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11 ans, né en Colombie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • SL a 11 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né en Colombie, sa langue première est l’espagnol, dans laquelle il a été scolarisé en primaire et au début du secondaire.
  • Arrivé en France avec ses parents et sa sœur fin 2018 (lieu d’expatriation professionnelle du père), SL est entré en classe de cinquième, bénéficie en soutien du dispositif UPE2A.
  • Précédemment scolarisé de façon très régulière, ses habitudes d’apprentissage semblent très proches de celles qu’il découvre en France.
  • Compétiteur, SL fait preuve d’un engagement fort dans ses apprentissages et montre une grande volonté d’adaptation à sa nouvelle vie scolaire.
  • Langue maternelle : espagnol
  • Langues de scolarisation : espagnol, français (depuis 2019)
  • LV1 : anglais. LV2 : français.
  • Autre langue connue : portugais
  • SL, 11 ans, est colombien. Sa langue maternelle est l’espagnol, la langue officielle de son pays de naissance et de socialisation initiale, marqué par une politique linguistique d’unilinguisme masquant une réalité langagière historiquement hétérogène, diverses langues amérindiennes, auxquelles les discours de SL ne font toutefois aucunement mention, manifestement absentes de son imaginaire linguistique.
  • Ainsi contrairement à DA ou RU autres témoins de ces portraits, le répertoire initial de SL n’est pas pluriel mais monolingue, sa langue de scolarisation est aussi celle dans et en référence à laquelle il s’est construit, langue de filiation familiale et d’affiliation sociale. Il n’a pas non plus le même profil social et son parcours de scolarisation antérieur apparait avoir été stable.
  • Pour autant, son répertoire n’est pas monolingue, mais son plurilinguisme s’est essentiellement construit par les apprentissages scolaires, l’anglais mais aussi le français, qu’il avait aussi déjà commencé à apprendre à l’école en Colombie.
  • Il cite aussi le portugais, dans laquelle il a informellement construit, dans la sphère amicale, des compétences de compréhension orale mais aussi écrite, ce qui a été facilité par la proximité linguistique. S’il ne maitrise pas cette langue en production, il semble ne ressentir aucune honte ou insécurité linguistique à ce sujet, ce qui montre que l’appropriation du portugais ne sous-tend pour lui pas d’enjeux socio-identitaires.

Une seule langue maternelle, d’autres langues rencontrées, informellement acquises ou apprises à l’école

Deuxième passage 0:45 => 1 :41

3- E : […] est-ce que tu utilisais d’autres langues ? ou est-ce que tu as entendu d’autres langues ?
4- SL : oui le portugais
5- E : le portugais, d’accord, avec euh/
6- SL : avec mes amis
7- E : avec tes amis, d’accord, donc c’est une langue que tu comprenais ?
8- SL : oui
9- E : mais que tu ne parlais pas ?
10- SL : oui c’est ça
11- E : d’accord, OK […] / /donc ça c’était plus à l’oral, et est-ce que tu comprenais aussi le portugais à l’écrit ? […]
12- SL : à l’écrit oui, mais j’écris pas le portugais
13- E : d’accord, donc tu savais le comprendre à l’oral et à l’écrit, par contre tu savais pas le parler et pas l’écrire, enfin tu/
14- SL : oui

Exploitation de son répertoire pour le développement de stratégies d’intercompréhension

Acceptation de l’asymétrie de certaines de ses compétences, dénuées d’enjeux

  • A son arrivée en France SL semble entrer sans difficulté dans ce nouvel apprentissage de la langue française, langue matière peu pratiquée jusqu’alors devenue langue du quotidien, langue de scolarisation et de socialisation dans ce nouveau contexte de vie.
  • Au collège, SL intègre une classe de cinquième et bénéficie du dispositif UPE2A six heures par semaine. Au regard de son aisance, de son parcours scolaire et du test de positionnement initial il intègre directement le groupe « avancé » dans lequel il étonne par son adaptation très rapide et ses facultés de compréhension.
  • Un comportement d’ouverture et une participation active sont également notés non seulement par l’enseignante de FLS mais également par les enseignants des autres matières.
  • En classe, SL prend souvent la parole en français et en espagnol ; parfois même en anglais. Il a recours à son répertoire et utilise un déjà-là linguistique pluriel sans complexe. Habitudes scolaires et techniques d’apprentissage développées en Colombie sont pleinement réinvesties au collège en France.
  • La pluralité de son répertoire constitue en sorte un socle sur lequel il s’appuie pour construire de nouvelles connaissances linguistiques et langagières. Freiné d’aucune dévalorisation ou illégitimité, il aborde avec envie et enthousiasme toute nouvelle langue dans son répertoire. Comparaisons, transferts, et tentatives suivront.

Des langues légitimées scolairement
Un déjà-là linguistique assumé,
base de nouveaux apprentissages

17- E : Donc à l’école / en Colombie / quelles langues tu / tu pratiquais ? quelles langues tu as aussi apprises là-bas ?
18- SL : j’ai pratiqué le / l’espagnol mais j’ai appris le / l’anglais
19- E : l’anglais / d’accord / donc euh l’anglais / comme / comme ici en France / c’était une langue /une langue dans ton programme scolaire ?
20- SL : oui
21- E : oui d’accord / donc c’était un enseignant euh anglais ? ou un enseignant colombien qui / qui vous donnait des cours d’anglais ?
22- SL : C’est / c’est euh / la deuxième
23- E : donc un enseignant colombien […]
24- SL : oui
25- E : d’accord et quand il vous donnait des cours d’anglais / il parlait espagnol et anglais en même temps ?
26- SL : euh //
27- E : ou plus anglais ?
28- SL : pas toujours les mêmes langues
29- E : ah d’accord
30- SL : oui / il y a / il y a des horaires / par exemple le lundi tout anglais et le mardi espagnol anglais
31- E : d’accord / donc il y avait des journées où il utilisait tout le temps l’anglais
32- SL : oui […] c’est comme un petit test

