celle d’ « arts mécaniques », c’est-à-dire aux disciplines liées au travail manuel (par opposition au travail de l’esprit), aux actions soumises à une certaine forme d’habitude.
Les arts libéraux étaient divisés en deux cycles. Le premier, le trivium (« les trois chemins »), comprenant la grammaire, la rhétorique et la dialectique (art de l'argumentation), est consacré à découvrir le pouvoir de la langue et perfectionner l'expression. Le second, le quadrivium (« les quatre chemins »), regroupant les quatre branches scientifiques, à savoir l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, est basé sur la connaissance des nombres. Alors que les petites écoles enseignaient les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul, ce sont les collèges qui étaient chargés d’apprendre aux élèves les disciplines du trivium et du quadrivium. Les arts libéraux n'étaient pas enseignés simultanément, mais un par un, pour bâtir successivement le temple de la sagesse. Les élèves consacraient une année, voire plus, par chaque discipline.
À la Renaissance, les arts libéraux restent les piliers de l’éducation humaniste, mais les pédagogues transforment leur enseignement, en insistant sur certaines de ces disciplines (la grammaire, la rhétorique) et en en incluant d’autres aux programmes, telles que les lettres classiques, ou encore l’histoire ou la philosophie morale. Dans le Pantagruel de Rabelais, Gargantua conseille à Pantagruel d’apprendre les arts libéraux, mais aussi les langues, le droit, la médecine et les sciences naturelles, sans oublier de s’entraîner physiquement et de continuer à bien prier et servir Dieu.
À quoi ressemblent les arts libéraux ?
La représentation des sept arts libéraux est un thème fréquent de l’art du Moyen Âge et de la Renaissance. Les artistes prennent pour source un ouvrage allégorique (qui représente des concepts abstraits sous une forme concrète) rédigé au début du Ve siècle par Martianus Capella, intitulé Les Noces de Philologie et de Mercure. Mercure, dieu des sciences décide de prendre pour femme Philologie, une mortelle studieuse, d’une curiosité inlassable. Il lui offre sept arts libéraux comme demoiselles d’honneur. Chacun des arts est décrit sous les traits d’une jeune fille enseignant sa discipline à un jeune garçon. Cela explique le choix des artistes de peindre ou sculpter les allégories des arts libéraux sous la forme d’une jeune femme.
Cela explique aussi la présence d’enfants aux côtés des allégories des arts libéraux dans l’art de la Renaissance, et notamment aux côtés de la Grammaire. Il s’agit de celui, parmi les sept arts libéraux, à être le plus souvent figuré avec un ou plusieurs enfants . C'est la première des disciplines, celle qui apprend à parler correctement (en pratique, à perfectionner son latin). Qu’elle soit représentée comme une jeune femme ou parfois comme une maîtresse d’école, la Grammaire tient le plus souvent un livre et apprend à lire à des enfants, presque exclusivement à des petits garçons, signe que l’accès à l’enseignement était moins facile pour les petites filles.


Dans cette fresque de la chapelle des Espagnols dans l’église Santa Maria Novella de Florence, le peintre Andrea di Buonaiuto représente, assises côte à côte sur des cathédrales ouvragées, les allégories des sept arts libéraux avec, pour chacune à leurs pieds, un illustre représentant de cet art.
Andrea di Buonaiuto, Les sept arts libéraux (détail du Triomphe de saint Thomas d'Aquin), c. 1365-1367 (Photo: FL)


Dans la salle des Arts Libéraux et des Planètes appelée aussi « Camera Rosarum » du Palais Trinci à Foligno, furent peintes par Gentile da Fabriano et son atelier, des fresques représentant les sept arts libéraux. Cette fresque présente l’allégorie de la Grammaire. Elle tient sur ses genoux un ouvrage ouvert en direction du jeune garçon. Sur la page de gauche est inscrit l'alphabet ainsi que les premiers mots de l'Ave Maria. Sur celle de droite le début du Psaume 109. La Grammaire incarne la première matière à être enseignée aux enfants.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de la Rhétorique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette peinture fait partie d’une série de sept panneaux (la plupart aujourd’hui perdus) ayant représentés les allégories des arts libéraux. Ils furent commandés par Fréderic de Montefeltre, duc d’Urbino, peut-être pour la bibliothèque de son château de Castel Durante. Le jeune garçon représenté à genoux devant l’allégorie de la rhétorique pourrait être le fils de Fréderic, Guidobaldo de Montefeltre. L’allégorie pointe un passage d’un livre ouvert.
Juste de Gand et atelier, Allégorie de la Rhétorique, vers 1470 © National Gallery, Londres


