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CG

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12 ans, né en Corée

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Garçon âgé de 12 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né à Séoul, en Corée du Sud, d’une mère d’origine africaine et d’un père pakistanais, installés en Corée pour des raisons professionnelles.
  • Scolarisé en Corée toute l’école primaire, puis au collège pendant 2 ans, au Pakistan, où la famille est installée en lien avec le travail du papa.
  • Arrivé en France en 2019, CG vit maintenant avec ses frères et sa mère. Il est scolarisé en classe de cinquième, bénéficie du dispositif UPE2A.
  • Particulièrement timide et silencieux lors des premières séances de l’atelier, cet enfant énigmatique au plurilinguisme complexe dévoile progressivement son potentiel et ses ressources.
  • Langues de première socialisation : ourdou, anglais, coréen. Laquelle / lesquelles sont langue(s) maternelle(s) ? CG hésite…
  • Langues de scolarisation : coréen, anglais, français (depuis 2018)
  • Autres langues citées : comorien (L1 de sa mère).
  • CG est né à Séoul, en Corée, ou plus exactement en République de Corée, dite Corée du Sud, séparée par frontière, depuis la fin des années 50, de la Corée du Nord. Mais ces conflits politiques ne concernent pas la biographie de CG, dont les parents, sa mère d’origine comorienne, et son père pakistanais, sont installés dans ce pays à l’activité économique dynamique pour des raisons professionnelles.
  • Ses parents ne pratiquent pas le coréen, mais pour CG, c’est la première langue de scolarisation, vecteur des interactions enfantines hors du foyer, langue des copains, et des apprentissages jusqu’à la fin de l’école primaire, où l’anglais est aussi enseigné (« langue-matière »).
  • A la maison, circulent déjà deux langues, l’ourdou, parlé avec ses deux parents et avec ses grands frères, ses ainés de 10 ans, avec qui il parle aussi « des fois » anglais, présent au sein du foyer. Mais l’histoire de CG est en outre marquée par plusieurs mobilités, séjours qu’il cite, en Inde et en Tanzanie, en lien avec le travail du papa, et surtout un second pays de résidence, le Pakistan, où l’ourdou est langue co-officielle avec l’anglais, sa deuxième langue de scolarisation, pour 2 ans au collège.
  • Quelle est sa « langue maternelle » ? La première langue citée est l’ourdou, mais il se ravise immédiatement : l’anglais, avant d’hésiter à nouveau, « je sais pas ». La proposition d’associer les deux langues lui donne alors à faire un autre choix : exclure l’anglais, et inclure le coréen….
  • Se joue-t-il de l’enquêtrice ? Dans ce parcours complexe, définir sa ou ses langues maternelle(s) n’a rien d’une évidence.

Un bilinguisme précoce ourdou-anglais,
une langue orale, une langue orale-écrite,
une troisième langue, le coréen, première langue de scolarisation

1- E : […] quelles langues tu parlais à la maison ?
2- CG : ourdou
3- E : ourdou / avec ton papa et ta maman ?
4- CG : oui […]
7- E : AH / alors avec tes frères […] ?
8- CG : ourdou
9- E : ourdou aussi / OK
10- CG : et des fois anglais
11- E : des fois anglais / avec / euh / ton papa et ta maman ? tes 12- CG : avec mes frères […]
17- E : […] ta langue maternelle c’est l’ourdou ? ou //
18- CG : anglais
19- E : AH //
20- CG : je sais pas
21- E : alors / tu peux // / est-ce que tu penses que tu as deux langues maternelles ? […] l’ourdou et l’anglais ?
22- CG : ourdou eeeet coréen
23- E : AH le coréen […] donc le coréen tu le parlais aussi avec ton papa et ta maman ?
26- CG : NON
27- E : non / AH [rire] / alors le coréen tu l’as appris comment ?
28- CG : euuhhh je parlais avec mes amis
29- E : et le coréen tu l’as appris en Corée à l’école ?
30- CG : oui

  • Il faut se représenter ce garçon de 12 ans, dont la langue initiale, en français dite « maternelle », n’est pas celle de sa mère, mais la langue de son père, l’ourdou, en usage quotidien dans les interactions familiales, et en contact avec l’anglais, présente à la maison et langue matière scolaire, puis langue de scolarisation au Pakistan.
  • Désigner et catégoriser sa ou ses langues maternelle(s) pose ainsi question à CG : selon quels critères ? La  langue de filiation, les deux vernaculaires familiaux, la langue des copains et des apprentissages scolaires, celle dans laquelle on est le plus compétent ? Cette question lui pose aussi peut-être certains conflits de loyauté : ne pas désigner l’une, est-ce la dénigrer ?
  • Ses discours montrent la diversité et l’étendue de ses savoirs-faire langagiers. Dans le répertoire initial, l’appropriation informelle et orale de l’ourdou, que CG ne sait pas écrire, en contact avec une appropriation entre formelle et informelle de l’anglais, pratiquée « des fois » avec les grands frères, et apprise à l’école comme matière scolaire, mais aussi du coréen, langue de relations d’amitiés enfantines, et langue de scolarisation tout au long du primaire.

