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Sahida

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35 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Sahida est née en Kabylie, Algérie dans les années 1980, sa langue maternelle déclarée est le kabyle.
  • Mariée avec un homme algérien, mais non Kabyle comme elle, le couple est arrivé en France en 2003,
  • Sahida relève d’une instruction poussée, scolarisée en arabe et en français, en Algérie puis en France, où elle a pu poursuivre ses études en Master.
  • Elle est aujourd’hui mère au foyer, maman de 4 enfants nés en France âgés de 4 à 11 ans au moment des entretiens.
  • Sahida participe aux dispositifs de valorisation des langues et cultures familiales mis en place par l’association AFaLaC dans l’école des ses enfants.
  • Langues citées : kabyle, arabe algérien, français, arabe

Sahida est née en Algérie, dans la région de la Kabylie. Elle grandit auprès de ses frères et sœurs. Elle étudie le droit en Algérie, où elle est scolarisée en français jusqu’à la fin de sa licence. Dans cette licence, elle étudie la langue arabe. Pour pouvoir travailler, elle décide de rejoindre la France où elle rencontre son mari. La France, elle l’a choisie parce que « c’est le pays des droits de l’Homme », et parce que « on y vit en harmonie ». Rapidement, elle a été intriguée par le regard que l’on portait sur elle et sur ses origines, s’attendant pourtant à « rencontrer des gens ouverts à la fac » : « il y a des blonds en Algérie  ? ».

La langue maternelle déclarée est d’abord le kabyle, mais c’est « l’arabe » qui prime dans les discours, qu’elle pensait devoir faire disparaitre avec la migration

S : […] Euh... l'arabe ça fait partie de mes... enfin c'est mes origines, c'est mon histoire, c'est, c'est moi […] quand on est arrivés en France je pensais que l'arabe / ça y est/ c'est réglé, hop, je la mets dans la valise, je la sors quand je suis en Algérie. […] comme un passeport quoi. D'ailleurs, quand j'arrive en Algérie je parle qu'en algérien, je trouve ça bizarre. Et quand on me parle en français je réponds en arabe

L’arabe devenue langue « passeport » : dans la valise qui se « sort » quand on revient au pays

Après avoir passé un été dans sa famille en France, elle s’inscrit à l’université et passe un master de droit. Pourtant, elle ne cherche pas de travail dans le domaine dans lequel elle a été formée. Après son master, elle a compris qu’il fallait qu’elle s’expose, qu’elle s’exprime pour continuer. Elle n’a pas souhaité poursuivre, par timidité. Elle raconte avoir plusieurs fois changé d’avis dans sa vie, changé de direction, parce qu’elle est « une personne qui n’aime pas se montrer ». Fût un temps où elle écrivait des poèmes en français, « mais il fallait les lire, alors je me suis arrêtée ». Sahida, de part sa personnalité timide et introvertie, préfère rester discrète, quitte à ne pas aller au bout de ses volontés et de ses projets. S’exposer lui paraît trop difficile, et il semblerait que s’exprimer en français face à un public le soit plus encore. Ceci reflète l’insécurité linguistique dans laquelle a grandi Sahida, élevée en Kabylie, mais aussi dans laquelle elle a pu évoluer en France à l’université, elle, l’étudiante kabyle qui parle arabe et fait des études en français. Par sa timidité, Sahida a des difficultés à s’exposer en langue française, et elle renonce à s’exprimer en arabe en public.

Face à la difficile gestion de son répertoire linguistique : le choix de se taire

S : et le droit aussi / à un moment il fallait s'exposer/ il fallait// je me suis arrêtée// j'ai changé de vocation / j'ai cherché / qu'est-ce que j'ai envie de faire/ qu'est-ce que j'ai envie d'apporter aux gens // et j'aime beaucoup l'arabe

Insécurité linguistique en français… et en arabe ?

Entre filiation et affiliation : le bouleversement de la maternité.