  • Dans les pratiques langagières familiales, depuis l’arrivée en France, l’espagnol a conservé son statut et sa place de langue vernaculaire dominant, et par rapport à laquelle SL affiche un attachement et une fierté manifestes.
  • La situation pourtant évolue, le français commence à pénétrer la sphère privée et de l’intimité. SL le remarque surtout avec sa sœur, avec qui il partage l’expérience du français à l’école et dans les nouvelles expériences et relations amicales, du français de tous les jours… dont ils font ensemble de plus en plus usage quand ils discutent tous les deux.
  • Au sein de la famille les pratiques deviennent ainsi bilingues, avec une asymétrie des compétences entre les enfants et les parents encore peu francophones, qui comprennent mais peinent encore à parler le français. On ressent dans les discours de SL un investissement familial fort de la langue, encouragée par les parents dans la pratique des enfants dans la perspective d’une réussite scolaire, dans un projet d’intégration qui confère pourtant à la langue familiale un statut et des fonctions fortes, en tant que langue de filiation et vernaculaire maintenu dans les échanges, désormais en contact avec le français.
  • Le portugais, citée comme langue d’usage en Colombie par SL, comprise à l’écrit et à l’oral, semble disparaitre de son discours à cette nouvelle étape de vie mais pas complètement…

Une fierté affichée pour sa langue maternelle, un investissement progressif du français jusque dans l’intimité des interactions familiales… encouragé par les parents, eux-même encore peu francophones

82- E : depuis ton arrivée en France / […] quelles langues tu parles avec ton papa / ta maman […] avec tes frères et sœurs ?
83- SL : ESPAGNOL
84- E : espagnol
85- SL : et un petit peu français avec ma sœur [… ]
88- E : […] avec ta sœur avant tu ne parlais pas français avec elle et depuis que t’es en France / tu parles français avec elle ?
89- SL : oui c’est ça […]
92- E : […] quand le soir vous rentrez à la maison et que tu veux lui raconter ta journée / est-ce que tu lui racontes en espagnol ? […] en français ?
93- SL : en français
94- E : tu lui racontes en français / d’accord OK / et ta petite sœur elle te répond // en français ?
95- SL : en français / oui
96- E : en français / et ton papa et ta maman / ils comprennent le français ?
97- SL : oui ils comprend / mais ils sont… / sait pas com // comment // s’expresser […]
100- E : donc s’ils veulent participer à la conversation / eux / ils vont prendre la parole en espagnol ?
101- SL : oui

Concilier les langues pour les investir comme co-identitaires

  • SL aime les langues, aime les apprendre, conscient que ça peut l’aider à « relationner » (hispanisme) avec les gens, mais aussi parce qu’il trouve cela facile, et même de plus en plus facile, chaque langue apprise lui apportant toujours plus de clés pour entrer dans l’appropriation, de compétences à apprendre.
  • Il a pleinement conscience de la proximité entre l’espagnol, le portugais et le français, qui lui apparaissent toutes liées, « il y a des mots qué on comprend », «  ya plusieurs mots qui sont pareils »
  • Il met en avant leur filiation latine commune, sur laquelle il s’appuie et qui l’a rassuré dans son appréhension de cette nouvelle langue, à laquelle il attribue la progression rapide de ses apprentissages : « c’est pour ça que j’avance vite ».
  • SL adopte une posture de recherche des ressemblances entre ses langues.
  • On voit dans les discours de SL la manière dont sa stratégie est d’apprendre par mises en relations, naviguant constamment entre les langues à la recherche de ressemblances, ce qu’il réinvestit aussi au profil de l’apprentissage de l’anglais.

40- E : alors après / euh est-ce que toi tu as aimé apprendre ces langues ? […]
41- SL : oui je les aime / parce qué chaque / chaque fois qué / on apprend chaque langue / on va pro / on va progresser plus […]
46- E : c’est […] ce que toi t’as vécu par exemple ? t’as appris l’espagnol / après t’as appris / le portugais / après t’as appris l’anglais / maintenant tu parles le français // est-ce que c’est ton expérience qui te fait dire que à chaque fois c’est plus facile en fait?
47-SL : OUI
49- E : d’accord
50- SL : parce qué si on rencontre un personne qui ne parle pas espagnol ooo / on peut dire s’il parle français ou il parle portugais
51- E : AH c’est-à-dire que t’arrives à reconnaître […] quelle langue parle telle ou telle personne
52- SL : oui                                                                                                 
54- SL : et c’est plus meilleur pour pourrrr rélationner avec les personnes
55- E : pour communiquer avec les gens
56- SL : oui pour communiquer
57- E : est-ce que c’est facile ou difficile pour toi d’apprendre une nouvelle langue ?
58- SL : oui c’est facile
59- E : et pourquoi c’est facile ?
60- SL : parce que / bah il y a des mots qué / qu’on comprend et /// et c’est tout
61- E : ah d’accord il y a des mots que tu comprends / c’est-à-dire que / hummm / […] par exemple pour apprendre le français ou apprendre l’anglais tu vas retrouver des mots d’espagnol ?
62- SL : oui
 […]
76-78 SL : les mots / y’a /// y’a plusieurs de mots qui […] qui sont pareils…
79- E : […] des mots qui se ressemblent ?
80- SL : qui se ressemblent parce que le français et l’espagnol c’est /// c’est deux langues qui vient du mot latin / c’est pour ça qué /// que j’avance vite dans /// dans le français

A l’issue de l’entretien, SL a accepté de se prêter au jeu de « dessiner son répertoire de langues »
Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de SL