Appropriation informelle et exclusivement orale de l’ourdou

31- E : donc […] tu parlais l’ourdou avec ton papa ta maman / ourdou et anglais […] avec tes frères / et coréen à l’école ? / c’est ça ?
32- CG : oui [réponse à peine audible]
33- E : […] l’ourdou tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ou juste pour parler ?
34- CG : juste pour parler
35- E : et tu sais // est-ce que tu sais l’écrire ?
36- CG : NON

Appropriation informelle (frères) et formelle (école) de l’anglais

37- E: […] l’anglais tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ?
38- CG : oui
39- E : d’accord / et le coréen ?
40- CG : euhh // oral / écrit
41- E : AH oral et écrit / les deux / d’accord donc tu as appris l’alphabet coréen ?
42- CG : oui
43- E : […] quand tu lisais des livres […] en quelles langues tu lisais les livres ?
44- CG : coréen et anglais
 […]
65- E : et alors à l’école en Corée // tu parlais coréen avec les enseignants ?
66- CG : oui
67- E : oui est-ce que tu as appris d’autres langues / à l’école / en Corée ?
68- CG : anglais
69- E : l’anglais / donc t’avais un cours d’anglais aussi là-bas ?
70- CG : oui

Appropriation formelle (école) et informelle du coréen (récréation)

71- E : […] avec tes copains copines à la récréation quelles langues tu parlais ?
72- CG : coréen
73- E : coréen / d’accord / avec des mots d’ang //? Est-ce que des fois tu utilisais l’anglais ? ou jamais ?
74- CG : JAMAIS
75- E: jamais / d’accord /

  • En 2019, CG est scolarisé en classe de cinquième, en français, sa troisième langue de scolarisation, dont l’entretien témoigne d’une appropriation déjà bien amorcée, de compétences de compréhension orale, mais aussi d’expression.
  • En France, les pratiques familiales ont changé, son papa ne vit plus au foyer. CG commence pourtant par affirmer que rien n’est différent : ourdou et anglais se parlent au foyer, mais se ravise : est-ce en lien avec l’absence du père, il précise que, dorénavant, il ne veut plus parler ourdou avec sa mère, mais seulement anglais, devenu le vernaculaire familial dominant.
  • L’évocation de ses grands-parents maternels fait surgir une autre langue, CG a entendu ce nom, « comore », mais il n’est pas sûr.
  • Dans toute la complexité de cette trajectoire plurilingue, cette langue comorienne* de la mère, a disparu des pratiques, est devenue floue dans son imaginaire. C’est l’ourdou qui, pour CG, reste la langue de référence identitaire, celle-là même qu’il refuse désormais à sa mère.

Ourdou, anglais, coréen… et le français

98- E : et depuis que t’es arrivé en France / […] est-ce que c’est différent en fait ? quelles langues tu utilises ?
99-CG : NON / anglais et ourdou // mais je parle anglais qu’avec ma mère
100- E : AH donc / tu parles anglais avec ta maman alors qu’avant tu parlais ourdou avec ta maman ?
101- CG : oui
102- E : Donc ça / ça a changé depuis / euhh depuis que vous êtes en France ?
103- CG : oui [parle doucement]
104- E : et c’est toi qui veux plus parler en ourdou ? ou //
105 CG : oui
106- E : tu préfères ?
107- CG : hm [silence, acquiescements silencieux]
108- E : ouais ? d’accord / et avec tes frères tu parles toujours en anglais ?
109- CG : oui
110- E : et est-ce qu’il y a des mots d’ourdou qui viennent quand même ?
111- CG : hm/ oui

Une autre langue surgit, celle initiale de sa mère

45- E : […] est-ce que tes grands-parents par exemple / parlaient d’autres langues ?
46- CG : euuhhh oui
47-E : alors quelles langues ?
49- CG : langue africain euuhhh / […]
54- E : oui donc c’est les / par le papa et la maman de ta maman / qui parlaient une autre langue africaine ?
55- CG : oui
56- A1 : et est-ce que tu connais son nom ? à cette langue ?
57-59 CG : non […] euhh / comore / euh / je sais pas //

  • CG, scolarisé dans l’un des systèmes éducatifs les plus compétitifs, réceptif aux attentes scolaires, est enthousiaste quand on lui parle d’apprendre, trouve facile d’« apprendre les langues ».
  • Sa jubilation (« ouiiii »), contraste avec la réserve manifestée au début de l’atelier (Cf. Fiche Terrain1), au fil duquel cette personnalité discrète dévoile progressivement de grandes capacités de mémorisation, met en œuvre, face aux activités plurilingues, des stratégies d’observations et de mises en lien (comparaisons, transferts, rapprochements…) pour en déduire des hypothèses, montre sa compétence métalinguistique quand il explique le système si particulier de l’alphabet coréen (Cf. Fiche Contexte).
  • CG valorise son aussi fortement son répertoire, 3 langues distantes et différentes, l’ourdou, moins en usage mais restée signifiante, le coréen sa 1ère langue de scolarisation, et l’anglais, dans laquelle il aime « tout » faire, qu’il « préfère ».
  • L’anglais est plus facile que le français… auquel il trouve toutefois quelques ressemblances avec l’anglais…, ce qui, pour CG, pourrait produire un motif, un levier pour l’investissement de cette nouvelle langue de scolarisation / socialisation, peut-être appelée, en relation aux autres dans son répertoire plurilingue, à devenir co-identitaire.

Apprendre les langues… trop facile !

77- E : c’était pour toi facile d’apprendre les langues ?
78- CG : ouiiii
79- E : d’accord / pour toi c’était quelque chose de // / qui qui / // que tu enregistrais facilement ?
80- CG : [silence, acquiescements silencieux]

Sa préférée ? l’anglais, pour parler, lire et écrire

117- E : est-ce que pour toi il y a des langues que tu préfères pour […]
 faire telle ou telle chose par exemple ? […]tu préfères lire dans une langue / écrire dans une autre ? qu’est-ce que //
118- CG : anglais
119- E : alors vas-y dis-moi ce que tu préfères faire en anglais
120- CG : anglais / tout / tous les choses / anglais
121-123- E : aahh c’est l’anglais que tu préfères et […] pourquoi ?
124-CG : c’est facile
125-E : […] c’est plus facile en anglais ?
126-CG : oui
127-E : […] apprendre le français […] c’est difficile pour toi ?
128- CG : [silence, réflexion] je sais pas […]
130- CG : pas vraiment / mais ça ressemble un peu

… plus « facile » que le français,
estimé toutefois « ressembler » à l’anglais…
un levier pour l’investissement de la nouvelle langue de scolarisation / socialisation ?

