Chapitre III
L’ENFANT, UN ÊTRE À FORMER
NOUVEAUX LIEUX, NOUVELLES INSTITUTIONS
DES RÉGENTS ET D’ANCIENS ÉLÈVES TÉMOIGNENT
BIBLIOTHÈQUE SONORE

Pierre de la Ramée, un professeur controversé

Ramus prend la direction du collège de Presles à Paris en 1545. Il est nommé par Henri II en 1551 « lecteur royal d’éloquence et de philosophie », c’est-à-dire professeur au Collège royal (futur Collège de France). Ce n’est pas sans obstacle qu’il est parvenu à ce haut degré d’honneur.
Pierre naît vers 1515 dans une famille de laboureurs du Vermandois près de Saint-Quentin. Son milieu modeste ne le prédestinait pas à faire des études poussées et à devenir célèbre en créant une nouvelle branche philosophique appelée « ramisme ». Poussé par le désir d’apprendre, il s’enfuit à Paris. Dès l’âge de onze ans, il fréquente le collège de Navarre, en devenant le domestique d’un étudiant riche. Dix ans plus tard, il soutient sa maîtrise pour obtenir un grade lui permettant d’enseigner les arts libéraux. On peut imaginer à quel point les juges furent bouleversés quand le candidat affirme que tout ce qu’a dit Aristote, le philosophe le plus vénéré à l’époque, est faux !
Ce n’est donc pas la prudence ou la pondération qui le caractérisent. Apprécié davantage par ses disciples que par certains collègues aristotéliciens qu’il contredit, Ramus enseigne tout à la fois la philosophie, la rhétorique et les mathématiques. Il est préoccupé par l’utilité de l’enseignement et la clarté, et fait une chasse impitoyable aux vieilles méthodes qu’il a lui-même subies. C’est une perte de temps d’apprendre les arts libéraux en disputant du pour et du contre, comme si les questions philosophiques étaient une balle que l’on donne aux enfants pour qu’ils jouent avec elle en se la lançant. Un vrai philosophe aime la vérité, et non un seul et unique maître, à savoir Aristote.
Par ailleurs, les philosophes méprisent généralement l’éloquence, car ils sont attachés à leurs certitudes et pensent pouvoir se passer, pour leurs démonstrations, de l’art du discours. Professeur novateur, Ramus est d’avis qu’il faut enseigner les deux disciplines conjointement, la philosophie le matin et les préceptes de la rhétorique l’après-midi. Au collège de Presles, Ramus lit en parallèle les orateurs, les poètes et les philosophes anciens, car il est utile de bien dire et de bien faire.
Son goût de la nouveauté l’amène à tracer des voies nouvelles dans des domaines aussi variés que la grammaire, l’orthographe, l’algèbre, le droit, l’histoire. Il envisage même de réformer l’université. Ce qui indigne Ramus, c’est que les professeurs exigent des honoraires exorbitants. Le chemin vers la connaissance est fermé pour les moins aisés. En se souvenant de ses propres épreuves, il propose que les enseignants soient payés par l’État. Il projette aussi d’écrire en français des ouvrages distincts sur chacun des sept arts libéraux pour démontrer leur utilité et leur fonction. Il commence par rédiger l’ouvrage sur la dialectique (1555), considéré comme le premier livre de philosophie écrit en français.
Enfant à la vocation contrariée, professeur innovant, il raconte sa vie mouvementée, ses épreuves et ses querelles dans son dernier ouvrage (en latin), au titre inattendu : Défense d’Aristote (1571). Converti tardivement au protestantisme, il est assassiné deux jours après le massacre de la Saint-Barthélemy dans le collège de Presles, probablement non seulement à cause de sa foi, mais aussi de ses convictions académiques controversées.



Fig. 2 : Ramus regrette que la dialectique, cet art de la discussion à la quête de la vérité, soit devenue dans les écoles scolastiques médiévales un exercice verbal creux et pédant.
Raymond Lulle disputant avec son élève Thomas Le Muésier, dans Breviculum ex artibus Raimundi Lulli electum, vers 1321 © Karlsruhe : Badische Landesbibliothek (St. Peter perg. 92)


Fig. 3 : Pierre de La Ramée dialogue avec Aristote, Cicéron ou Quintilien et n’hésite pas à les soumettre à un examen critique sévère. Ses cours ne dépassent pas une heure. Il commente une page par jour sans notes, seulement avec une feuille de papier pleine de citations en latin ou en grec. Il note ses cours le soir et en fait des éditions scolaires par la suite. Ses cours sont également publiés par ses élèves (en France et à l’étranger) à partir de leurs notes.
Audomari Talæi Rhetorica : È P. Rami Regii Professoris Praelectionibus observata : Vna Cvm Observationibus Et pleniore interpretatione multorum illius locorum, Gulielmi Adolphi Scribonii, Bâle, K. von Waldkirch, 1589 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara


Fig. 4 : Ramus ne s’intéresse pas uniquement à l’éloquence, à la philosophie ou aux mathématiques qu’il enseigne. Il consacre plusieurs ouvrages à la grammaire latine, grecque et française. La grammaire n’est pas une chose puérile, dit-il. C’est un berceau de tous les arts libéraux. Son livre prend la forme d’un dialogue entre un jeune disciple qui pose des questions de grammaire et un précepteur qui lui répond patiemment.
Grammaire de P. de La Ramée, Paris, A. Wechel, 1572, f. A r° © BnF/Gallica


Fig. 5 : Pour les protestants, Ramus – massacré dans le collège censé être le temple de sagesse et d’arts – devient un martyr. Jean Crespin décrit son supplice dans l’Histoire des martyrs.
Jean Crespin, Simon Goulart, Histoire des martyrs : persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des Apostres jusques à l'an 1597, Genève, Héritiers d’E. Vignon, 1597, p. 706 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara

Pierre de la Ramée, un professeur controversé

Ramus prend la direction du collège de Presles à Paris en 1545. Il est nommé par Henri II en 1551 « lecteur royal d’éloquence et de philosophie », c’est-à-dire professeur au Collège royal (futur Collège de France). Ce n’est pas sans obstacle qu’il est parvenu à ce haut degré d’honneur.
Pierre naît vers 1515 dans une famille de laboureurs du Vermandois près de Saint-Quentin. Son milieu modeste ne le prédestinait pas à faire des études poussées et à devenir célèbre en créant une nouvelle branche philosophique appelée « ramisme ». Poussé par le désir d’apprendre, il s’enfuit à Paris. Dès l’âge de onze ans, il fréquente le collège de Navarre, en devenant le domestique d’un étudiant riche. Dix ans plus tard, il soutient sa maîtrise pour obtenir un grade lui permettant d’enseigner les arts libéraux. On peut imaginer à quel point les juges furent bouleversés quand le candidat affirme que tout ce qu’a dit Aristote, le philosophe le plus vénéré à l’époque, est faux !
Ce n’est donc pas la prudence ou la pondération qui le caractérisent. Apprécié davantage par ses disciples que par certains collègues aristotéliciens qu’il contredit, Ramus enseigne tout à la fois la philosophie, la rhétorique et les mathématiques. Il est préoccupé par l’utilité de l’enseignement et la clarté, et fait une chasse impitoyable aux vieilles méthodes qu’il a lui-même subies. C’est une perte de temps d’apprendre les arts libéraux en disputant du pour et du contre, comme si les questions philosophiques étaient une balle que l’on donne aux enfants pour qu’ils jouent avec elle en se la lançant. Un vrai philosophe aime la vérité, et non un seul et unique maître, à savoir Aristote.
Par ailleurs, les philosophes méprisent généralement l’éloquence, car ils sont attachés à leurs certitudes et pensent pouvoir se passer, pour leurs démonstrations, de l’art du discours. Professeur novateur, Ramus est d’avis qu’il faut enseigner les deux disciplines conjointement, la philosophie le matin et les préceptes de la rhétorique l’après-midi. Au collège de Presles, Ramus lit en parallèle les orateurs, les poètes et les philosophes anciens, car il est utile de bien dire et de bien faire.
Son goût de la nouveauté l’amène à tracer des voies nouvelles dans des domaines aussi variés que la grammaire, l’orthographe, l’algèbre, le droit, l’histoire. Il envisage même de réformer l’université. Ce qui indigne Ramus, c’est que les professeurs exigent des honoraires exorbitants. Le chemin vers la connaissance est fermé pour les moins aisés. En se souvenant de ses propres épreuves, il propose que les enseignants soient payés par l’État. Il projette aussi d’écrire en français des ouvrages distincts sur chacun des sept arts libéraux pour démontrer leur utilité et leur fonction. Il commence par rédiger l’ouvrage sur la dialectique (1555), considéré comme le premier livre de philosophie écrit en français.
Enfant à la vocation contrariée, professeur innovant, il raconte sa vie mouvementée, ses épreuves et ses querelles dans son dernier ouvrage (en latin), au titre inattendu : Défense d’Aristote (1571). Converti tardivement au protestantisme, il est assassiné deux jours après le massacre de la Saint-Barthélemy dans le collège de Presles, probablement non seulement à cause de sa foi, mais aussi de ses convictions académiques controversées.