Exploitation de la parentalité de ses langues

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

11 ans, né en Colombie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • SL a 11 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né en Colombie, sa langue première est l’espagnol, dans laquelle il a été scolarisé en primaire et au début du secondaire.
  • Arrivé en France avec ses parents et sa sœur fin 2018 (lieu d’expatriation professionnelle du père), SL est entré en classe de cinquième, bénéficie en soutien du dispositif UPE2A.
  • Précédemment scolarisé de façon très régulière, ses habitudes d’apprentissage semblent très proches de celles qu’il découvre en France.
  • Compétiteur, SL fait preuve d’un engagement fort dans ses apprentissages et montre une grande volonté d’adaptation à sa nouvelle vie scolaire.
  • Langue maternelle : espagnol
  • Langues de scolarisation : espagnol, français (depuis 2019)
  • LV1 : anglais. LV2 : français.
  • Autre langue connue : portugais
  • SL, 11 ans, est colombien. Sa langue maternelle est l’espagnol, la langue officielle de son pays de naissance et de socialisation initiale, marqué par une politique linguistique d’unilinguisme masquant une réalité langagière historiquement hétérogène, diverses langues amérindiennes, auxquelles les discours de SL ne font toutefois aucunement mention, manifestement absentes de son imaginaire linguistique.
  • Ainsi contrairement à DA ou RU autres témoins de ces portraits, le répertoire initial de SL n’est pas pluriel mais monolingue, sa langue de scolarisation est aussi celle dans et en référence à laquelle il s’est construit, langue de filiation familiale et d’affiliation sociale. Il n’a pas non plus le même profil social et son parcours de scolarisation antérieur apparait avoir été stable.
  • Pour autant, son répertoire n’est pas monolingue, mais son plurilinguisme s’est essentiellement construit par les apprentissages scolaires, l’anglais mais aussi le français, qu’il avait aussi déjà commencé à apprendre à l’école en Colombie.
  • Il cite aussi le portugais, dans laquelle il a informellement construit, dans la sphère amicale, des compétences de compréhension orale mais aussi écrite, ce qui a été facilité par la proximité linguistique. S’il ne maitrise pas cette langue en production, il semble ne ressentir aucune honte ou insécurité linguistique à ce sujet, ce qui montre que l’appropriation du portugais ne sous-tend pour lui pas d’enjeux socio-identitaires.

Une seule langue maternelle, d’autres langues rencontrées, informellement acquises ou apprises à l’école

Deuxième passage 0:45 => 1 :41

3- E : […] est-ce que tu utilisais d’autres langues ? ou est-ce que tu as entendu d’autres langues ?
4- SL : oui le portugais
5- E : le portugais, d’accord, avec euh/
6- SL : avec mes amis
7- E : avec tes amis, d’accord, donc c’est une langue que tu comprenais ?
8- SL : oui
9- E : mais que tu ne parlais pas ?
10- SL : oui c’est ça
11- E : d’accord, OK […] / /donc ça c’était plus à l’oral, et est-ce que tu comprenais aussi le portugais à l’écrit ? […]
12- SL : à l’écrit oui, mais j’écris pas le portugais
13- E : d’accord, donc tu savais le comprendre à l’oral et à l’écrit, par contre tu savais pas le parler et pas l’écrire, enfin tu/
14- SL : oui

Exploitation de son répertoire pour le développement de stratégies d’intercompréhension

Acceptation de l’asymétrie de certaines de ses compétences, dénuées d’enjeux

  • A son arrivée en France SL semble entrer sans difficulté dans ce nouvel apprentissage de la langue française, langue matière peu pratiquée jusqu’alors devenue langue du quotidien, langue de scolarisation et de socialisation dans ce nouveau contexte de vie.
  • Au collège, SL intègre une classe de cinquième et bénéficie du dispositif UPE2A six heures par semaine. Au regard de son aisance, de son parcours scolaire et du test de positionnement initial il intègre directement le groupe « avancé » dans lequel il étonne par son adaptation très rapide et ses facultés de compréhension.
  • Un comportement d’ouverture et une participation active sont également notés non seulement par l’enseignante de FLS mais également par les enseignants des autres matières.
  • En classe, SL prend souvent la parole en français et en espagnol ; parfois même en anglais. Il a recours à son répertoire et utilise un déjà-là linguistique pluriel sans complexe. Habitudes scolaires et techniques d’apprentissage développées en Colombie sont pleinement réinvesties au collège en France.
  • La pluralité de son répertoire constitue en sorte un socle sur lequel il s’appuie pour construire de nouvelles connaissances linguistiques et langagières. Freiné d’aucune dévalorisation ou illégitimité, il aborde avec envie et enthousiasme toute nouvelle langue dans son répertoire. Comparaisons, transferts, et tentatives suivront.

Des langues légitimées scolairement
Un déjà-là linguistique assumé,
base de nouveaux apprentissages

17- E : Donc à l’école / en Colombie / quelles langues tu / tu pratiquais ? quelles langues tu as aussi apprises là-bas ?
18- SL : j’ai pratiqué le / l’espagnol mais j’ai appris le / l’anglais
19- E : l’anglais / d’accord / donc euh l’anglais / comme / comme ici en France / c’était une langue /une langue dans ton programme scolaire ?
20- SL : oui
21- E : oui d’accord / donc c’était un enseignant euh anglais ? ou un enseignant colombien qui / qui vous donnait des cours d’anglais ?
22- SL : C’est / c’est euh / la deuxième
23- E : donc un enseignant colombien […]
24- SL : oui
25- E : d’accord et quand il vous donnait des cours d’anglais / il parlait espagnol et anglais en même temps ?
26- SL : euh //
27- E : ou plus anglais ?
28- SL : pas toujours les mêmes langues
29- E : ah d’accord
30- SL : oui / il y a / il y a des horaires / par exemple le lundi tout anglais et le mardi espagnol anglais
31- E : d’accord / donc il y avait des journées où il utilisait tout le temps l’anglais
32- SL : oui […] c’est comme un petit test