A l’issue de l’entretien, CG a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de CG

Rapport hiérarchique entre ses langues
 Le « vainqueur » étant l’anglais…

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

12 ans, né en Corée

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Garçon âgé de 12 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né à Séoul, en Corée du Sud, d’une mère d’origine africaine et d’un père pakistanais, installés en Corée pour des raisons professionnelles.
  • Scolarisé en Corée toute l’école primaire, puis au collège pendant 2 ans, au Pakistan, où la famille est installée en lien avec le travail du papa.
  • Arrivé en France en 2019, CG vit maintenant avec ses frères et sa mère. Il est scolarisé en classe de cinquième, bénéficie du dispositif UPE2A.
  • Particulièrement timide et silencieux lors des premières séances de l’atelier, cet enfant énigmatique au plurilinguisme complexe dévoile progressivement son potentiel et ses ressources.
  • Langues de première socialisation : ourdou, anglais, coréen. Laquelle / lesquelles sont langue(s) maternelle(s) ? CG hésite…
  • Langues de scolarisation : coréen, anglais, français (depuis 2018)
  • Autres langues citées : comorien (L1 de sa mère).
  • CG est né à Séoul, en Corée, ou plus exactement en République de Corée, dite Corée du Sud, séparée par frontière, depuis la fin des années 50, de la Corée du Nord. Mais ces conflits politiques ne concernent pas la biographie de CG, dont les parents, sa mère d’origine comorienne, et son père pakistanais, sont installés dans ce pays à l’activité économique dynamique pour des raisons professionnelles.
  • Ses parents ne pratiquent pas le coréen, mais pour CG, c’est la première langue de scolarisation, vecteur des interactions enfantines hors du foyer, langue des copains, et des apprentissages jusqu’à la fin de l’école primaire, où l’anglais est aussi enseigné (« langue-matière »).
  • A la maison, circulent déjà deux langues, l’ourdou, parlé avec ses deux parents et avec ses grands frères, ses ainés de 10 ans, avec qui il parle aussi « des fois » anglais, présent au sein du foyer. Mais l’histoire de CG est en outre marquée par plusieurs mobilités, séjours qu’il cite, en Inde et en Tanzanie, en lien avec le travail du papa, et surtout un second pays de résidence, le Pakistan, où l’ourdou est langue co-officielle avec l’anglais, sa deuxième langue de scolarisation, pour 2 ans au collège.
  • Quelle est sa « langue maternelle » ? La première langue citée est l’ourdou, mais il se ravise immédiatement : l’anglais, avant d’hésiter à nouveau, « je sais pas ». La proposition d’associer les deux langues lui donne alors à faire un autre choix : exclure l’anglais, et inclure le coréen….
  • Se joue-t-il de l’enquêtrice ? Dans ce parcours complexe, définir sa ou ses langues maternelle(s) n’a rien d’une évidence.

Un bilinguisme précoce ourdou-anglais,
une langue orale, une langue orale-écrite,
une troisième langue, le coréen, première langue de scolarisation

1- E : […] quelles langues tu parlais à la maison ?
2- CG : ourdou
3- E : ourdou / avec ton papa et ta maman ?
4- CG : oui […]
7- E : AH / alors avec tes frères […] ?
8- CG : ourdou
9- E : ourdou aussi / OK
10- CG : et des fois anglais
11- E : des fois anglais / avec / euh / ton papa et ta maman ? tes 12- CG : avec mes frères […]
17- E : […] ta langue maternelle c’est l’ourdou ? ou //
18- CG : anglais
19- E : AH //
20- CG : je sais pas
21- E : alors / tu peux // / est-ce que tu penses que tu as deux langues maternelles ? […] l’ourdou et l’anglais ?
22- CG : ourdou eeeet coréen
23- E : AH le coréen […] donc le coréen tu le parlais aussi avec ton papa et ta maman ?
26- CG : NON
27- E : non / AH [rire] / alors le coréen tu l’as appris comment ?
28- CG : euuhhh je parlais avec mes amis
29- E : et le coréen tu l’as appris en Corée à l’école ?
30- CG : oui

  • Il faut se représenter ce garçon de 12 ans, dont la langue initiale, en français dite « maternelle », n’est pas celle de sa mère, mais la langue de son père, l’ourdou, en usage quotidien dans les interactions familiales, et en contact avec l’anglais, présente à la maison et langue matière scolaire, puis langue de scolarisation au Pakistan.
  • Désigner et catégoriser sa ou ses langues maternelle(s) pose ainsi question à CG : selon quels critères ? La  langue de filiation, les deux vernaculaires familiaux, la langue des copains et des apprentissages scolaires, celle dans laquelle on est le plus compétent ? Cette question lui pose aussi peut-être certains conflits de loyauté : ne pas désigner l’une, est-ce la dénigrer ?
  • Ses discours montrent la diversité et l’étendue de ses savoirs-faire langagiers. Dans le répertoire initial, l’appropriation informelle et orale de l’ourdou, que CG ne sait pas écrire, en contact avec une appropriation entre formelle et informelle de l’anglais, pratiquée « des fois » avec les grands frères, et apprise à l’école comme matière scolaire, mais aussi du coréen, langue de relations d’amitiés enfantines, et langue de scolarisation tout au long du primaire.

