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51 ans, née en Russie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • LA est née en 1965 à Voronej, une grande ville située à 500 km à l’ouest de de Moscou.
  • Elle a grandi, étudié et travaillé en tant que comptable dans sa ville jusqu’à ses 45 ans environ.
  • Elle a un fils d’une vingtaine d’années au moment de l’entretien, il est resté en Russie car il y travaille.
  • LA est donc arrivée seule en France suite à un véritable coup de foudre, une « histoire magique » selon ses propos. Elle s’est mariée avec un Français et cherche à présent à reprendre une vie professionnelle dans son champ de compétences.
  • LA a commencé l’apprentissage du français à Voronej, elle a pris des cours avec une enseignante russe, ce qui lui a permis de préparer linguistiquement et culturellement son départ pour la France. Elle a poursuivi en centre de formation en France, auprès d’un public hétérogène. Elle souhaite que l’apprentissage soit rapide, efficace et «compliqué » pour pouvoir progresser à vitesse grand V.
  • LA veut apprendre le « bon français » et avoir un « très bon niveau » pour des raisons professionnelles et sociales.

Une histoire magique…

  • LA est née à Voronej en 1965. Elle présente sa ville comme une ville riche appréciée par les Russes et réputée pour la fertilité de ses terres. Cette ville abrite ses parents et son fils, ainsi que ses nombreux amis et son passé professionnel. LA est une femme indépendante, une femme « forte » comme elle aime le dire. Elle a fait des études et a travaillé comme comptable dans des entreprises importantes de sa ville. Elle est passionnée de culture et de voyages. Lors d’un voyage entre amies en Tunisie, elle rencontre son futur mari français. Elle commence par lui rendre visite en Bretagne, ils en profitent pour découvrir la France, un pays à l’histoire aussi importante que celle de Russie… Elle se décide à venir s’installer en France et est motivée à y construire sa « deuxième vie » !

Au sein du couple, le français ou rien!

LA explique que le français est la seule langue du couple. C’est un choix, et même si l’anglais est une autre langue commune possible, il n’est pas envisageable de changer de perspective. Lorsque je l’interroge sur un éventuel apprentissage du russe par son mari, LA rit de bon cœur : il est trop vieux, ça ne l’intéresse pas. Et c’est elle qui a choisi de venir vivre en France, pas l’inverse.

Le russe et le français : deux « belles langues » 

  • Les comparaisons entre les deux langues sont nombreuses dans les discours de LA , et leurs traits en commun les plus mis en avant par la stagiaire sont leur beauté et leur richesse. Si ces discours axiologiques reprennent pour partie les représentations des langues de « poids » sur les scènes internationales (Gasquet-Cyrus&Petitjean, 2009) ainsi que les idéologies linguistiques hégémoniques (Blanchet, 2016), l’histoire personnelle de LA. participe également à la construction/maintien d’un système de jugements de valeurs. En effet, comment envisager d’apprendre une langue au statut moins reconnu que la sienne? Comment faire perdurer ce sentiment de « bien parler » si ce n’est en apprenant une nouvelle langue jouissant d’un prestige égal à celui de sa langue première? Et surtout, comment ne pas chercher des éléments encourageant favorisant l’apprentissage? En recontextualisant la place du français dans la cour russe des XVIII et XIX siècles, LA montre à la fois qu’elle est cultivée et que « ses » deux langues ont déjà un passé commun.

La francophilie et francophonie historiques sont ici autant d’attraits pour la langue française, dotée de prestige car parlée par les élites.

L’ambivalence des accents

« [une] nouvelle langue pour [une] vie nouvelle… »

LA dit être « fière » de son accent russe en français. Si l’accent est ici un marqueur identitaire, il est également sociolinguistiquement situé car en rapport avec le statut dominant du russe et les représentations positives liées à cette langue synonyme de pouvoir et de domination (dans certaines zones de Russie).

Mais si son accent russe la rend parfois fière, elle est également satisfaite lorsqu’il devient invisible, comme elle le rapporte dans une anecdote où une femme ne remarque qu’elle a un accent en parlant français. Cet accent russe, passé d’étendard à invisible devient alors une marque de bonne maîtrise de la langue. Cette ambivalence entre la fierté d’être reconnue comme russe (forme d’authenticité- comprise au sens de construction sociale) d’un côté, et la fierté d’avoir acquis un niveau de français suffisant pour ne pas être reconnue comme russe, est exprimée ici de telle forme qu’il n’y a pas de dualité exprimée, mais une forme de revendication d’un droit à la pluralité.