  • Dans les pratiques langagières familiales, depuis l’arrivée en France, l’espagnol a conservé son statut et sa place de langue vernaculaire dominant, et par rapport à laquelle SL affiche un attachement et une fierté manifestes.
  • La situation pourtant évolue, le français commence à pénétrer la sphère privée et de l’intimité. SL le remarque surtout avec sa sœur, avec qui il partage l’expérience du français à l’école et dans les nouvelles expériences et relations amicales, du français de tous les jours… dont ils font ensemble de plus en plus usage quand ils discutent tous les deux.
  • Au sein de la famille les pratiques deviennent ainsi bilingues, avec une asymétrie des compétences entre les enfants et les parents encore peu francophones, qui comprennent mais peinent encore à parler le français. On ressent dans les discours de SL un investissement familial fort de la langue, encouragée par les parents dans la pratique des enfants dans la perspective d’une réussite scolaire, dans un projet d’intégration qui confère pourtant à la langue familiale un statut et des fonctions fortes, en tant que langue de filiation et vernaculaire maintenu dans les échanges, désormais en contact avec le français.
  • Le portugais, citée comme langue d’usage en Colombie par SL, comprise à l’écrit et à l’oral, semble disparaitre de son discours à cette nouvelle étape de vie mais pas complètement…

Une fierté affichée pour sa langue maternelle, un investissement progressif du français jusque dans l’intimité des interactions familiales… encouragé par les parents, eux-même encore peu francophones

82- E : depuis ton arrivée en France / […] quelles langues tu parles avec ton papa / ta maman […] avec tes frères et sœurs ?
83- SL : ESPAGNOL
84- E : espagnol
85- SL : et un petit peu français avec ma sœur [… ]
88- E : […] avec ta sœur avant tu ne parlais pas français avec elle et depuis que t’es en France / tu parles français avec elle ?
89- SL : oui c’est ça […]
92- E : […] quand le soir vous rentrez à la maison et que tu veux lui raconter ta journée / est-ce que tu lui racontes en espagnol ? […] en français ?
93- SL : en français
94- E : tu lui racontes en français / d’accord OK / et ta petite sœur elle te répond // en français ?
95- SL : en français / oui
96- E : en français / et ton papa et ta maman / ils comprennent le français ?
97- SL : oui ils comprend / mais ils sont… / sait pas com // comment // s’expresser […]
100- E : donc s’ils veulent participer à la conversation / eux / ils vont prendre la parole en espagnol ?
101- SL : oui

Concilier les langues pour les investir comme co-identitaires

  • SL aime les langues, aime les apprendre, conscient que ça peut l’aider à « relationner » (hispanisme) avec les gens, mais aussi parce qu’il trouve cela facile, et même de plus en plus facile, chaque langue apprise lui apportant toujours plus de clés pour entrer dans l’appropriation, de compétences à apprendre.
  • Il a pleinement conscience de la proximité entre l’espagnol, le portugais et le français, qui lui apparaissent toutes liées, « il y a des mots qué on comprend », «  ya plusieurs mots qui sont pareils »
  • Il met en avant leur filiation latine commune, sur laquelle il s’appuie et qui l’a rassuré dans son appréhension de cette nouvelle langue, à laquelle il attribue la progression rapide de ses apprentissages : « c’est pour ça que j’avance vite ».
  • SL adopte une posture de recherche des ressemblances entre ses langues.
  • On voit dans les discours de SL la manière dont sa stratégie est d’apprendre par mises en relations, naviguant constamment entre les langues à la recherche de ressemblances, ce qu’il réinvestit aussi au profil de l’apprentissage de l’anglais.

40- E : alors après / euh est-ce que toi tu as aimé apprendre ces langues ? […]
41- SL : oui je les aime / parce qué chaque / chaque fois qué / on apprend chaque langue / on va pro / on va progresser plus […]
46- E : c’est […] ce que toi t’as vécu par exemple ? t’as appris l’espagnol / après t’as appris / le portugais / après t’as appris l’anglais / maintenant tu parles le français // est-ce que c’est ton expérience qui te fait dire que à chaque fois c’est plus facile en fait?
47-SL : OUI
49- E : d’accord
50- SL : parce qué si on rencontre un personne qui ne parle pas espagnol ooo / on peut dire s’il parle français ou il parle portugais
51- E : AH c’est-à-dire que t’arrives à reconnaître […] quelle langue parle telle ou telle personne
52- SL : oui                                                                                                 
54- SL : et c’est plus meilleur pour pourrrr rélationner avec les personnes
55- E : pour communiquer avec les gens
56- SL : oui pour communiquer
57- E : est-ce que c’est facile ou difficile pour toi d’apprendre une nouvelle langue ?
58- SL : oui c’est facile
59- E : et pourquoi c’est facile ?
60- SL : parce que / bah il y a des mots qué / qu’on comprend et /// et c’est tout
61- E : ah d’accord il y a des mots que tu comprends / c’est-à-dire que / hummm / […] par exemple pour apprendre le français ou apprendre l’anglais tu vas retrouver des mots d’espagnol ?
62- SL : oui
 […]
76-78 SL : les mots / y’a /// y’a plusieurs de mots qui […] qui sont pareils…
79- E : […] des mots qui se ressemblent ?
80- SL : qui se ressemblent parce que le français et l’espagnol c’est /// c’est deux langues qui vient du mot latin / c’est pour ça qué /// que j’avance vite dans /// dans le français

A l’issue de l’entretien, SL a accepté de se prêter au jeu de « dessiner son répertoire de langues »
Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de SL