Fig. 2 : Ramus regrette que la dialectique, cet art de la discussion à la quête de la vérité, soit devenue dans les écoles scolastiques médiévales un exercice verbal creux et pédant.
Raymond Lulle disputant avec son élève Thomas Le Muésier, dans Breviculum ex artibus Raimundi Lulli electum, vers 1321 © Karlsruhe : Badische Landesbibliothek (St. Peter perg. 92)


Fig. 3 : Pierre de La Ramée dialogue avec Aristote, Cicéron ou Quintilien et n’hésite pas à les soumettre à un examen critique sévère. Ses cours ne dépassent pas une heure. Il commente une page par jour sans notes, seulement avec une feuille de papier pleine de citations en latin ou en grec. Il note ses cours le soir et en fait des éditions scolaires par la suite. Ses cours sont également publiés par ses élèves (en France et à l’étranger) à partir de leurs notes.
Audomari Talæi Rhetorica : È P. Rami Regii Professoris Praelectionibus observata : Vna Cvm Observationibus Et pleniore interpretatione multorum illius locorum, Gulielmi Adolphi Scribonii, Bâle, K. von Waldkirch, 1589 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara


Fig. 4 : Ramus ne s’intéresse pas uniquement à l’éloquence, à la philosophie ou aux mathématiques qu’il enseigne. Il consacre plusieurs ouvrages à la grammaire latine, grecque et française. La grammaire n’est pas une chose puérile, dit-il. C’est un berceau de tous les arts libéraux. Son livre prend la forme d’un dialogue entre un jeune disciple qui pose des questions de grammaire et un précepteur qui lui répond patiemment.
Grammaire de P. de La Ramée, Paris, A. Wechel, 1572, f. A r° © BnF/Gallica


Fig. 5 : Pour les protestants, Ramus – massacré dans le collège censé être le temple de sagesse et d’arts – devient un martyr. Jean Crespin décrit son supplice dans l’Histoire des martyrs.
Jean Crespin, Simon Goulart, Histoire des martyrs : persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des Apostres jusques à l'an 1597, Genève, Héritiers d’E. Vignon, 1597, p. 706 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara

Pierre de la Ramée, un professeur controversé

Ramus prend la direction du collège de Presles à Paris en 1545. Il est nommé par Henri II en 1551 « lecteur royal d’éloquence et de philosophie », c’est-à-dire professeur au Collège royal (futur Collège de France). Ce n’est pas sans obstacle qu’il est parvenu à ce haut degré d’honneur.
Pierre naît vers 1515 dans une famille de laboureurs du Vermandois près de Saint-Quentin. Son milieu modeste ne le prédestinait pas à faire des études poussées et à devenir célèbre en créant une nouvelle branche philosophique appelée « ramisme ». Poussé par le désir d’apprendre, il s’enfuit à Paris. Dès l’âge de onze ans, il fréquente le collège de Navarre, en devenant le domestique d’un étudiant riche. Dix ans plus tard, il soutient sa maîtrise pour obtenir un grade lui permettant d’enseigner les arts libéraux. On peut imaginer à quel point les juges furent bouleversés quand le candidat affirme que tout ce qu’a dit Aristote, le philosophe le plus vénéré à l’époque, est faux !
Ce n’est donc pas la prudence ou la pondération qui le caractérisent. Apprécié davantage par ses disciples que par certains collègues aristotéliciens qu’il contredit, Ramus enseigne tout à la fois la philosophie, la rhétorique et les mathématiques. Il est préoccupé par l’utilité de l’enseignement et la clarté, et fait une chasse impitoyable aux vieilles méthodes qu’il a lui-même subies. C’est une perte de temps d’apprendre les arts libéraux en disputant du pour et du contre, comme si les questions philosophiques étaient une balle que l’on donne aux enfants pour qu’ils jouent avec elle en se la lançant. Un vrai philosophe aime la vérité, et non un seul et unique maître, à savoir Aristote.
Par ailleurs, les philosophes méprisent généralement l’éloquence, car ils sont attachés à leurs certitudes et pensent pouvoir se passer, pour leurs démonstrations, de l’art du discours. Professeur novateur, Ramus est d’avis qu’il faut enseigner les deux disciplines conjointement, la philosophie le matin et les préceptes de la rhétorique l’après-midi. Au collège de Presles, Ramus lit en parallèle les orateurs, les poètes et les philosophes anciens, car il est utile de bien dire et de bien faire.
Son goût de la nouveauté l’amène à tracer des voies nouvelles dans des domaines aussi variés que la grammaire, l’orthographe, l’algèbre, le droit, l’histoire. Il envisage même de réformer l’université. Ce qui indigne Ramus, c’est que les professeurs exigent des honoraires exorbitants. Le chemin vers la connaissance est fermé pour les moins aisés. En se souvenant de ses propres épreuves, il propose que les enseignants soient payés par l’État. Il projette aussi d’écrire en français des ouvrages distincts sur chacun des sept arts libéraux pour démontrer leur utilité et leur fonction. Il commence par rédiger l’ouvrage sur la dialectique (1555), considéré comme le premier livre de philosophie écrit en français.
Enfant à la vocation contrariée, professeur innovant, il raconte sa vie mouvementée, ses épreuves et ses querelles dans son dernier ouvrage (en latin), au titre inattendu : Défense d’Aristote (1571). Converti tardivement au protestantisme, il est assassiné deux jours après le massacre de la Saint-Barthélemy dans le collège de Presles, probablement non seulement à cause de sa foi, mais aussi de ses convictions académiques controversées.