Appropriation informelle et exclusivement orale de l’ourdou

31- E : donc […] tu parlais l’ourdou avec ton papa ta maman / ourdou et anglais […] avec tes frères / et coréen à l’école ? / c’est ça ?
32- CG : oui [réponse à peine audible]
33- E : […] l’ourdou tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ou juste pour parler ?
34- CG : juste pour parler
35- E : et tu sais // est-ce que tu sais l’écrire ?
36- CG : NON

Appropriation informelle (frères) et formelle (école) de l’anglais

37- E: […] l’anglais tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ?
38- CG : oui
39- E : d’accord / et le coréen ?
40- CG : euhh // oral / écrit
41- E : AH oral et écrit / les deux / d’accord donc tu as appris l’alphabet coréen ?
42- CG : oui
43- E : […] quand tu lisais des livres […] en quelles langues tu lisais les livres ?
44- CG : coréen et anglais
 […]
65- E : et alors à l’école en Corée // tu parlais coréen avec les enseignants ?
66- CG : oui
67- E : oui est-ce que tu as appris d’autres langues / à l’école / en Corée ?
68- CG : anglais
69- E : l’anglais / donc t’avais un cours d’anglais aussi là-bas ?
70- CG : oui

Appropriation formelle (école) et informelle du coréen (récréation)

71- E : […] avec tes copains copines à la récréation quelles langues tu parlais ?
72- CG : coréen
73- E : coréen / d’accord / avec des mots d’ang //? Est-ce que des fois tu utilisais l’anglais ? ou jamais ?
74- CG : JAMAIS
75- E: jamais / d’accord /

  • En 2019, CG est scolarisé en classe de cinquième, en français, sa troisième langue de scolarisation, dont l’entretien témoigne d’une appropriation déjà bien amorcée, de compétences de compréhension orale, mais aussi d’expression.
  • En France, les pratiques familiales ont changé, son papa ne vit plus au foyer. CG commence pourtant par affirmer que rien n’est différent : ourdou et anglais se parlent au foyer, mais se ravise : est-ce en lien avec l’absence du père, il précise que, dorénavant, il ne veut plus parler ourdou avec sa mère, mais seulement anglais, devenu le vernaculaire familial dominant.
  • L’évocation de ses grands-parents maternels fait surgir une autre langue, CG a entendu ce nom, « comore », mais il n’est pas sûr.
  • Dans toute la complexité de cette trajectoire plurilingue, cette langue comorienne* de la mère, a disparu des pratiques, est devenue floue dans son imaginaire. C’est l’ourdou qui, pour CG, reste la langue de référence identitaire, celle-là même qu’il refuse désormais à sa mère.

Ourdou, anglais, coréen… et le français

98- E : et depuis que t’es arrivé en France / […] est-ce que c’est différent en fait ? quelles langues tu utilises ?
99-CG : NON / anglais et ourdou // mais je parle anglais qu’avec ma mère
100- E : AH donc / tu parles anglais avec ta maman alors qu’avant tu parlais ourdou avec ta maman ?
101- CG : oui
102- E : Donc ça / ça a changé depuis / euhh depuis que vous êtes en France ?
103- CG : oui [parle doucement]
104- E : et c’est toi qui veux plus parler en ourdou ? ou //
105 CG : oui
106- E : tu préfères ?
107- CG : hm [silence, acquiescements silencieux]
108- E : ouais ? d’accord / et avec tes frères tu parles toujours en anglais ?
109- CG : oui
110- E : et est-ce qu’il y a des mots d’ourdou qui viennent quand même ?
111- CG : hm/ oui

Une autre langue surgit, celle initiale de sa mère

45- E : […] est-ce que tes grands-parents par exemple / parlaient d’autres langues ?
46- CG : euuhhh oui
47-E : alors quelles langues ?
49- CG : langue africain euuhhh / […]
54- E : oui donc c’est les / par le papa et la maman de ta maman / qui parlaient une autre langue africaine ?
55- CG : oui
56- A1 : et est-ce que tu connais son nom ? à cette langue ?
57-59 CG : non […] euhh / comore / euh / je sais pas //

  • CG, scolarisé dans l’un des systèmes éducatifs les plus compétitifs, réceptif aux attentes scolaires, est enthousiaste quand on lui parle d’apprendre, trouve facile d’« apprendre les langues ».
  • Sa jubilation (« ouiiii »), contraste avec la réserve manifestée au début de l’atelier (Cf. Fiche Terrain1), au fil duquel cette personnalité discrète dévoile progressivement de grandes capacités de mémorisation, met en œuvre, face aux activités plurilingues, des stratégies d’observations et de mises en lien (comparaisons, transferts, rapprochements…) pour en déduire des hypothèses, montre sa compétence métalinguistique quand il explique le système si particulier de l’alphabet coréen (Cf. Fiche Contexte).
  • CG valorise son aussi fortement son répertoire, 3 langues distantes et différentes, l’ourdou, moins en usage mais restée signifiante, le coréen sa 1ère langue de scolarisation, et l’anglais, dans laquelle il aime « tout » faire, qu’il « préfère ».
  • L’anglais est plus facile que le français… auquel il trouve toutefois quelques ressemblances avec l’anglais…, ce qui, pour CG, pourrait produire un motif, un levier pour l’investissement de cette nouvelle langue de scolarisation / socialisation, peut-être appelée, en relation aux autres dans son répertoire plurilingue, à devenir co-identitaire.

Apprendre les langues… trop facile !

77- E : c’était pour toi facile d’apprendre les langues ?
78- CG : ouiiii
79- E : d’accord / pour toi c’était quelque chose de // / qui qui / // que tu enregistrais facilement ?
80- CG : [silence, acquiescements silencieux]

Sa préférée ? l’anglais, pour parler, lire et écrire

117- E : est-ce que pour toi il y a des langues que tu préfères pour […]
 faire telle ou telle chose par exemple ? […]tu préfères lire dans une langue / écrire dans une autre ? qu’est-ce que //
118- CG : anglais
119- E : alors vas-y dis-moi ce que tu préfères faire en anglais
120- CG : anglais / tout / tous les choses / anglais
121-123- E : aahh c’est l’anglais que tu préfères et […] pourquoi ?
124-CG : c’est facile
125-E : […] c’est plus facile en anglais ?
126-CG : oui
127-E : […] apprendre le français […] c’est difficile pour toi ?
128- CG : [silence, réflexion] je sais pas […]
130- CG : pas vraiment / mais ça ressemble un peu

… plus « facile » que le français,
estimé toutefois « ressembler » à l’anglais…
un levier pour l’investissement de la nouvelle langue de scolarisation / socialisation ?