Sahida se marie en France avec un mari algérien, mais non kabylophone. Avant la naissance de leurs enfants, Sahida ne souhaite pas montrer ses origines : elle tait sa langue maternelle « dans ma tête, s’intégrer, c’est parler français ». Lorsqu’on s’adresse à elle en arabe dans un lieu public, elle répond en français. Elle fait en sorte de ressembler aux français, adapte sa tenue vestimentaire aux goûts de la mode française. Animée par un fort désir d’intégration, elle renonce à ce qu’elle appelle désormais ses racines. Pourtant, à la naissance de sa première fille, elle ressent la nécessité de ressembler à sa mère, elle a peur « de perdre ce qu’elle a appris », et surtout, elle ne veut pas que sa « fille chercher sa place » comme elle a pu le faire en arrivant en France. Elle adopte alors l’arabe comme première langue de socialisation pour sa fille, et fait en sorte qu’elle grandisse, en sachant « qu’elle est française, qu’elle est née en France, mais qu’elle a des origines ».

Une fois son renoncement à ses origines dépassé ; acceptation de soi, fierté pour ses origines, et volonté de transmettre, d’être utile.

Finalement, mère au foyer, Sahida se demande ce qu’elle peut faire, et surtout « ce qu’elle a envie d’apporter aux gens ». En participant aux ateliers de l’association, en racontant des histoires dans les classes de ses enfants, elle « s’affiche en tant qu’algérienne et en tant qu’arabe aussi ». Elle porte un regard curieux et émerveillé sur la culture des autres parents qui s’investissent dans l’association : « Je pense, je pense que tu as des choses à m'apporter, j'ai des choses à t'apporter. Et si on vient de cultures différentes, c'est que moi je t'apporte des choses et toi aussi alors on est riches toutes les deux, et voilà. »

Fort désir d’intégration, renoncement à sa culture et à sa langue…

S : quand on arrive ++ ++ on dit qu'il faut s'intégrer. Et dans ma tête, s'intégrer c'est parler français avant. S'habiller comme les français, et c'est, c'est, c'est des choses que je faisais, avant. + je m'habillais en jean, j'étais pas voilée avant. On fait tout comme les français.

... menant à une stigmatisation, un rejet, une dévalorisation de soi

S : […] quand j'ai eu ma première fille, ++ et bin, je voulais à un moment ressembler à ma mère. […] ce qu'elle m'a donné ma mère, l'amour qu'elle a donné ma mère, […] je sais pas je //pour moi ça passe par la langue arabe.

Raconter des histoires en arabe : reconnaissance, construction identitaire et estime de soi.

S : l'expérience c'était de raconter une histoire, [rires] en arabe, CLASSIQUE. Et c'était dur [rires] mais c'était une bonne expérience, c'est une très bonne expérience, voilà. Parce que, avant je m'affichais en tant qu'algérienne. Maintenant je m'affiche autant que algérienne + arabe aussi. Et ça me dérange pas.

Plan de l’exposition →
Imaginaires plurilingues entre familles et écoles : expériences, parcours, démarches didactiques

35 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Sahida est née en Kabylie, Algérie dans les années 1980, sa langue maternelle déclarée est le kabyle.
  • Mariée avec un homme algérien, mais non Kabyle comme elle, le couple est arrivé en France en 2003,
  • Sahida relève d’une instruction poussée, scolarisée en arabe et en français, en Algérie puis en France, où elle a pu poursuivre ses études en Master.
  • Elle est aujourd’hui mère au foyer, maman de 4 enfants nés en France âgés de 4 à 11 ans au moment des entretiens.
  • Sahida participe aux dispositifs de valorisation des langues et cultures familiales mis en place par l’association AFaLaC dans l’école des ses enfants.
  • Langues citées : kabyle, arabe algérien, français, arabe

Sahida est née en Algérie, dans la région de la Kabylie. Elle grandit auprès de ses frères et sœurs. Elle étudie le droit en Algérie, où elle est scolarisée en français jusqu’à la fin de sa licence. Dans cette licence, elle étudie la langue arabe. Pour pouvoir travailler, elle décide de rejoindre la France où elle rencontre son mari. La France, elle l’a choisie parce que « c’est le pays des droits de l’Homme », et parce que « on y vit en harmonie ». Rapidement, elle a été intriguée par le regard que l’on portait sur elle et sur ses origines, s’attendant pourtant à « rencontrer des gens ouverts à la fac » : « il y a des blonds en Algérie  ? ».