Exploitation de la parentalité de ses langues

11 ans, né en Colombie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • SL a 11 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né en Colombie, sa langue première est l’espagnol, dans laquelle il a été scolarisé en primaire et au début du secondaire.
  • Arrivé en France avec ses parents et sa sœur fin 2018 (lieu d’expatriation professionnelle du père), SL est entré en classe de cinquième, bénéficie en soutien du dispositif UPE2A.
  • Précédemment scolarisé de façon très régulière, ses habitudes d’apprentissage semblent très proches de celles qu’il découvre en France.
  • Compétiteur, SL fait preuve d’un engagement fort dans ses apprentissages et montre une grande volonté d’adaptation à sa nouvelle vie scolaire.
  • Langue maternelle : espagnol
  • Langues de scolarisation : espagnol, français (depuis 2019)
  • LV1 : anglais. LV2 : français.
  • Autre langue connue : portugais
  • SL, 11 ans, est colombien. Sa langue maternelle est l’espagnol, la langue officielle de son pays de naissance et de socialisation initiale, marqué par une politique linguistique d’unilinguisme masquant une réalité langagière historiquement hétérogène, diverses langues amérindiennes, auxquelles les discours de SL ne font toutefois aucunement mention, manifestement absentes de son imaginaire linguistique.
  • Ainsi contrairement à DA ou RU autres témoins de ces portraits, le répertoire initial de SL n’est pas pluriel mais monolingue, sa langue de scolarisation est aussi celle dans et en référence à laquelle il s’est construit, langue de filiation familiale et d’affiliation sociale. Il n’a pas non plus le même profil social et son parcours de scolarisation antérieur apparait avoir été stable.
  • Pour autant, son répertoire n’est pas monolingue, mais son plurilinguisme s’est essentiellement construit par les apprentissages scolaires, l’anglais mais aussi le français, qu’il avait aussi déjà commencé à apprendre à l’école en Colombie.
  • Il cite aussi le portugais, dans laquelle il a informellement construit, dans la sphère amicale, des compétences de compréhension orale mais aussi écrite, ce qui a été facilité par la proximité linguistique. S’il ne maitrise pas cette langue en production, il semble ne ressentir aucune honte ou insécurité linguistique à ce sujet, ce qui montre que l’appropriation du portugais ne sous-tend pour lui pas d’enjeux socio-identitaires.

Une seule langue maternelle, d’autres langues rencontrées, informellement acquises ou apprises à l’école

Deuxième passage 0:45 => 1 :41

3- E : […] est-ce que tu utilisais d’autres langues ? ou est-ce que tu as entendu d’autres langues ?
4- SL : oui le portugais
5- E : le portugais, d’accord, avec euh/
6- SL : avec mes amis
7- E : avec tes amis, d’accord, donc c’est une langue que tu comprenais ?
8- SL : oui
9- E : mais que tu ne parlais pas ?
10- SL : oui c’est ça
11- E : d’accord, OK […] / /donc ça c’était plus à l’oral, et est-ce que tu comprenais aussi le portugais à l’écrit ? […]
12- SL : à l’écrit oui, mais j’écris pas le portugais
13- E : d’accord, donc tu savais le comprendre à l’oral et à l’écrit, par contre tu savais pas le parler et pas l’écrire, enfin tu/
14- SL : oui

Exploitation de son répertoire pour le développement de stratégies d’intercompréhension

Acceptation de l’asymétrie de certaines de ses compétences, dénuées d’enjeux

  • A son arrivée en France SL semble entrer sans difficulté dans ce nouvel apprentissage de la langue française, langue matière peu pratiquée jusqu’alors devenue langue du quotidien, langue de scolarisation et de socialisation dans ce nouveau contexte de vie.
  • Au collège, SL intègre une classe de cinquième et bénéficie du dispositif UPE2A six heures par semaine. Au regard de son aisance, de son parcours scolaire et du test de positionnement initial il intègre directement le groupe « avancé » dans lequel il étonne par son adaptation très rapide et ses facultés de compréhension.
  • Un comportement d’ouverture et une participation active sont également notés non seulement par l’enseignante de FLS mais également par les enseignants des autres matières.
  • En classe, SL prend souvent la parole en français et en espagnol ; parfois même en anglais. Il a recours à son répertoire et utilise un déjà-là linguistique pluriel sans complexe. Habitudes scolaires et techniques d’apprentissage développées en Colombie sont pleinement réinvesties au collège en France.
  • La pluralité de son répertoire constitue en sorte un socle sur lequel il s’appuie pour construire de nouvelles connaissances linguistiques et langagières. Freiné d’aucune dévalorisation ou illégitimité, il aborde avec envie et enthousiasme toute nouvelle langue dans son répertoire. Comparaisons, transferts, et tentatives suivront.

Des langues légitimées scolairement
Un déjà-là linguistique assumé,
base de nouveaux apprentissages

17- E : Donc à l’école / en Colombie / quelles langues tu / tu pratiquais ? quelles langues tu as aussi apprises là-bas ?
18- SL : j’ai pratiqué le / l’espagnol mais j’ai appris le / l’anglais
19- E : l’anglais / d’accord / donc euh l’anglais / comme / comme ici en France / c’était une langue /une langue dans ton programme scolaire ?
20- SL : oui
21- E : oui d’accord / donc c’était un enseignant euh anglais ? ou un enseignant colombien qui / qui vous donnait des cours d’anglais ?
22- SL : C’est / c’est euh / la deuxième
23- E : donc un enseignant colombien […]
24- SL : oui
25- E : d’accord et quand il vous donnait des cours d’anglais / il parlait espagnol et anglais en même temps ?
26- SL : euh //
27- E : ou plus anglais ?
28- SL : pas toujours les mêmes langues
29- E : ah d’accord
30- SL : oui / il y a / il y a des horaires / par exemple le lundi tout anglais et le mardi espagnol anglais
31- E : d’accord / donc il y avait des journées où il utilisait tout le temps l’anglais
32- SL : oui […] c’est comme un petit test