Le vrai russe et le dialecte

Pour LA., il y a le vrai russe, et les dialectes. Cette séparation, comprise comme une dépréciation de la variation en russe et perçue comme un appauvrissement, permet aussi de comprendre son envie de parler le « bon » français.
- LA.: […] Euh, dans ma région, c'est le russe. Vrai russe.
- Enq.M : d'accord [...]
- LA.: et nous, nous parlons seulement en russe
- Enq.M : d'accord, hum
- LA.: il y a beaucoup de dialectes. Il y a, euh, par exemple ma région est très proche de l’Ukraine
- Enq.M : d'accord
 - LA.: Ukraine… Et les gens qui habitent dans ma région, ils parlent entre eux. Le russe et l'Ukraine
- Enq.M : d'accord, mais c'est...
- LA.: c'est un dialecte !
- Enq.M : mais c'est [...] à l’école qu'on apprend ça?
- LA.: ah non, non, non, non, non. C'est du dialecte !

Les « gros » accents, reprise d’idéologies dominantes et glottophobie « inconsciente » ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

La peur d’un déclassement sociolinguistique ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

51 ans, née en Russie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • LA est née en 1965 à Voronej, une grande ville située à 500 km à l’ouest de de Moscou.
  • Elle a grandi, étudié et travaillé en tant que comptable dans sa ville jusqu’à ses 45 ans environ.
  • Elle a un fils d’une vingtaine d’années au moment de l’entretien, il est resté en Russie car il y travaille.
  • LA est donc arrivée seule en France suite à un véritable coup de foudre, une « histoire magique » selon ses propos. Elle s’est mariée avec un Français et cherche à présent à reprendre une vie professionnelle dans son champ de compétences.
  • LA a commencé l’apprentissage du français à Voronej, elle a pris des cours avec une enseignante russe, ce qui lui a permis de préparer linguistiquement et culturellement son départ pour la France. Elle a poursuivi en centre de formation en France, auprès d’un public hétérogène. Elle souhaite que l’apprentissage soit rapide, efficace et «compliqué » pour pouvoir progresser à vitesse grand V.
  • LA veut apprendre le « bon français » et avoir un « très bon niveau » pour des raisons professionnelles et sociales.

Une histoire magique…

  • LA est née à Voronej en 1965. Elle présente sa ville comme une ville riche appréciée par les Russes et réputée pour la fertilité de ses terres. Cette ville abrite ses parents et son fils, ainsi que ses nombreux amis et son passé professionnel. LA est une femme indépendante, une femme « forte » comme elle aime le dire. Elle a fait des études et a travaillé comme comptable dans des entreprises importantes de sa ville. Elle est passionnée de culture et de voyages. Lors d’un voyage entre amies en Tunisie, elle rencontre son futur mari français. Elle commence par lui rendre visite en Bretagne, ils en profitent pour découvrir la France, un pays à l’histoire aussi importante que celle de Russie… Elle se décide à venir s’installer en France et est motivée à y construire sa « deuxième vie » !

Au sein du couple, le français ou rien!

LA explique que le français est la seule langue du couple. C’est un choix, et même si l’anglais est une autre langue commune possible, il n’est pas envisageable de changer de perspective. Lorsque je l’interroge sur un éventuel apprentissage du russe par son mari, LA rit de bon cœur : il est trop vieux, ça ne l’intéresse pas. Et c’est elle qui a choisi de venir vivre en France, pas l’inverse.

Le russe et le français : deux « belles langues » 

  • Les comparaisons entre les deux langues sont nombreuses dans les discours de LA , et leurs traits en commun les plus mis en avant par la stagiaire sont leur beauté et leur richesse. Si ces discours axiologiques reprennent pour partie les représentations des langues de « poids » sur les scènes internationales (Gasquet-Cyrus&Petitjean, 2009) ainsi que les idéologies linguistiques hégémoniques (Blanchet, 2016), l’histoire personnelle de LA. participe également à la construction/maintien d’un système de jugements de valeurs. En effet, comment envisager d’apprendre une langue au statut moins reconnu que la sienne? Comment faire perdurer ce sentiment de « bien parler » si ce n’est en apprenant une nouvelle langue jouissant d’un prestige égal à celui de sa langue première? Et surtout, comment ne pas chercher des éléments encourageant favorisant l’apprentissage? En recontextualisant la place du français dans la cour russe des XVIII et XIX siècles, LA montre à la fois qu’elle est cultivée et que « ses » deux langues ont déjà un passé commun.

La francophilie et francophonie historiques sont ici autant d’attraits pour la langue française, dotée de prestige car parlée par les élites.