La langue maternelle déclarée est d’abord le kabyle, mais c’est « l’arabe » qui prime dans les discours, qu’elle pensait devoir faire disparaitre avec la migration

S : […] Euh... l'arabe ça fait partie de mes... enfin c'est mes origines, c'est mon histoire, c'est, c'est moi […] quand on est arrivés en France je pensais que l'arabe / ça y est/ c'est réglé, hop, je la mets dans la valise, je la sors quand je suis en Algérie. […] comme un passeport quoi. D'ailleurs, quand j'arrive en Algérie je parle qu'en algérien, je trouve ça bizarre. Et quand on me parle en français je réponds en arabe

L’arabe devenue langue « passeport » : dans la valise qui se « sort » quand on revient au pays

Après avoir passé un été dans sa famille en France, elle s’inscrit à l’université et passe un master de droit. Pourtant, elle ne cherche pas de travail dans le domaine dans lequel elle a été formée. Après son master, elle a compris qu’il fallait qu’elle s’expose, qu’elle s’exprime pour continuer. Elle n’a pas souhaité poursuivre, par timidité. Elle raconte avoir plusieurs fois changé d’avis dans sa vie, changé de direction, parce qu’elle est « une personne qui n’aime pas se montrer ». Fût un temps où elle écrivait des poèmes en français, « mais il fallait les lire, alors je me suis arrêtée ». Sahida, de part sa personnalité timide et introvertie, préfère rester discrète, quitte à ne pas aller au bout de ses volontés et de ses projets. S’exposer lui paraît trop difficile, et il semblerait que s’exprimer en français face à un public le soit plus encore. Ceci reflète l’insécurité linguistique dans laquelle a grandi Sahida, élevée en Kabylie, mais aussi dans laquelle elle a pu évoluer en France à l’université, elle, l’étudiante kabyle qui parle arabe et fait des études en français. Par sa timidité, Sahida a des difficultés à s’exposer en langue française, et elle renonce à s’exprimer en arabe en public.

Face à la difficile gestion de son répertoire linguistique : le choix de se taire

S : et le droit aussi / à un moment il fallait s'exposer/ il fallait// je me suis arrêtée// j'ai changé de vocation / j'ai cherché / qu'est-ce que j'ai envie de faire/ qu'est-ce que j'ai envie d'apporter aux gens // et j'aime beaucoup l'arabe

Insécurité linguistique en français… et en arabe ?

Entre filiation et affiliation : le bouleversement de la maternité.

Sahida se marie en France avec un mari algérien, mais non kabylophone. Avant la naissance de leurs enfants, Sahida ne souhaite pas montrer ses origines : elle tait sa langue maternelle « dans ma tête, s’intégrer, c’est parler français ». Lorsqu’on s’adresse à elle en arabe dans un lieu public, elle répond en français. Elle fait en sorte de ressembler aux français, adapte sa tenue vestimentaire aux goûts de la mode française. Animée par un fort désir d’intégration, elle renonce à ce qu’elle appelle désormais ses racines. Pourtant, à la naissance de sa première fille, elle ressent la nécessité de ressembler à sa mère, elle a peur « de perdre ce qu’elle a appris », et surtout, elle ne veut pas que sa « fille chercher sa place » comme elle a pu le faire en arrivant en France. Elle adopte alors l’arabe comme première langue de socialisation pour sa fille, et fait en sorte qu’elle grandisse, en sachant « qu’elle est française, qu’elle est née en France, mais qu’elle a des origines ».