  • Dans les pratiques langagières familiales, depuis l’arrivée en France, l’espagnol a conservé son statut et sa place de langue vernaculaire dominant, et par rapport à laquelle SL affiche un attachement et une fierté manifestes.
  • La situation pourtant évolue, le français commence à pénétrer la sphère privée et de l’intimité. SL le remarque surtout avec sa sœur, avec qui il partage l’expérience du français à l’école et dans les nouvelles expériences et relations amicales, du français de tous les jours… dont ils font ensemble de plus en plus usage quand ils discutent tous les deux.
  • Au sein de la famille les pratiques deviennent ainsi bilingues, avec une asymétrie des compétences entre les enfants et les parents encore peu francophones, qui comprennent mais peinent encore à parler le français. On ressent dans les discours de SL un investissement familial fort de la langue, encouragée par les parents dans la pratique des enfants dans la perspective d’une réussite scolaire, dans un projet d’intégration qui confère pourtant à la langue familiale un statut et des fonctions fortes, en tant que langue de filiation et vernaculaire maintenu dans les échanges, désormais en contact avec le français.
  • Le portugais, citée comme langue d’usage en Colombie par SL, comprise à l’écrit et à l’oral, semble disparaitre de son discours à cette nouvelle étape de vie mais pas complètement…

Une fierté affichée pour sa langue maternelle, un investissement progressif du français jusque dans l’intimité des interactions familiales… encouragé par les parents, eux-même encore peu francophones

82- E : depuis ton arrivée en France / […] quelles langues tu parles avec ton papa / ta maman […] avec tes frères et sœurs ?
83- SL : ESPAGNOL
84- E : espagnol
85- SL : et un petit peu français avec ma sœur [… ]
88- E : […] avec ta sœur avant tu ne parlais pas français avec elle et depuis que t’es en France / tu parles français avec elle ?
89- SL : oui c’est ça […]
92- E : […] quand le soir vous rentrez à la maison et que tu veux lui raconter ta journée / est-ce que tu lui racontes en espagnol ? […] en français ?
93- SL : en français
94- E : tu lui racontes en français / d’accord OK / et ta petite sœur elle te répond // en français ?
95- SL : en français / oui
96- E : en français / et ton papa et ta maman / ils comprennent le français ?
97- SL : oui ils comprend / mais ils sont… / sait pas com // comment // s’expresser […]
100- E : donc s’ils veulent participer à la conversation / eux / ils vont prendre la parole en espagnol ?
101- SL : oui

Concilier les langues pour les investir comme co-identitaires

  • SL aime les langues, aime les apprendre, conscient que ça peut l’aider à « relationner » (hispanisme) avec les gens, mais aussi parce qu’il trouve cela facile, et même de plus en plus facile, chaque langue apprise lui apportant toujours plus de clés pour entrer dans l’appropriation, de compétences à apprendre.
  • Il a pleinement conscience de la proximité entre l’espagnol, le portugais et le français, qui lui apparaissent toutes liées, « il y a des mots qué on comprend », «  ya plusieurs mots qui sont pareils »
  • Il met en avant leur filiation latine commune, sur laquelle il s’appuie et qui l’a rassuré dans son appréhension de cette nouvelle langue, à laquelle il attribue la progression rapide de ses apprentissages : « c’est pour ça que j’avance vite ».
  • SL adopte une posture de recherche des ressemblances entre ses langues.
  • On voit dans les discours de SL la manière dont sa stratégie est d’apprendre par mises en relations, naviguant constamment entre les langues à la recherche de ressemblances, ce qu’il réinvestit aussi au profil de l’apprentissage de l’anglais.

40- E : alors après / euh est-ce que toi tu as aimé apprendre ces langues ? […]
41- SL : oui je les aime / parce qué chaque / chaque fois qué / on apprend chaque langue / on va pro / on va progresser plus […]
46- E : c’est […] ce que toi t’as vécu par exemple ? t’as appris l’espagnol / après t’as appris / le portugais / après t’as appris l’anglais / maintenant tu parles le français // est-ce que c’est ton expérience qui te fait dire que à chaque fois c’est plus facile en fait?
47-SL : OUI
49- E : d’accord
50- SL : parce qué si on rencontre un personne qui ne parle pas espagnol ooo / on peut dire s’il parle français ou il parle portugais
51- E : AH c’est-à-dire que t’arrives à reconnaître […] quelle langue parle telle ou telle personne
52- SL : oui                                                                                                 
54- SL : et c’est plus meilleur pour pourrrr rélationner avec les personnes
55- E : pour communiquer avec les gens
56- SL : oui pour communiquer
57- E : est-ce que c’est facile ou difficile pour toi d’apprendre une nouvelle langue ?
58- SL : oui c’est facile
59- E : et pourquoi c’est facile ?
60- SL : parce que / bah il y a des mots qué / qu’on comprend et /// et c’est tout
61- E : ah d’accord il y a des mots que tu comprends / c’est-à-dire que / hummm / […] par exemple pour apprendre le français ou apprendre l’anglais tu vas retrouver des mots d’espagnol ?
62- SL : oui
 […]
76-78 SL : les mots / y’a /// y’a plusieurs de mots qui […] qui sont pareils…
79- E : […] des mots qui se ressemblent ?
80- SL : qui se ressemblent parce que le français et l’espagnol c’est /// c’est deux langues qui vient du mot latin / c’est pour ça qué /// que j’avance vite dans /// dans le français

A l’issue de l’entretien, SL a accepté de se prêter au jeu de « dessiner son répertoire de langues »
Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de SL

Exploitation de la parentalité de ses langues

11 ans, né en Colombie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 1 : Collégiens, 2018-2019
Corpus : Vanessa Rousseau.
Analyses et construction du portrait :
Vanessa Rousseau et Aude Bretegnier