A l’issue de l’entretien, CG a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de CG

Rapport hiérarchique entre ses langues
 Le « vainqueur » étant l’anglais…

12 ans, né en Corée

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Garçon âgé de 12 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né à Séoul, en Corée du Sud, d’une mère d’origine africaine et d’un père pakistanais, installés en Corée pour des raisons professionnelles.
  • Scolarisé en Corée toute l’école primaire, puis au collège pendant 2 ans, au Pakistan, où la famille est installée en lien avec le travail du papa.
  • Arrivé en France en 2019, CG vit maintenant avec ses frères et sa mère. Il est scolarisé en classe de cinquième, bénéficie du dispositif UPE2A.
  • Particulièrement timide et silencieux lors des premières séances de l’atelier, cet enfant énigmatique au plurilinguisme complexe dévoile progressivement son potentiel et ses ressources.
  • Langues de première socialisation : ourdou, anglais, coréen. Laquelle / lesquelles sont langue(s) maternelle(s) ? CG hésite…
  • Langues de scolarisation : coréen, anglais, français (depuis 2018)
  • Autres langues citées : comorien (L1 de sa mère).
  • CG est né à Séoul, en Corée, ou plus exactement en République de Corée, dite Corée du Sud, séparée par frontière, depuis la fin des années 50, de la Corée du Nord. Mais ces conflits politiques ne concernent pas la biographie de CG, dont les parents, sa mère d’origine comorienne, et son père pakistanais, sont installés dans ce pays à l’activité économique dynamique pour des raisons professionnelles.
  • Ses parents ne pratiquent pas le coréen, mais pour CG, c’est la première langue de scolarisation, vecteur des interactions enfantines hors du foyer, langue des copains, et des apprentissages jusqu’à la fin de l’école primaire, où l’anglais est aussi enseigné (« langue-matière »).
  • A la maison, circulent déjà deux langues, l’ourdou, parlé avec ses deux parents et avec ses grands frères, ses ainés de 10 ans, avec qui il parle aussi « des fois » anglais, présent au sein du foyer. Mais l’histoire de CG est en outre marquée par plusieurs mobilités, séjours qu’il cite, en Inde et en Tanzanie, en lien avec le travail du papa, et surtout un second pays de résidence, le Pakistan, où l’ourdou est langue co-officielle avec l’anglais, sa deuxième langue de scolarisation, pour 2 ans au collège.
  • Quelle est sa « langue maternelle » ? La première langue citée est l’ourdou, mais il se ravise immédiatement : l’anglais, avant d’hésiter à nouveau, « je sais pas ». La proposition d’associer les deux langues lui donne alors à faire un autre choix : exclure l’anglais, et inclure le coréen….
  • Se joue-t-il de l’enquêtrice ? Dans ce parcours complexe, définir sa ou ses langues maternelle(s) n’a rien d’une évidence.

Un bilinguisme précoce ourdou-anglais,
une langue orale, une langue orale-écrite,
une troisième langue, le coréen, première langue de scolarisation

1- E : […] quelles langues tu parlais à la maison ?
2- CG : ourdou
3- E : ourdou / avec ton papa et ta maman ?
4- CG : oui […]
7- E : AH / alors avec tes frères […] ?
8- CG : ourdou
9- E : ourdou aussi / OK
10- CG : et des fois anglais
11- E : des fois anglais / avec / euh / ton papa et ta maman ? tes 12- CG : avec mes frères […]
17- E : […] ta langue maternelle c’est l’ourdou ? ou //
18- CG : anglais
19- E : AH //
20- CG : je sais pas
21- E : alors / tu peux // / est-ce que tu penses que tu as deux langues maternelles ? […] l’ourdou et l’anglais ?
22- CG : ourdou eeeet coréen
23- E : AH le coréen […] donc le coréen tu le parlais aussi avec ton papa et ta maman ?
26- CG : NON
27- E : non / AH [rire] / alors le coréen tu l’as appris comment ?
28- CG : euuhhh je parlais avec mes amis
29- E : et le coréen tu l’as appris en Corée à l’école ?
30- CG : oui

  • Il faut se représenter ce garçon de 12 ans, dont la langue initiale, en français dite « maternelle », n’est pas celle de sa mère, mais la langue de son père, l’ourdou, en usage quotidien dans les interactions familiales, et en contact avec l’anglais, présente à la maison et langue matière scolaire, puis langue de scolarisation au Pakistan.
  • Désigner et catégoriser sa ou ses langues maternelle(s) pose ainsi question à CG : selon quels critères ? La  langue de filiation, les deux vernaculaires familiaux, la langue des copains et des apprentissages scolaires, celle dans laquelle on est le plus compétent ? Cette question lui pose aussi peut-être certains conflits de loyauté : ne pas désigner l’une, est-ce la dénigrer ?
  • Ses discours montrent la diversité et l’étendue de ses savoirs-faire langagiers. Dans le répertoire initial, l’appropriation informelle et orale de l’ourdou, que CG ne sait pas écrire, en contact avec une appropriation entre formelle et informelle de l’anglais, pratiquée « des fois » avec les grands frères, et apprise à l’école comme matière scolaire, mais aussi du coréen, langue de relations d’amitiés enfantines, et langue de scolarisation tout au long du primaire.

Appropriation informelle et exclusivement orale de l’ourdou

31- E : donc […] tu parlais l’ourdou avec ton papa ta maman / ourdou et anglais […] avec tes frères / et coréen à l’école ? / c’est ça ?
32- CG : oui [réponse à peine audible]
33- E : […] l’ourdou tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ou juste pour parler ?
34- CG : juste pour parler
35- E : et tu sais // est-ce que tu sais l’écrire ?
36- CG : NON

Appropriation informelle (frères) et formelle (école) de l’anglais

37- E: […] l’anglais tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ?
38- CG : oui
39- E : d’accord / et le coréen ?
40- CG : euhh // oral / écrit
41- E : AH oral et écrit / les deux / d’accord donc tu as appris l’alphabet coréen ?
42- CG : oui
43- E : […] quand tu lisais des livres […] en quelles langues tu lisais les livres ?
44- CG : coréen et anglais
 […]
65- E : et alors à l’école en Corée // tu parlais coréen avec les enseignants ?
66- CG : oui
67- E : oui est-ce que tu as appris d’autres langues / à l’école / en Corée ?
68- CG : anglais
69- E : l’anglais / donc t’avais un cours d’anglais aussi là-bas ?
70- CG : oui