L’Arithmétique est représentée en train d’apprendre à compter et à calculer à un jeune garçon, en bougeant rapidement les doigts des deux mains. L’élève répète en miroir et sans ciller les mêmes mouvements. Il s’agit d’une technique classique permettant de compter sur ses doigts. Le geste de l’Arithmétique n’est donc pas représenté au hasard. De la main droite, elle figure le nombre 1000, avec l’index courbé sur le pouce et les autres doigts tendus. De la main gauche elle semble faire le signe du nombre 5000, le pouce replié sur la paume et les quatre autres doigts tendus.
Gentile da Fabriano (et atelier), Allégorie de l’Arithmétique, vers 1412 © Foligno, Palais Trinci (Photo : FL)


Cette gravure provient d’une série consacrée aux Arts Libéraux publiée en France dans les années 1630 par Pierre Ier Mariette, premier d’une longue et célèbre lignée de graveurs et éditeurs d’estampes français. Les allégories sont représentées par les femmes, exhibant chacune une feuille présentant l’exercice demandé par l’art libéral qu’elles incarnent. L’arithmétique est représentée par un exercice de multiplication par deux (100 – 200 – 400 – 800).
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), L’Arithmétique, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


L’arithmétique est ici représentée sous les traits d’une jeune femme tenant dans la main un livre et une feuille de calcul. Sur la couverture de l’ouvrage est inscrit le nom de Pythagore, mathématicien grec connu notamment pour son célèbre théorème. La feuille par-dessus est noircie des principales opérations à la base de la pensée mathématique, les additions, soustractions et multiplications.
Laurent de la Hyre, Allégorie de l’Arithmétique, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Cette gravure par Johann Sadeler I fait partie d’une série de sept représentant les arts libéraux. Il s’agit de l’allégorie de la Grammaire qui suit la représentation traditionnelle, à savoir une femme, ici d’un âge avancé, apprenant à lire à un jeune garçon. Remarquons qu’elle tient dans la main une verge de bois, symbole de son autorité et de sa capacité à punir son élève s’il ne s’applique pas correctement à cette matière fondamentale dans l’éducation renaissante.
Maerten de Vos (dessinateur) et Johann Sadeler I (graveur), Allégorie de la Grammaire, vers 1570 -1600 © Metropolitan Museum, New York


La Grammaire est, elle, représentée à travers un livre ouvert sur les pages duquel sont inscrites les lettres de l’alphabet. Notons que le poème rédigé sous l’image rappelle la place première de la grammaire parmi les arts libéraux : « Je suis de tous les arts la base et le degré »
Grégoire Huret (dessinateur) et Gilles Rousselet (graveur), La Grammaire, vers 1633-1635 © Metropolitan Museum, New York


Cette représentation de la Grammaire diffère de celles déjà aperçues, notamment dans les gravures ou peintures des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Toujours sous les traits d’une jeune femme, la grammaire est peinte en train d’arroser des fleurs, démontrant métaphoriquement à quel point la grammaire et l’écriture sans faute sont importantes pour faire pousser et fleurir les idées. Sur son bras elle porte un phylactère, long morceau de papier sur lequel est inscrit la définition de la grammaire en latin : Vox litterata et articulata debito modo pronunciata (« Une langue élégante et bien articulée, et prononcée de la manière qui convient »).
Laurent de la Hyre, Allégorie de la Grammaire, 1650 © Walter Arts Museum, Baltimore


Allégorie de la Grammaire. Ce panneau sculpté en bas-relief par Luca della Robbia provient du campanile de Florence. Il représente Priscien de Césarée, grammairien latin du VIe siècle, mais à travers ce personnage historique il s’agit d’une allégorie de la Grammaire, présentée sous les traits d’un professeur devant un pupitre, dans une salle de classe, apprenant à lire à ses élèves.
Luca della Robbia, Prisciano ou la grammaire, vers 1437-1439 © Florence, musée de l’œuvre du Dôme