L’ambivalence des accents

« [une] nouvelle langue pour [une] vie nouvelle… »

LA dit être « fière » de son accent russe en français. Si l’accent est ici un marqueur identitaire, il est également sociolinguistiquement situé car en rapport avec le statut dominant du russe et les représentations positives liées à cette langue synonyme de pouvoir et de domination (dans certaines zones de Russie).

Mais si son accent russe la rend parfois fière, elle est également satisfaite lorsqu’il devient invisible, comme elle le rapporte dans une anecdote où une femme ne remarque qu’elle a un accent en parlant français. Cet accent russe, passé d’étendard à invisible devient alors une marque de bonne maîtrise de la langue. Cette ambivalence entre la fierté d’être reconnue comme russe (forme d’authenticité- comprise au sens de construction sociale) d’un côté, et la fierté d’avoir acquis un niveau de français suffisant pour ne pas être reconnue comme russe, est exprimée ici de telle forme qu’il n’y a pas de dualité exprimée, mais une forme de revendication d’un droit à la pluralité.

Le vrai russe et le dialecte

Pour LA., il y a le vrai russe, et les dialectes. Cette séparation, comprise comme une dépréciation de la variation en russe et perçue comme un appauvrissement, permet aussi de comprendre son envie de parler le « bon » français.
- LA.: […] Euh, dans ma région, c'est le russe. Vrai russe.
- Enq.M : d'accord [...]
- LA.: et nous, nous parlons seulement en russe
- Enq.M : d'accord, hum
- LA.: il y a beaucoup de dialectes. Il y a, euh, par exemple ma région est très proche de l’Ukraine
- Enq.M : d'accord
 - LA.: Ukraine… Et les gens qui habitent dans ma région, ils parlent entre eux. Le russe et l'Ukraine
- Enq.M : d'accord, mais c'est...
- LA.: c'est un dialecte !
- Enq.M : mais c'est [...] à l’école qu'on apprend ça?
- LA.: ah non, non, non, non, non. C'est du dialecte !

Les « gros » accents, reprise d’idéologies dominantes et glottophobie « inconsciente » ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

La peur d’un déclassement sociolinguistique ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

51 ans, née en Russie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • LA est née en 1965 à Voronej, une grande ville située à 500 km à l’ouest de de Moscou.
  • Elle a grandi, étudié et travaillé en tant que comptable dans sa ville jusqu’à ses 45 ans environ.
  • Elle a un fils d’une vingtaine d’années au moment de l’entretien, il est resté en Russie car il y travaille.
  • LA est donc arrivée seule en France suite à un véritable coup de foudre, une « histoire magique » selon ses propos. Elle s’est mariée avec un Français et cherche à présent à reprendre une vie professionnelle dans son champ de compétences.
  • LA a commencé l’apprentissage du français à Voronej, elle a pris des cours avec une enseignante russe, ce qui lui a permis de préparer linguistiquement et culturellement son départ pour la France. Elle a poursuivi en centre de formation en France, auprès d’un public hétérogène. Elle souhaite que l’apprentissage soit rapide, efficace et «compliqué » pour pouvoir progresser à vitesse grand V.
  • LA veut apprendre le « bon français » et avoir un « très bon niveau » pour des raisons professionnelles et sociales.

Une histoire magique…

  • LA est née à Voronej en 1965. Elle présente sa ville comme une ville riche appréciée par les Russes et réputée pour la fertilité de ses terres. Cette ville abrite ses parents et son fils, ainsi que ses nombreux amis et son passé professionnel. LA est une femme indépendante, une femme « forte » comme elle aime le dire. Elle a fait des études et a travaillé comme comptable dans des entreprises importantes de sa ville. Elle est passionnée de culture et de voyages. Lors d’un voyage entre amies en Tunisie, elle rencontre son futur mari français. Elle commence par lui rendre visite en Bretagne, ils en profitent pour découvrir la France, un pays à l’histoire aussi importante que celle de Russie… Elle se décide à venir s’installer en France et est motivée à y construire sa « deuxième vie » !

Au sein du couple, le français ou rien!

LA explique que le français est la seule langue du couple. C’est un choix, et même si l’anglais est une autre langue commune possible, il n’est pas envisageable de changer de perspective. Lorsque je l’interroge sur un éventuel apprentissage du russe par son mari, LA rit de bon cœur : il est trop vieux, ça ne l’intéresse pas. Et c’est elle qui a choisi de venir vivre en France, pas l’inverse.