Appropriation formelle (école) et informelle du coréen (récréation)

71- E : […] avec tes copains copines à la récréation quelles langues tu parlais ?
72- CG : coréen
73- E : coréen / d’accord / avec des mots d’ang //? Est-ce que des fois tu utilisais l’anglais ? ou jamais ?
74- CG : JAMAIS
75- E: jamais / d’accord /

  • En 2019, CG est scolarisé en classe de cinquième, en français, sa troisième langue de scolarisation, dont l’entretien témoigne d’une appropriation déjà bien amorcée, de compétences de compréhension orale, mais aussi d’expression.
  • En France, les pratiques familiales ont changé, son papa ne vit plus au foyer. CG commence pourtant par affirmer que rien n’est différent : ourdou et anglais se parlent au foyer, mais se ravise : est-ce en lien avec l’absence du père, il précise que, dorénavant, il ne veut plus parler ourdou avec sa mère, mais seulement anglais, devenu le vernaculaire familial dominant.
  • L’évocation de ses grands-parents maternels fait surgir une autre langue, CG a entendu ce nom, « comore », mais il n’est pas sûr.
  • Dans toute la complexité de cette trajectoire plurilingue, cette langue comorienne* de la mère, a disparu des pratiques, est devenue floue dans son imaginaire. C’est l’ourdou qui, pour CG, reste la langue de référence identitaire, celle-là même qu’il refuse désormais à sa mère.

Ourdou, anglais, coréen… et le français

98- E : et depuis que t’es arrivé en France / […] est-ce que c’est différent en fait ? quelles langues tu utilises ?
99-CG : NON / anglais et ourdou // mais je parle anglais qu’avec ma mère
100- E : AH donc / tu parles anglais avec ta maman alors qu’avant tu parlais ourdou avec ta maman ?
101- CG : oui
102- E : Donc ça / ça a changé depuis / euhh depuis que vous êtes en France ?
103- CG : oui [parle doucement]
104- E : et c’est toi qui veux plus parler en ourdou ? ou //
105 CG : oui
106- E : tu préfères ?
107- CG : hm [silence, acquiescements silencieux]
108- E : ouais ? d’accord / et avec tes frères tu parles toujours en anglais ?
109- CG : oui
110- E : et est-ce qu’il y a des mots d’ourdou qui viennent quand même ?
111- CG : hm/ oui

Une autre langue surgit, celle initiale de sa mère

45- E : […] est-ce que tes grands-parents par exemple / parlaient d’autres langues ?
46- CG : euuhhh oui
47-E : alors quelles langues ?
49- CG : langue africain euuhhh / […]
54- E : oui donc c’est les / par le papa et la maman de ta maman / qui parlaient une autre langue africaine ?
55- CG : oui
56- A1 : et est-ce que tu connais son nom ? à cette langue ?
57-59 CG : non […] euhh / comore / euh / je sais pas //

  • CG, scolarisé dans l’un des systèmes éducatifs les plus compétitifs, réceptif aux attentes scolaires, est enthousiaste quand on lui parle d’apprendre, trouve facile d’« apprendre les langues ».
  • Sa jubilation (« ouiiii »), contraste avec la réserve manifestée au début de l’atelier (Cf. Fiche Terrain1), au fil duquel cette personnalité discrète dévoile progressivement de grandes capacités de mémorisation, met en œuvre, face aux activités plurilingues, des stratégies d’observations et de mises en lien (comparaisons, transferts, rapprochements…) pour en déduire des hypothèses, montre sa compétence métalinguistique quand il explique le système si particulier de l’alphabet coréen (Cf. Fiche Contexte).
  • CG valorise son aussi fortement son répertoire, 3 langues distantes et différentes, l’ourdou, moins en usage mais restée signifiante, le coréen sa 1ère langue de scolarisation, et l’anglais, dans laquelle il aime « tout » faire, qu’il « préfère ».
  • L’anglais est plus facile que le français… auquel il trouve toutefois quelques ressemblances avec l’anglais…, ce qui, pour CG, pourrait produire un motif, un levier pour l’investissement de cette nouvelle langue de scolarisation / socialisation, peut-être appelée, en relation aux autres dans son répertoire plurilingue, à devenir co-identitaire.

Apprendre les langues… trop facile !

77- E : c’était pour toi facile d’apprendre les langues ?
78- CG : ouiiii
79- E : d’accord / pour toi c’était quelque chose de // / qui qui / // que tu enregistrais facilement ?
80- CG : [silence, acquiescements silencieux]

Sa préférée ? l’anglais, pour parler, lire et écrire

117- E : est-ce que pour toi il y a des langues que tu préfères pour […]
 faire telle ou telle chose par exemple ? […]tu préfères lire dans une langue / écrire dans une autre ? qu’est-ce que //
118- CG : anglais
119- E : alors vas-y dis-moi ce que tu préfères faire en anglais
120- CG : anglais / tout / tous les choses / anglais
121-123- E : aahh c’est l’anglais que tu préfères et […] pourquoi ?
124-CG : c’est facile
125-E : […] c’est plus facile en anglais ?
126-CG : oui
127-E : […] apprendre le français […] c’est difficile pour toi ?
128- CG : [silence, réflexion] je sais pas […]
130- CG : pas vraiment / mais ça ressemble un peu

… plus « facile » que le français,
estimé toutefois « ressembler » à l’anglais…
un levier pour l’investissement de la nouvelle langue de scolarisation / socialisation ?