  • SL a 11 ans lors de l’entretien (2019).
  • Né en Colombie, sa langue première est l’espagnol, dans laquelle il a été scolarisé en primaire et au début du secondaire.
  • Arrivé en France avec ses parents et sa sœur fin 2018 (lieu d’expatriation professionnelle du père), SL est entré en classe de cinquième, bénéficie en soutien du dispositif UPE2A.
  • Précédemment scolarisé de façon très régulière, ses habitudes d’apprentissage semblent très proches de celles qu’il découvre en France.
  • Compétiteur, SL fait preuve d’un engagement fort dans ses apprentissages et montre une grande volonté d’adaptation à sa nouvelle vie scolaire.
  • Langue maternelle : espagnol
  • Langues de scolarisation : espagnol, français (depuis 2019)
  • LV1 : anglais. LV2 : français.
  • Autre langue connue : portugais
  • SL, 11 ans, est colombien. Sa langue maternelle est l’espagnol, la langue officielle de son pays de naissance et de socialisation initiale, marqué par une politique linguistique d’unilinguisme masquant une réalité langagière historiquement hétérogène, diverses langues amérindiennes, auxquelles les discours de SL ne font toutefois aucunement mention, manifestement absentes de son imaginaire linguistique.
  • Ainsi contrairement à DA ou RU autres témoins de ces portraits, le répertoire initial de SL n’est pas pluriel mais monolingue, sa langue de scolarisation est aussi celle dans et en référence à laquelle il s’est construit, langue de filiation familiale et d’affiliation sociale. Il n’a pas non plus le même profil social et son parcours de scolarisation antérieur apparait avoir été stable.
  • Pour autant, son répertoire n’est pas monolingue, mais son plurilinguisme s’est essentiellement construit par les apprentissages scolaires, l’anglais mais aussi le français, qu’il avait aussi déjà commencé à apprendre à l’école en Colombie.
  • Il cite aussi le portugais, dans laquelle il a informellement construit, dans la sphère amicale, des compétences de compréhension orale mais aussi écrite, ce qui a été facilité par la proximité linguistique. S’il ne maitrise pas cette langue en production, il semble ne ressentir aucune honte ou insécurité linguistique à ce sujet, ce qui montre que l’appropriation du portugais ne sous-tend pour lui pas d’enjeux socio-identitaires.

Une seule langue maternelle, d’autres langues rencontrées, informellement acquises ou apprises à l’école

Deuxième passage 0:45 => 1 :41

3- E : […] est-ce que tu utilisais d’autres langues ? ou est-ce que tu as entendu d’autres langues ?
4- SL : oui le portugais
5- E : le portugais, d’accord, avec euh/
6- SL : avec mes amis
7- E : avec tes amis, d’accord, donc c’est une langue que tu comprenais ?
8- SL : oui
9- E : mais que tu ne parlais pas ?
10- SL : oui c’est ça
11- E : d’accord, OK […] / /donc ça c’était plus à l’oral, et est-ce que tu comprenais aussi le portugais à l’écrit ? […]
12- SL : à l’écrit oui, mais j’écris pas le portugais
13- E : d’accord, donc tu savais le comprendre à l’oral et à l’écrit, par contre tu savais pas le parler et pas l’écrire, enfin tu/
14- SL : oui

Exploitation de son répertoire pour le développement de stratégies d’intercompréhension

Acceptation de l’asymétrie de certaines de ses compétences, dénuées d’enjeux

  • A son arrivée en France SL semble entrer sans difficulté dans ce nouvel apprentissage de la langue française, langue matière peu pratiquée jusqu’alors devenue langue du quotidien, langue de scolarisation et de socialisation dans ce nouveau contexte de vie.
  • Au collège, SL intègre une classe de cinquième et bénéficie du dispositif UPE2A six heures par semaine. Au regard de son aisance, de son parcours scolaire et du test de positionnement initial il intègre directement le groupe « avancé » dans lequel il étonne par son adaptation très rapide et ses facultés de compréhension.
  • Un comportement d’ouverture et une participation active sont également notés non seulement par l’enseignante de FLS mais également par les enseignants des autres matières.
  • En classe, SL prend souvent la parole en français et en espagnol ; parfois même en anglais. Il a recours à son répertoire et utilise un déjà-là linguistique pluriel sans complexe. Habitudes scolaires et techniques d’apprentissage développées en Colombie sont pleinement réinvesties au collège en France.
  • La pluralité de son répertoire constitue en sorte un socle sur lequel il s’appuie pour construire de nouvelles connaissances linguistiques et langagières. Freiné d’aucune dévalorisation ou illégitimité, il aborde avec envie et enthousiasme toute nouvelle langue dans son répertoire. Comparaisons, transferts, et tentatives suivront.

Des langues légitimées scolairement
Un déjà-là linguistique assumé,
base de nouveaux apprentissages

17- E : Donc à l’école / en Colombie / quelles langues tu / tu pratiquais ? quelles langues tu as aussi apprises là-bas ?
18- SL : j’ai pratiqué le / l’espagnol mais j’ai appris le / l’anglais
19- E : l’anglais / d’accord / donc euh l’anglais / comme / comme ici en France / c’était une langue /une langue dans ton programme scolaire ?
20- SL : oui
21- E : oui d’accord / donc c’était un enseignant euh anglais ? ou un enseignant colombien qui / qui vous donnait des cours d’anglais ?
22- SL : C’est / c’est euh / la deuxième
23- E : donc un enseignant colombien […]
24- SL : oui
25- E : d’accord et quand il vous donnait des cours d’anglais / il parlait espagnol et anglais en même temps ?
26- SL : euh //
27- E : ou plus anglais ?
28- SL : pas toujours les mêmes langues
29- E : ah d’accord
30- SL : oui / il y a / il y a des horaires / par exemple le lundi tout anglais et le mardi espagnol anglais
31- E : d’accord / donc il y avait des journées où il utilisait tout le temps l’anglais
32- SL : oui […] c’est comme un petit test