Fig. 2 : Ramus regrette que la dialectique, cet art de la discussion à la quête de la vérité, soit devenue dans les écoles scolastiques médiévales un exercice verbal creux et pédant.
Raymond Lulle disputant avec son élève Thomas Le Muésier, dans Breviculum ex artibus Raimundi Lulli electum, vers 1321 © Karlsruhe : Badische Landesbibliothek (St. Peter perg. 92)


Fig. 3 : Pierre de La Ramée dialogue avec Aristote, Cicéron ou Quintilien et n’hésite pas à les soumettre à un examen critique sévère. Ses cours ne dépassent pas une heure. Il commente une page par jour sans notes, seulement avec une feuille de papier pleine de citations en latin ou en grec. Il note ses cours le soir et en fait des éditions scolaires par la suite. Ses cours sont également publiés par ses élèves (en France et à l’étranger) à partir de leurs notes.
Audomari Talæi Rhetorica : È P. Rami Regii Professoris Praelectionibus observata : Vna Cvm Observationibus Et pleniore interpretatione multorum illius locorum, Gulielmi Adolphi Scribonii, Bâle, K. von Waldkirch, 1589 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara


Fig. 4 : Ramus ne s’intéresse pas uniquement à l’éloquence, à la philosophie ou aux mathématiques qu’il enseigne. Il consacre plusieurs ouvrages à la grammaire latine, grecque et française. La grammaire n’est pas une chose puérile, dit-il. C’est un berceau de tous les arts libéraux. Son livre prend la forme d’un dialogue entre un jeune disciple qui pose des questions de grammaire et un précepteur qui lui répond patiemment.
Grammaire de P. de La Ramée, Paris, A. Wechel, 1572, f. A r° © BnF/Gallica


Fig. 5 : Pour les protestants, Ramus – massacré dans le collège censé être le temple de sagesse et d’arts – devient un martyr. Jean Crespin décrit son supplice dans l’Histoire des martyrs.
Jean Crespin, Simon Goulart, Histoire des martyrs : persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des Apostres jusques à l'an 1597, Genève, Héritiers d’E. Vignon, 1597, p. 706 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara


Pierre de la Ramée, un professeur controversé

Ramus prend la direction du collège de Presles à Paris en 1545. Il est nommé par Henri II en 1551 « lecteur royal d’éloquence et de philosophie », c’est-à-dire professeur au Collège royal (futur Collège de France). Ce n’est pas sans obstacle qu’il est parvenu à ce haut degré d’honneur.
Pierre naît vers 1515 dans une famille de laboureurs du Vermandois près de Saint-Quentin. Son milieu modeste ne le prédestinait pas à faire des études poussées et à devenir célèbre en créant une nouvelle branche philosophique appelée « ramisme ». Poussé par le désir d’apprendre, il s’enfuit à Paris. Dès l’âge de onze ans, il fréquente le collège de Navarre, en devenant le domestique d’un étudiant riche. Dix ans plus tard, il soutient sa maîtrise pour obtenir un grade lui permettant d’enseigner les arts libéraux. On peut imaginer à quel point les juges furent bouleversés quand le candidat affirme que tout ce qu’a dit Aristote, le philosophe le plus vénéré à l’époque, est faux !
Ce n’est donc pas la prudence ou la pondération qui le caractérisent. Apprécié davantage par ses disciples que par certains collègues aristotéliciens qu’il contredit, Ramus enseigne tout à la fois la philosophie, la rhétorique et les mathématiques. Il est préoccupé par l’utilité de l’enseignement et la clarté, et fait une chasse impitoyable aux vieilles méthodes qu’il a lui-même subies. C’est une perte de temps d’apprendre les arts libéraux en disputant du pour et du contre, comme si les questions philosophiques étaient une balle que l’on donne aux enfants pour qu’ils jouent avec elle en se la lançant. Un vrai philosophe aime la vérité, et non un seul et unique maître, à savoir Aristote.
Par ailleurs, les philosophes méprisent généralement l’éloquence, car ils sont attachés à leurs certitudes et pensent pouvoir se passer, pour leurs démonstrations, de l’art du discours. Professeur novateur, Ramus est d’avis qu’il faut enseigner les deux disciplines conjointement, la philosophie le matin et les préceptes de la rhétorique l’après-midi. Au collège de Presles, Ramus lit en parallèle les orateurs, les poètes et les philosophes anciens, car il est utile de bien dire et de bien faire.
Son goût de la nouveauté l’amène à tracer des voies nouvelles dans des domaines aussi variés que la grammaire, l’orthographe, l’algèbre, le droit, l’histoire. Il envisage même de réformer l’université. Ce qui indigne Ramus, c’est que les professeurs exigent des honoraires exorbitants. Le chemin vers la connaissance est fermé pour les moins aisés. En se souvenant de ses propres épreuves, il propose que les enseignants soient payés par l’État. Il projette aussi d’écrire en français des ouvrages distincts sur chacun des sept arts libéraux pour démontrer leur utilité et leur fonction. Il commence par rédiger l’ouvrage sur la dialectique (1555), considéré comme le premier livre de philosophie écrit en français.
Enfant à la vocation contrariée, professeur innovant, il raconte sa vie mouvementée, ses épreuves et ses querelles dans son dernier ouvrage (en latin), au titre inattendu : Défense d’Aristote (1571). Converti tardivement au protestantisme, il est assassiné deux jours après le massacre de la Saint-Barthélemy dans le collège de Presles, probablement non seulement à cause de sa foi, mais aussi de ses convictions académiques controversées.



Fig. 2 : Ramus regrette que la dialectique, cet art de la discussion à la quête de la vérité, soit devenue dans les écoles scolastiques médiévales un exercice verbal creux et pédant.
Raymond Lulle disputant avec son élève Thomas Le Muésier, dans Breviculum ex artibus Raimundi Lulli electum, vers 1321 © Karlsruhe : Badische Landesbibliothek (St. Peter perg. 92)


Fig. 3 : Pierre de La Ramée dialogue avec Aristote, Cicéron ou Quintilien et n’hésite pas à les soumettre à un examen critique sévère. Ses cours ne dépassent pas une heure. Il commente une page par jour sans notes, seulement avec une feuille de papier pleine de citations en latin ou en grec. Il note ses cours le soir et en fait des éditions scolaires par la suite. Ses cours sont également publiés par ses élèves (en France et à l’étranger) à partir de leurs notes.
Audomari Talæi Rhetorica : È P. Rami Regii Professoris Praelectionibus observata : Vna Cvm Observationibus Et pleniore interpretatione multorum illius locorum, Gulielmi Adolphi Scribonii, Bâle, K. von Waldkirch, 1589 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara


Fig. 4 : Ramus ne s’intéresse pas uniquement à l’éloquence, à la philosophie ou aux mathématiques qu’il enseigne. Il consacre plusieurs ouvrages à la grammaire latine, grecque et française. La grammaire n’est pas une chose puérile, dit-il. C’est un berceau de tous les arts libéraux. Son livre prend la forme d’un dialogue entre un jeune disciple qui pose des questions de grammaire et un précepteur qui lui répond patiemment.
Grammaire de P. de La Ramée, Paris, A. Wechel, 1572, f. A r° © BnF/Gallica


Fig. 5 : Pour les protestants, Ramus – massacré dans le collège censé être le temple de sagesse et d’arts – devient un martyr. Jean Crespin décrit son supplice dans l’Histoire des martyrs.
Jean Crespin, Simon Goulart, Histoire des martyrs : persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des Apostres jusques à l'an 1597, Genève, Héritiers d’E. Vignon, 1597, p. 706 © Zentralbibliothek Zürich / e-rara