A l’issue de l’entretien, CG a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de CG

Rapport hiérarchique entre ses langues
 Le « vainqueur » étant l’anglais…

12 ans, né en Corée

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • Garçon âgé de 12 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né à Séoul, en Corée du Sud, d’une mère d’origine africaine et d’un père pakistanais, installés en Corée pour des raisons professionnelles.
  • Scolarisé en Corée toute l’école primaire, puis au collège pendant 2 ans, au Pakistan, où la famille est installée en lien avec le travail du papa.
  • Arrivé en France en 2019, CG vit maintenant avec ses frères et sa mère. Il est scolarisé en classe de cinquième, bénéficie du dispositif UPE2A.
  • Particulièrement timide et silencieux lors des premières séances de l’atelier, cet enfant énigmatique au plurilinguisme complexe dévoile progressivement son potentiel et ses ressources.
  • Langues de première socialisation : ourdou, anglais, coréen. Laquelle / lesquelles sont langue(s) maternelle(s) ? CG hésite…
  • Langues de scolarisation : coréen, anglais, français (depuis 2018)
  • Autres langues citées : comorien (L1 de sa mère).
  • CG est né à Séoul, en Corée, ou plus exactement en République de Corée, dite Corée du Sud, séparée par frontière, depuis la fin des années 50, de la Corée du Nord. Mais ces conflits politiques ne concernent pas la biographie de CG, dont les parents, sa mère d’origine comorienne, et son père pakistanais, sont installés dans ce pays à l’activité économique dynamique pour des raisons professionnelles.
  • Ses parents ne pratiquent pas le coréen, mais pour CG, c’est la première langue de scolarisation, vecteur des interactions enfantines hors du foyer, langue des copains, et des apprentissages jusqu’à la fin de l’école primaire, où l’anglais est aussi enseigné (« langue-matière »).
  • A la maison, circulent déjà deux langues, l’ourdou, parlé avec ses deux parents et avec ses grands frères, ses ainés de 10 ans, avec qui il parle aussi « des fois » anglais, présent au sein du foyer. Mais l’histoire de CG est en outre marquée par plusieurs mobilités, séjours qu’il cite, en Inde et en Tanzanie, en lien avec le travail du papa, et surtout un second pays de résidence, le Pakistan, où l’ourdou est langue co-officielle avec l’anglais, sa deuxième langue de scolarisation, pour 2 ans au collège.
  • Quelle est sa « langue maternelle » ? La première langue citée est l’ourdou, mais il se ravise immédiatement : l’anglais, avant d’hésiter à nouveau, « je sais pas ». La proposition d’associer les deux langues lui donne alors à faire un autre choix : exclure l’anglais, et inclure le coréen….
  • Se joue-t-il de l’enquêtrice ? Dans ce parcours complexe, définir sa ou ses langues maternelle(s) n’a rien d’une évidence.

Un bilinguisme précoce ourdou-anglais,
une langue orale, une langue orale-écrite,
une troisième langue, le coréen, première langue de scolarisation

1- E : […] quelles langues tu parlais à la maison ?
2- CG : ourdou
3- E : ourdou / avec ton papa et ta maman ?
4- CG : oui […]
7- E : AH / alors avec tes frères […] ?
8- CG : ourdou
9- E : ourdou aussi / OK
10- CG : et des fois anglais
11- E : des fois anglais / avec / euh / ton papa et ta maman ? tes 12- CG : avec mes frères […]
17- E : […] ta langue maternelle c’est l’ourdou ? ou //
18- CG : anglais
19- E : AH //
20- CG : je sais pas
21- E : alors / tu peux // / est-ce que tu penses que tu as deux langues maternelles ? […] l’ourdou et l’anglais ?
22- CG : ourdou eeeet coréen
23- E : AH le coréen […] donc le coréen tu le parlais aussi avec ton papa et ta maman ?
26- CG : NON
27- E : non / AH [rire] / alors le coréen tu l’as appris comment ?
28- CG : euuhhh je parlais avec mes amis
29- E : et le coréen tu l’as appris en Corée à l’école ?
30- CG : oui

  • Il faut se représenter ce garçon de 12 ans, dont la langue initiale, en français dite « maternelle », n’est pas celle de sa mère, mais la langue de son père, l’ourdou, en usage quotidien dans les interactions familiales, et en contact avec l’anglais, présente à la maison et langue matière scolaire, puis langue de scolarisation au Pakistan.
  • Désigner et catégoriser sa ou ses langues maternelle(s) pose ainsi question à CG : selon quels critères ? La  langue de filiation, les deux vernaculaires familiaux, la langue des copains et des apprentissages scolaires, celle dans laquelle on est le plus compétent ? Cette question lui pose aussi peut-être certains conflits de loyauté : ne pas désigner l’une, est-ce la dénigrer ?
  • Ses discours montrent la diversité et l’étendue de ses savoirs-faire langagiers. Dans le répertoire initial, l’appropriation informelle et orale de l’ourdou, que CG ne sait pas écrire, en contact avec une appropriation entre formelle et informelle de l’anglais, pratiquée « des fois » avec les grands frères, et apprise à l’école comme matière scolaire, mais aussi du coréen, langue de relations d’amitiés enfantines, et langue de scolarisation tout au long du primaire.

Appropriation informelle et exclusivement orale de l’ourdou

31- E : donc […] tu parlais l’ourdou avec ton papa ta maman / ourdou et anglais […] avec tes frères / et coréen à l’école ? / c’est ça ?
32- CG : oui [réponse à peine audible]
33- E : […] l’ourdou tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ou juste pour parler ?
34- CG : juste pour parler
35- E : et tu sais // est-ce que tu sais l’écrire ?
36- CG : NON

Appropriation informelle (frères) et formelle (école) de l’anglais

37- E: […] l’anglais tu l’utilisais à l’oral et à l’écrit ?
38- CG : oui
39- E : d’accord / et le coréen ?
40- CG : euhh // oral / écrit
41- E : AH oral et écrit / les deux / d’accord donc tu as appris l’alphabet coréen ?
42- CG : oui
43- E : […] quand tu lisais des livres […] en quelles langues tu lisais les livres ?
44- CG : coréen et anglais
 […]
65- E : et alors à l’école en Corée // tu parlais coréen avec les enseignants ?
66- CG : oui
67- E : oui est-ce que tu as appris d’autres langues / à l’école / en Corée ?
68- CG : anglais
69- E : l’anglais / donc t’avais un cours d’anglais aussi là-bas ?
70- CG : oui