Une fois son renoncement à ses origines dépassé ; acceptation de soi, fierté pour ses origines, et volonté de transmettre, d’être utile.

Finalement, mère au foyer, Sahida se demande ce qu’elle peut faire, et surtout « ce qu’elle a envie d’apporter aux gens ». En participant aux ateliers de l’association, en racontant des histoires dans les classes de ses enfants, elle « s’affiche en tant qu’algérienne et en tant qu’arabe aussi ». Elle porte un regard curieux et émerveillé sur la culture des autres parents qui s’investissent dans l’association : « Je pense, je pense que tu as des choses à m'apporter, j'ai des choses à t'apporter. Et si on vient de cultures différentes, c'est que moi je t'apporte des choses et toi aussi alors on est riches toutes les deux, et voilà. »

Fort désir d’intégration, renoncement à sa culture et à sa langue…

S : quand on arrive ++ ++ on dit qu'il faut s'intégrer. Et dans ma tête, s'intégrer c'est parler français avant. S'habiller comme les français, et c'est, c'est, c'est des choses que je faisais, avant. + je m'habillais en jean, j'étais pas voilée avant. On fait tout comme les français.

... menant à une stigmatisation, un rejet, une dévalorisation de soi

S : […] quand j'ai eu ma première fille, ++ et bin, je voulais à un moment ressembler à ma mère. […] ce qu'elle m'a donné ma mère, l'amour qu'elle a donné ma mère, […] je sais pas je //pour moi ça passe par la langue arabe.

Raconter des histoires en arabe : reconnaissance, construction identitaire et estime de soi.

S : l'expérience c'était de raconter une histoire, [rires] en arabe, CLASSIQUE. Et c'était dur [rires] mais c'était une bonne expérience, c'est une très bonne expérience, voilà. Parce que, avant je m'affichais en tant qu'algérienne. Maintenant je m'affiche autant que algérienne + arabe aussi. Et ça me dérange pas.

35 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Sahida est née en Kabylie, Algérie dans les années 1980, sa langue maternelle déclarée est le kabyle.
  • Mariée avec un homme algérien, mais non Kabyle comme elle, le couple est arrivé en France en 2003,
  • Sahida relève d’une instruction poussée, scolarisée en arabe et en français, en Algérie puis en France, où elle a pu poursuivre ses études en Master.
  • Elle est aujourd’hui mère au foyer, maman de 4 enfants nés en France âgés de 4 à 11 ans au moment des entretiens.
  • Sahida participe aux dispositifs de valorisation des langues et cultures familiales mis en place par l’association AFaLaC dans l’école des ses enfants.
  • Langues citées : kabyle, arabe algérien, français, arabe

Sahida est née en Algérie, dans la région de la Kabylie. Elle grandit auprès de ses frères et sœurs. Elle étudie le droit en Algérie, où elle est scolarisée en français jusqu’à la fin de sa licence. Dans cette licence, elle étudie la langue arabe. Pour pouvoir travailler, elle décide de rejoindre la France où elle rencontre son mari. La France, elle l’a choisie parce que « c’est le pays des droits de l’Homme », et parce que « on y vit en harmonie ». Rapidement, elle a été intriguée par le regard que l’on portait sur elle et sur ses origines, s’attendant pourtant à « rencontrer des gens ouverts à la fac » : « il y a des blonds en Algérie  ? ».

La langue maternelle déclarée est d’abord le kabyle, mais c’est « l’arabe » qui prime dans les discours, qu’elle pensait devoir faire disparaitre avec la migration

S : […] Euh... l'arabe ça fait partie de mes... enfin c'est mes origines, c'est mon histoire, c'est, c'est moi […] quand on est arrivés en France je pensais que l'arabe / ça y est/ c'est réglé, hop, je la mets dans la valise, je la sors quand je suis en Algérie. […] comme un passeport quoi. D'ailleurs, quand j'arrive en Algérie je parle qu'en algérien, je trouve ça bizarre. Et quand on me parle en français je réponds en arabe