  • Dans les pratiques langagières familiales, depuis l’arrivée en France, l’espagnol a conservé son statut et sa place de langue vernaculaire dominant, et par rapport à laquelle SL affiche un attachement et une fierté manifestes.
  • La situation pourtant évolue, le français commence à pénétrer la sphère privée et de l’intimité. SL le remarque surtout avec sa sœur, avec qui il partage l’expérience du français à l’école et dans les nouvelles expériences et relations amicales, du français de tous les jours… dont ils font ensemble de plus en plus usage quand ils discutent tous les deux.
  • Au sein de la famille les pratiques deviennent ainsi bilingues, avec une asymétrie des compétences entre les enfants et les parents encore peu francophones, qui comprennent mais peinent encore à parler le français. On ressent dans les discours de SL un investissement familial fort de la langue, encouragée par les parents dans la pratique des enfants dans la perspective d’une réussite scolaire, dans un projet d’intégration qui confère pourtant à la langue familiale un statut et des fonctions fortes, en tant que langue de filiation et vernaculaire maintenu dans les échanges, désormais en contact avec le français.
  • Le portugais, citée comme langue d’usage en Colombie par SL, comprise à l’écrit et à l’oral, semble disparaitre de son discours à cette nouvelle étape de vie mais pas complètement…

Une fierté affichée pour sa langue maternelle, un investissement progressif du français jusque dans l’intimité des interactions familiales… encouragé par les parents, eux-même encore peu francophones

82- E : depuis ton arrivée en France / […] quelles langues tu parles avec ton papa / ta maman […] avec tes frères et sœurs ?
83- SL : ESPAGNOL
84- E : espagnol
85- SL : et un petit peu français avec ma sœur [… ]
88- E : […] avec ta sœur avant tu ne parlais pas français avec elle et depuis que t’es en France / tu parles français avec elle ?
89- SL : oui c’est ça […]
92- E : […] quand le soir vous rentrez à la maison et que tu veux lui raconter ta journée / est-ce que tu lui racontes en espagnol ? […] en français ?
93- SL : en français
94- E : tu lui racontes en français / d’accord OK / et ta petite sœur elle te répond // en français ?
95- SL : en français / oui
96- E : en français / et ton papa et ta maman / ils comprennent le français ?
97- SL : oui ils comprend / mais ils sont… / sait pas com // comment // s’expresser […]
100- E : donc s’ils veulent participer à la conversation / eux / ils vont prendre la parole en espagnol ?
101- SL : oui

Concilier les langues pour les investir comme co-identitaires

  • SL aime les langues, aime les apprendre, conscient que ça peut l’aider à « relationner » (hispanisme) avec les gens, mais aussi parce qu’il trouve cela facile, et même de plus en plus facile, chaque langue apprise lui apportant toujours plus de clés pour entrer dans l’appropriation, de compétences à apprendre.
  • Il a pleinement conscience de la proximité entre l’espagnol, le portugais et le français, qui lui apparaissent toutes liées, « il y a des mots qué on comprend », «  ya plusieurs mots qui sont pareils »
  • Il met en avant leur filiation latine commune, sur laquelle il s’appuie et qui l’a rassuré dans son appréhension de cette nouvelle langue, à laquelle il attribue la progression rapide de ses apprentissages : « c’est pour ça que j’avance vite ».
  • SL adopte une posture de recherche des ressemblances entre ses langues.
  • On voit dans les discours de SL la manière dont sa stratégie est d’apprendre par mises en relations, naviguant constamment entre les langues à la recherche de ressemblances, ce qu’il réinvestit aussi au profil de l’apprentissage de l’anglais.

40- E : alors après / euh est-ce que toi tu as aimé apprendre ces langues ? […]
41- SL : oui je les aime / parce qué chaque / chaque fois qué / on apprend chaque langue / on va pro / on va progresser plus […]
46- E : c’est […] ce que toi t’as vécu par exemple ? t’as appris l’espagnol / après t’as appris / le portugais / après t’as appris l’anglais / maintenant tu parles le français // est-ce que c’est ton expérience qui te fait dire que à chaque fois c’est plus facile en fait?
47-SL : OUI
49- E : d’accord
50- SL : parce qué si on rencontre un personne qui ne parle pas espagnol ooo / on peut dire s’il parle français ou il parle portugais
51- E : AH c’est-à-dire que t’arrives à reconnaître […] quelle langue parle telle ou telle personne
52- SL : oui                                                                                                 
54- SL : et c’est plus meilleur pour pourrrr rélationner avec les personnes
55- E : pour communiquer avec les gens
56- SL : oui pour communiquer
57- E : est-ce que c’est facile ou difficile pour toi d’apprendre une nouvelle langue ?
58- SL : oui c’est facile
59- E : et pourquoi c’est facile ?
60- SL : parce que / bah il y a des mots qué / qu’on comprend et /// et c’est tout
61- E : ah d’accord il y a des mots que tu comprends / c’est-à-dire que / hummm / […] par exemple pour apprendre le français ou apprendre l’anglais tu vas retrouver des mots d’espagnol ?
62- SL : oui
 […]
76-78 SL : les mots / y’a /// y’a plusieurs de mots qui […] qui sont pareils…
79- E : […] des mots qui se ressemblent ?
80- SL : qui se ressemblent parce que le français et l’espagnol c’est /// c’est deux langues qui vient du mot latin / c’est pour ça qué /// que j’avance vite dans /// dans le français

A l’issue de l’entretien, SL a accepté de se prêter au jeu de « dessiner son répertoire de langues »
Les commentaires sont notées par l’enquêtrice à partir des remarques de SL

Exploitation de la parentalité de ses langues