Appropriation formelle (école) et informelle du coréen (récréation)

71- E : […] avec tes copains copines à la récréation quelles langues tu parlais ?
72- CG : coréen
73- E : coréen / d’accord / avec des mots d’ang //? Est-ce que des fois tu utilisais l’anglais ? ou jamais ?
74- CG : JAMAIS
75- E: jamais / d’accord /

  • En 2019, CG est scolarisé en classe de cinquième, en français, sa troisième langue de scolarisation, dont l’entretien témoigne d’une appropriation déjà bien amorcée, de compétences de compréhension orale, mais aussi d’expression.
  • En France, les pratiques familiales ont changé, son papa ne vit plus au foyer. CG commence pourtant par affirmer que rien n’est différent : ourdou et anglais se parlent au foyer, mais se ravise : est-ce en lien avec l’absence du père, il précise que, dorénavant, il ne veut plus parler ourdou avec sa mère, mais seulement anglais, devenu le vernaculaire familial dominant.
  • L’évocation de ses grands-parents maternels fait surgir une autre langue, CG a entendu ce nom, « comore », mais il n’est pas sûr.
  • Dans toute la complexité de cette trajectoire plurilingue, cette langue comorienne* de la mère, a disparu des pratiques, est devenue floue dans son imaginaire. C’est l’ourdou qui, pour CG, reste la langue de référence identitaire, celle-là même qu’il refuse désormais à sa mère.

Ourdou, anglais, coréen… et le français

98- E : et depuis que t’es arrivé en France / […] est-ce que c’est différent en fait ? quelles langues tu utilises ?
99-CG : NON / anglais et ourdou // mais je parle anglais qu’avec ma mère
100- E : AH donc / tu parles anglais avec ta maman alors qu’avant tu parlais ourdou avec ta maman ?
101- CG : oui
102- E : Donc ça / ça a changé depuis / euhh depuis que vous êtes en France ?
103- CG : oui [parle doucement]
104- E : et c’est toi qui veux plus parler en ourdou ? ou //
105 CG : oui
106- E : tu préfères ?
107- CG : hm [silence, acquiescements silencieux]
108- E : ouais ? d’accord / et avec tes frères tu parles toujours en anglais ?
109- CG : oui
110- E : et est-ce qu’il y a des mots d’ourdou qui viennent quand même ?
111- CG : hm/ oui

Une autre langue surgit, celle initiale de sa mère

45- E : […] est-ce que tes grands-parents par exemple / parlaient d’autres langues ?
46- CG : euuhhh oui
47-E : alors quelles langues ?
49- CG : langue africain euuhhh / […]
54- E : oui donc c’est les / par le papa et la maman de ta maman / qui parlaient une autre langue africaine ?
55- CG : oui
56- A1 : et est-ce que tu connais son nom ? à cette langue ?
57-59 CG : non […] euhh / comore / euh / je sais pas //

  • CG, scolarisé dans l’un des systèmes éducatifs les plus compétitifs, réceptif aux attentes scolaires, est enthousiaste quand on lui parle d’apprendre, trouve facile d’« apprendre les langues ».
  • Sa jubilation (« ouiiii »), contraste avec la réserve manifestée au début de l’atelier (Cf. Fiche Terrain1), au fil duquel cette personnalité discrète dévoile progressivement de grandes capacités de mémorisation, met en œuvre, face aux activités plurilingues, des stratégies d’observations et de mises en lien (comparaisons, transferts, rapprochements…) pour en déduire des hypothèses, montre sa compétence métalinguistique quand il explique le système si particulier de l’alphabet coréen (Cf. Fiche Contexte).
  • CG valorise son aussi fortement son répertoire, 3 langues distantes et différentes, l’ourdou, moins en usage mais restée signifiante, le coréen sa 1ère langue de scolarisation, et l’anglais, dans laquelle il aime « tout » faire, qu’il « préfère ».
  • L’anglais est plus facile que le français… auquel il trouve toutefois quelques ressemblances avec l’anglais…, ce qui, pour CG, pourrait produire un motif, un levier pour l’investissement de cette nouvelle langue de scolarisation / socialisation, peut-être appelée, en relation aux autres dans son répertoire plurilingue, à devenir co-identitaire.

Apprendre les langues… trop facile !

77- E : c’était pour toi facile d’apprendre les langues ?
78- CG : ouiiii
79- E : d’accord / pour toi c’était quelque chose de // / qui qui / // que tu enregistrais facilement ?
80- CG : [silence, acquiescements silencieux]

Sa préférée ? l’anglais, pour parler, lire et écrire

117- E : est-ce que pour toi il y a des langues que tu préfères pour […]
 faire telle ou telle chose par exemple ? […]tu préfères lire dans une langue / écrire dans une autre ? qu’est-ce que //
118- CG : anglais
119- E : alors vas-y dis-moi ce que tu préfères faire en anglais
120- CG : anglais / tout / tous les choses / anglais
121-123- E : aahh c’est l’anglais que tu préfères et […] pourquoi ?
124-CG : c’est facile
125-E : […] c’est plus facile en anglais ?
126-CG : oui
127-E : […] apprendre le français […] c’est difficile pour toi ?
128- CG : [silence, réflexion] je sais pas […]
130- CG : pas vraiment / mais ça ressemble un peu

… plus « facile » que le français,
estimé toutefois « ressembler » à l’anglais…
un levier pour l’investissement de la nouvelle langue de scolarisation / socialisation ?

A l’issue de l’entretien, CG a accepté de « dessiner son répertoire de langues » Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de CG

Rapport hiérarchique entre ses langues
 Le « vainqueur » étant l’anglais…