L’arabe devenue langue « passeport » : dans la valise qui se « sort » quand on revient au pays

Après avoir passé un été dans sa famille en France, elle s’inscrit à l’université et passe un master de droit. Pourtant, elle ne cherche pas de travail dans le domaine dans lequel elle a été formée. Après son master, elle a compris qu’il fallait qu’elle s’expose, qu’elle s’exprime pour continuer. Elle n’a pas souhaité poursuivre, par timidité. Elle raconte avoir plusieurs fois changé d’avis dans sa vie, changé de direction, parce qu’elle est « une personne qui n’aime pas se montrer ». Fût un temps où elle écrivait des poèmes en français, « mais il fallait les lire, alors je me suis arrêtée ». Sahida, de part sa personnalité timide et introvertie, préfère rester discrète, quitte à ne pas aller au bout de ses volontés et de ses projets. S’exposer lui paraît trop difficile, et il semblerait que s’exprimer en français face à un public le soit plus encore. Ceci reflète l’insécurité linguistique dans laquelle a grandi Sahida, élevée en Kabylie, mais aussi dans laquelle elle a pu évoluer en France à l’université, elle, l’étudiante kabyle qui parle arabe et fait des études en français. Par sa timidité, Sahida a des difficultés à s’exposer en langue française, et elle renonce à s’exprimer en arabe en public.

Face à la difficile gestion de son répertoire linguistique : le choix de se taire

S : et le droit aussi / à un moment il fallait s'exposer/ il fallait// je me suis arrêtée// j'ai changé de vocation / j'ai cherché / qu'est-ce que j'ai envie de faire/ qu'est-ce que j'ai envie d'apporter aux gens // et j'aime beaucoup l'arabe

Insécurité linguistique en français… et en arabe ?

Entre filiation et affiliation : le bouleversement de la maternité.

Sahida se marie en France avec un mari algérien, mais non kabylophone. Avant la naissance de leurs enfants, Sahida ne souhaite pas montrer ses origines : elle tait sa langue maternelle « dans ma tête, s’intégrer, c’est parler français ». Lorsqu’on s’adresse à elle en arabe dans un lieu public, elle répond en français. Elle fait en sorte de ressembler aux français, adapte sa tenue vestimentaire aux goûts de la mode française. Animée par un fort désir d’intégration, elle renonce à ce qu’elle appelle désormais ses racines. Pourtant, à la naissance de sa première fille, elle ressent la nécessité de ressembler à sa mère, elle a peur « de perdre ce qu’elle a appris », et surtout, elle ne veut pas que sa « fille chercher sa place » comme elle a pu le faire en arrivant en France. Elle adopte alors l’arabe comme première langue de socialisation pour sa fille, et fait en sorte qu’elle grandisse, en sachant « qu’elle est française, qu’elle est née en France, mais qu’elle a des origines ».

Une fois son renoncement à ses origines dépassé ; acceptation de soi, fierté pour ses origines, et volonté de transmettre, d’être utile.

Finalement, mère au foyer, Sahida se demande ce qu’elle peut faire, et surtout « ce qu’elle a envie d’apporter aux gens ». En participant aux ateliers de l’association, en racontant des histoires dans les classes de ses enfants, elle « s’affiche en tant qu’algérienne et en tant qu’arabe aussi ». Elle porte un regard curieux et émerveillé sur la culture des autres parents qui s’investissent dans l’association : « Je pense, je pense que tu as des choses à m'apporter, j'ai des choses à t'apporter. Et si on vient de cultures différentes, c'est que moi je t'apporte des choses et toi aussi alors on est riches toutes les deux, et voilà. »

Fort désir d’intégration, renoncement à sa culture et à sa langue…

S : quand on arrive ++ ++ on dit qu'il faut s'intégrer. Et dans ma tête, s'intégrer c'est parler français avant. S'habiller comme les français, et c'est, c'est, c'est des choses que je faisais, avant. + je m'habillais en jean, j'étais pas voilée avant. On fait tout comme les français.