Le russe et le français : deux « belles langues » 

  • Les comparaisons entre les deux langues sont nombreuses dans les discours de LA , et leurs traits en commun les plus mis en avant par la stagiaire sont leur beauté et leur richesse. Si ces discours axiologiques reprennent pour partie les représentations des langues de « poids » sur les scènes internationales (Gasquet-Cyrus&Petitjean, 2009) ainsi que les idéologies linguistiques hégémoniques (Blanchet, 2016), l’histoire personnelle de LA. participe également à la construction/maintien d’un système de jugements de valeurs. En effet, comment envisager d’apprendre une langue au statut moins reconnu que la sienne? Comment faire perdurer ce sentiment de « bien parler » si ce n’est en apprenant une nouvelle langue jouissant d’un prestige égal à celui de sa langue première? Et surtout, comment ne pas chercher des éléments encourageant favorisant l’apprentissage? En recontextualisant la place du français dans la cour russe des XVIII et XIX siècles, LA montre à la fois qu’elle est cultivée et que « ses » deux langues ont déjà un passé commun.

La francophilie et francophonie historiques sont ici autant d’attraits pour la langue française, dotée de prestige car parlée par les élites.

L’ambivalence des accents

« [une] nouvelle langue pour [une] vie nouvelle… »

LA dit être « fière » de son accent russe en français. Si l’accent est ici un marqueur identitaire, il est également sociolinguistiquement situé car en rapport avec le statut dominant du russe et les représentations positives liées à cette langue synonyme de pouvoir et de domination (dans certaines zones de Russie).

Mais si son accent russe la rend parfois fière, elle est également satisfaite lorsqu’il devient invisible, comme elle le rapporte dans une anecdote où une femme ne remarque qu’elle a un accent en parlant français. Cet accent russe, passé d’étendard à invisible devient alors une marque de bonne maîtrise de la langue. Cette ambivalence entre la fierté d’être reconnue comme russe (forme d’authenticité- comprise au sens de construction sociale) d’un côté, et la fierté d’avoir acquis un niveau de français suffisant pour ne pas être reconnue comme russe, est exprimée ici de telle forme qu’il n’y a pas de dualité exprimée, mais une forme de revendication d’un droit à la pluralité.

Le vrai russe et le dialecte

Pour LA., il y a le vrai russe, et les dialectes. Cette séparation, comprise comme une dépréciation de la variation en russe et perçue comme un appauvrissement, permet aussi de comprendre son envie de parler le « bon » français.
- LA.: […] Euh, dans ma région, c'est le russe. Vrai russe.
- Enq.M : d'accord [...]
- LA.: et nous, nous parlons seulement en russe
- Enq.M : d'accord, hum
- LA.: il y a beaucoup de dialectes. Il y a, euh, par exemple ma région est très proche de l’Ukraine
- Enq.M : d'accord
 - LA.: Ukraine… Et les gens qui habitent dans ma région, ils parlent entre eux. Le russe et l'Ukraine
- Enq.M : d'accord, mais c'est...
- LA.: c'est un dialecte !
- Enq.M : mais c'est [...] à l’école qu'on apprend ça?
- LA.: ah non, non, non, non, non. C'est du dialecte !

Les « gros » accents, reprise d’idéologies dominantes et glottophobie « inconsciente » ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

La peur d’un déclassement sociolinguistique ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

51 ans, née en Russie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 4 : Adultes, 2015-2016.
Corpus, analyses et construction du portrait : Myriam Dupouy

  • LA est née en 1965 à Voronej, une grande ville située à 500 km à l’ouest de de Moscou.
  • Elle a grandi, étudié et travaillé en tant que comptable dans sa ville jusqu’à ses 45 ans environ.
  • Elle a un fils d’une vingtaine d’années au moment de l’entretien, il est resté en Russie car il y travaille.
  • LA est donc arrivée seule en France suite à un véritable coup de foudre, une « histoire magique » selon ses propos. Elle s’est mariée avec un Français et cherche à présent à reprendre une vie professionnelle dans son champ de compétences.
  • LA a commencé l’apprentissage du français à Voronej, elle a pris des cours avec une enseignante russe, ce qui lui a permis de préparer linguistiquement et culturellement son départ pour la France. Elle a poursuivi en centre de formation en France, auprès d’un public hétérogène. Elle souhaite que l’apprentissage soit rapide, efficace et «compliqué » pour pouvoir progresser à vitesse grand V.
  • LA veut apprendre le « bon français » et avoir un « très bon niveau » pour des raisons professionnelles et sociales.