... menant à une stigmatisation, un rejet, une dévalorisation de soi

S : […] quand j'ai eu ma première fille, ++ et bin, je voulais à un moment ressembler à ma mère. […] ce qu'elle m'a donné ma mère, l'amour qu'elle a donné ma mère, […] je sais pas je //pour moi ça passe par la langue arabe.

Raconter des histoires en arabe : reconnaissance, construction identitaire et estime de soi.

S : l'expérience c'était de raconter une histoire, [rires] en arabe, CLASSIQUE. Et c'était dur [rires] mais c'était une bonne expérience, c'est une très bonne expérience, voilà. Parce que, avant je m'affichais en tant qu'algérienne. Maintenant je m'affiche autant que algérienne + arabe aussi. Et ça me dérange pas.

35 ans, née en Algérie

Fragments d’histoire de langues

Terrain 2 : Adultes, 2017-2018
Corpus : Violaine Béduneau
Analyses et construction du portrait :
Violaine Béduneau

  • Sahida est née en Kabylie, Algérie dans les années 1980, sa langue maternelle déclarée est le kabyle.
  • Mariée avec un homme algérien, mais non Kabyle comme elle, le couple est arrivé en France en 2003,
  • Sahida relève d’une instruction poussée, scolarisée en arabe et en français, en Algérie puis en France, où elle a pu poursuivre ses études en Master.
  • Elle est aujourd’hui mère au foyer, maman de 4 enfants nés en France âgés de 4 à 11 ans au moment des entretiens.
  • Sahida participe aux dispositifs de valorisation des langues et cultures familiales mis en place par l’association AFaLaC dans l’école des ses enfants.
  • Langues citées : kabyle, arabe algérien, français, arabe

Sahida est née en Algérie, dans la région de la Kabylie. Elle grandit auprès de ses frères et sœurs. Elle étudie le droit en Algérie, où elle est scolarisée en français jusqu’à la fin de sa licence. Dans cette licence, elle étudie la langue arabe. Pour pouvoir travailler, elle décide de rejoindre la France où elle rencontre son mari. La France, elle l’a choisie parce que « c’est le pays des droits de l’Homme », et parce que « on y vit en harmonie ». Rapidement, elle a été intriguée par le regard que l’on portait sur elle et sur ses origines, s’attendant pourtant à « rencontrer des gens ouverts à la fac » : « il y a des blonds en Algérie  ? ».

La langue maternelle déclarée est d’abord le kabyle, mais c’est « l’arabe » qui prime dans les discours, qu’elle pensait devoir faire disparaitre avec la migration

S : […] Euh... l'arabe ça fait partie de mes... enfin c'est mes origines, c'est mon histoire, c'est, c'est moi […] quand on est arrivés en France je pensais que l'arabe / ça y est/ c'est réglé, hop, je la mets dans la valise, je la sors quand je suis en Algérie. […] comme un passeport quoi. D'ailleurs, quand j'arrive en Algérie je parle qu'en algérien, je trouve ça bizarre. Et quand on me parle en français je réponds en arabe

L’arabe devenue langue « passeport » : dans la valise qui se « sort » quand on revient au pays

Après avoir passé un été dans sa famille en France, elle s’inscrit à l’université et passe un master de droit. Pourtant, elle ne cherche pas de travail dans le domaine dans lequel elle a été formée. Après son master, elle a compris qu’il fallait qu’elle s’expose, qu’elle s’exprime pour continuer. Elle n’a pas souhaité poursuivre, par timidité. Elle raconte avoir plusieurs fois changé d’avis dans sa vie, changé de direction, parce qu’elle est « une personne qui n’aime pas se montrer ». Fût un temps où elle écrivait des poèmes en français, « mais il fallait les lire, alors je me suis arrêtée ». Sahida, de part sa personnalité timide et introvertie, préfère rester discrète, quitte à ne pas aller au bout de ses volontés et de ses projets. S’exposer lui paraît trop difficile, et il semblerait que s’exprimer en français face à un public le soit plus encore. Ceci reflète l’insécurité linguistique dans laquelle a grandi Sahida, élevée en Kabylie, mais aussi dans laquelle elle a pu évoluer en France à l’université, elle, l’étudiante kabyle qui parle arabe et fait des études en français. Par sa timidité, Sahida a des difficultés à s’exposer en langue française, et elle renonce à s’exprimer en arabe en public.

Face à la difficile gestion de son répertoire linguistique : le choix de se taire

S : et le droit aussi / à un moment il fallait s'exposer/ il fallait// je me suis arrêtée// j'ai changé de vocation / j'ai cherché / qu'est-ce que j'ai envie de faire/ qu'est-ce que j'ai envie d'apporter aux gens // et j'aime beaucoup l'arabe

Insécurité linguistique en français… et en arabe ?

Entre filiation et affiliation : le bouleversement de la maternité.

Sahida se marie en France avec un mari algérien, mais non kabylophone. Avant la naissance de leurs enfants, Sahida ne souhaite pas montrer ses origines : elle tait sa langue maternelle « dans ma tête, s’intégrer, c’est parler français ». Lorsqu’on s’adresse à elle en arabe dans un lieu public, elle répond en français. Elle fait en sorte de ressembler aux français, adapte sa tenue vestimentaire aux goûts de la mode française. Animée par un fort désir d’intégration, elle renonce à ce qu’elle appelle désormais ses racines. Pourtant, à la naissance de sa première fille, elle ressent la nécessité de ressembler à sa mère, elle a peur « de perdre ce qu’elle a appris », et surtout, elle ne veut pas que sa « fille chercher sa place » comme elle a pu le faire en arrivant en France. Elle adopte alors l’arabe comme première langue de socialisation pour sa fille, et fait en sorte qu’elle grandisse, en sachant « qu’elle est française, qu’elle est née en France, mais qu’elle a des origines ».

Une fois son renoncement à ses origines dépassé ; acceptation de soi, fierté pour ses origines, et volonté de transmettre, d’être utile.

Finalement, mère au foyer, Sahida se demande ce qu’elle peut faire, et surtout « ce qu’elle a envie d’apporter aux gens ». En participant aux ateliers de l’association, en racontant des histoires dans les classes de ses enfants, elle « s’affiche en tant qu’algérienne et en tant qu’arabe aussi ». Elle porte un regard curieux et émerveillé sur la culture des autres parents qui s’investissent dans l’association : « Je pense, je pense que tu as des choses à m'apporter, j'ai des choses à t'apporter. Et si on vient de cultures différentes, c'est que moi je t'apporte des choses et toi aussi alors on est riches toutes les deux, et voilà. »

Fort désir d’intégration, renoncement à sa culture et à sa langue…

S : quand on arrive ++ ++ on dit qu'il faut s'intégrer. Et dans ma tête, s'intégrer c'est parler français avant. S'habiller comme les français, et c'est, c'est, c'est des choses que je faisais, avant. + je m'habillais en jean, j'étais pas voilée avant. On fait tout comme les français.

... menant à une stigmatisation, un rejet, une dévalorisation de soi

S : […] quand j'ai eu ma première fille, ++ et bin, je voulais à un moment ressembler à ma mère. […] ce qu'elle m'a donné ma mère, l'amour qu'elle a donné ma mère, […] je sais pas je //pour moi ça passe par la langue arabe.

Raconter des histoires en arabe : reconnaissance, construction identitaire et estime de soi.

S : l'expérience c'était de raconter une histoire, [rires] en arabe, CLASSIQUE. Et c'était dur [rires] mais c'était une bonne expérience, c'est une très bonne expérience, voilà. Parce que, avant je m'affichais en tant qu'algérienne. Maintenant je m'affiche autant que algérienne + arabe aussi. Et ça me dérange pas.