Une histoire magique…

  • LA est née à Voronej en 1965. Elle présente sa ville comme une ville riche appréciée par les Russes et réputée pour la fertilité de ses terres. Cette ville abrite ses parents et son fils, ainsi que ses nombreux amis et son passé professionnel. LA est une femme indépendante, une femme « forte » comme elle aime le dire. Elle a fait des études et a travaillé comme comptable dans des entreprises importantes de sa ville. Elle est passionnée de culture et de voyages. Lors d’un voyage entre amies en Tunisie, elle rencontre son futur mari français. Elle commence par lui rendre visite en Bretagne, ils en profitent pour découvrir la France, un pays à l’histoire aussi importante que celle de Russie… Elle se décide à venir s’installer en France et est motivée à y construire sa « deuxième vie » !

Au sein du couple, le français ou rien!

LA explique que le français est la seule langue du couple. C’est un choix, et même si l’anglais est une autre langue commune possible, il n’est pas envisageable de changer de perspective. Lorsque je l’interroge sur un éventuel apprentissage du russe par son mari, LA rit de bon cœur : il est trop vieux, ça ne l’intéresse pas. Et c’est elle qui a choisi de venir vivre en France, pas l’inverse.

Le russe et le français : deux « belles langues » 

  • Les comparaisons entre les deux langues sont nombreuses dans les discours de LA , et leurs traits en commun les plus mis en avant par la stagiaire sont leur beauté et leur richesse. Si ces discours axiologiques reprennent pour partie les représentations des langues de « poids » sur les scènes internationales (Gasquet-Cyrus&Petitjean, 2009) ainsi que les idéologies linguistiques hégémoniques (Blanchet, 2016), l’histoire personnelle de LA. participe également à la construction/maintien d’un système de jugements de valeurs. En effet, comment envisager d’apprendre une langue au statut moins reconnu que la sienne? Comment faire perdurer ce sentiment de « bien parler » si ce n’est en apprenant une nouvelle langue jouissant d’un prestige égal à celui de sa langue première? Et surtout, comment ne pas chercher des éléments encourageant favorisant l’apprentissage? En recontextualisant la place du français dans la cour russe des XVIII et XIX siècles, LA montre à la fois qu’elle est cultivée et que « ses » deux langues ont déjà un passé commun.

La francophilie et francophonie historiques sont ici autant d’attraits pour la langue française, dotée de prestige car parlée par les élites.

L’ambivalence des accents

« [une] nouvelle langue pour [une] vie nouvelle… »

LA dit être « fière » de son accent russe en français. Si l’accent est ici un marqueur identitaire, il est également sociolinguistiquement situé car en rapport avec le statut dominant du russe et les représentations positives liées à cette langue synonyme de pouvoir et de domination (dans certaines zones de Russie).

Mais si son accent russe la rend parfois fière, elle est également satisfaite lorsqu’il devient invisible, comme elle le rapporte dans une anecdote où une femme ne remarque qu’elle a un accent en parlant français. Cet accent russe, passé d’étendard à invisible devient alors une marque de bonne maîtrise de la langue. Cette ambivalence entre la fierté d’être reconnue comme russe (forme d’authenticité- comprise au sens de construction sociale) d’un côté, et la fierté d’avoir acquis un niveau de français suffisant pour ne pas être reconnue comme russe, est exprimée ici de telle forme qu’il n’y a pas de dualité exprimée, mais une forme de revendication d’un droit à la pluralité.

Le vrai russe et le dialecte

Pour LA., il y a le vrai russe, et les dialectes. Cette séparation, comprise comme une dépréciation de la variation en russe et perçue comme un appauvrissement, permet aussi de comprendre son envie de parler le « bon » français.
- LA.: […] Euh, dans ma région, c'est le russe. Vrai russe.
- Enq.M : d'accord [...]
- LA.: et nous, nous parlons seulement en russe
- Enq.M : d'accord, hum
- LA.: il y a beaucoup de dialectes. Il y a, euh, par exemple ma région est très proche de l’Ukraine
- Enq.M : d'accord
 - LA.: Ukraine… Et les gens qui habitent dans ma région, ils parlent entre eux. Le russe et l'Ukraine
- Enq.M : d'accord, mais c'est...
- LA.: c'est un dialecte !
- Enq.M : mais c'est [...] à l’école qu'on apprend ça?
- LA.: ah non, non, non, non, non. C'est du dialecte !

Les « gros » accents, reprise d’idéologies dominantes et glottophobie « inconsciente » ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).

La peur d’un déclassement sociolinguistique ?

LA pense que son niveau de français est primordial pour sa recherche professionnelle. Plus le niveau de langue sera bon, meilleur sera le travail et donc sa situation sociale. La crainte d’un déclassement est palpable, les efforts de distinction dont elle fait montre peuvent être compris comme symptôme et remède de ce sentiment de déclassement sociolinguistique (Dupouy, 2020).